Si en temps de « paix sociale » les médias dominants peuvent faire semblant de laisser une certaine place à une pluralité de discours sur les faits d’actualité, en temps de crise sociale et politique, de lutte de classes et d’injonction à la « responsabilité » face à « l’intérêt national », ils révèlent leur vraie nature : de simples agences de communication au service, en l’occurrence, du gouvernement, des classes dominantes en général. Ce dimanche 29 novembre, à l’occasion de la répression des manifestants pour le climat dans le contexte de la COP 21, et contre l’état d’urgence et les interdictions de manifestation, n’a pas fait exception, à un niveau d’intox qui en dit long sur ce à quoi gouvernement et médias sont prêts.

Les bons et les mauvais manifestants

La première opération de communication face à la répression à la Place de la République a consisté à séparer les « bons » manifestants, inoffensifs pour le gouvernement, et les « mauvais » manifestants, radicalisés et voulant « en découdre ».

Les premiers, encadrés par des organisations totalement inféodées au cadre institutionnel de la COP21, comme expliquait un des organisateurs de la « chaine humaine », seraient la preuve « qu’une mobilisation bien organisée, canalisée, pouvait se passer très bien ». Ces manifestants « citoyens », seraient les seuls « légitimes » et « acceptables ».

Les « mauvais » manifestants, au contraire, n’auraient pas été là, disent-ils, pour l’écologie mais, comme par exemple l’exprime Libération, en vue de la « contestation de la politique gouvernementale ». Ils osent contester l’état d’urgence, quel scandale !

Cette « diabolisation » se combine à une tentative de ridiculisation des secteurs les plus conscients des manifestants à travers des caricatures qui les présentent comme des « idéalistes violents ». Ainsi, Le Figaro se déchaine et les présente comme ceci : « Difficile de cerner les revendications des militants, qui ont crié des slogans variés face aux CRS : "L’état d’urgence, on s’en fout, on ne veut plus d’état du tout !", "Les gaz lacrymo, c’est pas très écolo !", "Liberté, liberté, liberté !". Clairement, les forces de l’ordre étaient l’objectif et la raison d’être des manifestants les plus radicaux qui portaient des cagoules ou des masques, et tentaient de charger la police aux cris de "ACAB", le fameux cri anticapitaliste signifiant "All Cops Are Bastard" ("tous les flics sont des connards") ».

Manifestants « profanateurs » de la mémoire des victimes des attentats

L’autre discours qui a eu beaucoup d’écho dans les médias a été celui qui présente les manifestants comme des irrespectueux de la mémoire des victimes des attentats du 13 novembre dernier. Pour preuve de cette véritable « profanation », comme certains n’ont pas hésité à le dire :certains « militants violents » auraient récupéré des bougies ou des pots de fleurs dans le mémorial aux victimes des attentats pour les lancer à la police.

Mais l’article déjà cité du Figaro va en réalité déjà plus loin, il dresse un portrait type du parfait « ennemi intérieur extrémiste » : « Un autre [manifestant] a tenté de mettre le feu à un drapeau français pris sur le mémorial. Pour l’allumer, il se sert de dessins d’enfants posés là en hommage ». Les manifestants réprimés sur la place de la République seraient ainsi responsables de dégradations irrespectueuses du mémorial, coupables de porter atteinte au symbole qui représenterait cet endroit, et, en vérité, rien de plus que des… terroristes à traquer avec une « fermeté totale » comme l’a dit Cazeneuve hier soir.

Or, alors que dans la presse il n’y a presque pas d’images montrant clairement des manifestants« se servant » des bougies du mémorial, « étrangement » les images qui, elles, circulent le plus pour l’instant, sont celles où l’on voit clairement des CRS marcher sur le mémorial et pratiquement tout détruire. Mais ces images n’ont été diffusées que sur les réseaux sociaux. Rien de tel sur les écrans de télé ou sur les pages des principaux journaux.