×

Violence d'État

Répression contre les manifestants. Un rapport de la CGLPL accable la police

Un rapport de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) a été publié ce 3 mai à la suite de contrôles dans différents commissariats parisiens. Celui-ci permet de documenter les pratiques largement dénoncées par les manifestants et met sous le feu des projecteurs la répression tout azimut du gouvernement ces derniers mois.

Camille Tesga

9 mai 2023

Facebook Twitter
Répression contre les manifestants. Un rapport de la CGLPL accable la police

Crédit photo : Creative commons

Dans un rapport publié le 3 mai, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), une Autorité Administrative Indépendante (AAI) fait état des pratiques mises en œuvre par les forces de police contre les manifestants interpellés et placés en garde-à-vue depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites. Ce rapport expose les rouages de la machine répressive mise en place par gouvernement pour intimider les manifestants et tenter d’éteindre toute contestation sociale.

Des interpellations toujours plus irrégulières et toujours plus violentes

La CGLPL détaille d’abord la violence perpétrée par la police lors des arrestations : « Presque toutes [les personnes rencontrées] ont indiqué avoir subi des violences ou en avoir été témoins, notamment lors d’interpellations en masse ou pendant qu’elles attendaient, dans des rues adjacentes, d’être transportées vers un commissariat : coups de matraque, balayettes, plaquages au sol ou contre un mur » dont un cas ayant nécessité une hospitalisation en urgence et un autre un ITT de sept jours.

Par ailleurs l’enquête relate que les procédures d’interpellation sont souvent irrégulières. Les fiches d’interpellations, que doivent remplir les policiers lorsqu’ils procèdent aux interpellations et qui sont censées décrire les faits reprochés puisqu’elles leur servent de preuve, ne sont souvent que partiellement remplies. Les conditions d’interpellation sont rarement décrites, et des personnes témoignent du fait que les policiers "choisissent au hasard" les cases correspondant aux infractions reprochées.

Par ailleurs le rapport montre également que la police recevait des fiches préremplies avec des motifs parfois anecdotiques comme le port de la capuche ou même le fait d’avoir les « cheveux noirs ».

Certains OPJ affirment aussi que les agents interpellateurs, lorsque contactés pour fournir plus de détails sur le comportement reprochés aux personnes interpellées en étaient incapables, affirmant avoir reçu l’ordre de la hiérarchie d’interpeller « sans distinction » des individus se trouvant dans certaines rues de Paris.

80% de gardes à vue classées sans suite

Ces éléments démontrent que même les règles - pourtant si peu contraignantes - encadrant les placements en garde à vue ont été complètement bafouées, avec des placements en garde à vue de manifestants hors de tout cadre légal et sans raison autre que la volonté de les punir d’avoir participé à une manifestation.

S’agissant des suites données aux gardes à vue, le rapport établit que plus de 80% des procédures sont classées sans suite, et que les personnes poursuivies sont pour la quasi-totalité relaxées. Cet élément est particulièrement révélateur, d’autant plus lorsqu’on sait à quel point certaines infractions sont pensées sur mesure pour la répression des manifestants et s’accommodent très bien des dossiers quasiment vides, comme c’est le cas des infractions de "groupement en vue de", de la "dissimulation du visage" ou du refus de donner ses codes de téléphones.

Quant à la durée des gardes à vues, il est constaté que la durée moyenne des gardes-à-vue avoisine les 24h et que les garde à vue sont souvent prolongées lorsque les personnes refusent l’accès à leurs données personnelles et leurs téléphones.

Ainsi le rapport montre que la police procède à un enregistrement systématique des personnes gardées à vue dans leurs fichiers y compris des mineurs et que ceux qui s’y opposent sont sur ordre du parquet systématiquement déferrés.

Le rapport montre également que la police a régulièrement recours aux fouilles en sous-vêtements voire complètement nu lors de l’arrivée au commissariat, alors même que la loi prescrit la palpation au travers des vêtements. Les gardés-à-vue sont rarement notifiés de la totalité de leurs droits comme celui de contacter un proche ou de notifier un avocat. Le rapport met par ailleurs en avant des espaces individuels extrêmement restreints et aux conditions d’hygiène désastreuses, comme en attestent les photos fournies en complément, et parfois sans accès à l’eau ni à une nourriture correcte.

Face à la contestation, le gouvernement n’a que la matraque

Dans un entretien avec Libération, la CGLPL met en avant la volonté d’intimider les manifestants. En effet, le recours systématique aux interpellations lors des manifestations et le placement en garde-à-vue dans des conditions déplorables s’inscrit clairement plus dans une logique d’intimidation et de criminalisation du mouvement social que de soi-disant lutte contre les auteurs d’exactions comme cherche à nous faire croire le gouvernement

Dès lors, on voit très bien que le gouvernement, plus fragilisé que jamais par la séquence encore en cours, n’hésite pas à bafouer les quelques règles existantes pour faire taire toute contestation. On voit aussi les limites des garanties formelles qui existent en matière de placement en garde-à-vue et supposées interdire les détentions dites arbitraires, garanties qui n’existent en réalité que sur le papier, comme ces périodes de lutte des classes plus intense le montrent au grand jour.

Face à cette offensive à l’encontre des personnes mobilisées, la lutte contre la répression est une tâche centrale du mouvement à laquelle nous devons donner beaucoup d’importance. Les organisations du mouvement ouvrier et notamment les directions syndicales devraient la dénoncer fermement et refuser de retourner à la table des négociations avec un gouvernement qui dans le même temps nous matraque, nous enferme en garde à vue, nous interdit de manifester et nous poursuit devant les tribunaux. A l’inverse, nous devons être présents massivement devant les commissariats et tribunaux pour exiger la libération de tous les interpellés et l’abandon des poursuites.


Facebook Twitter
La manifestation antiraciste du 21 avril autorisée : tous dans la rue ce dimanche à Paris !

La manifestation antiraciste du 21 avril autorisée : tous dans la rue ce dimanche à Paris !

Des AED condamnés à de la prison avec sursis pour avoir dénoncé la répression syndicale et le racisme

Des AED condamnés à de la prison avec sursis pour avoir dénoncé la répression syndicale et le racisme

Marche antiraciste du 21 avril interdite à Paris. Face à la répression, faisons front !

Marche antiraciste du 21 avril interdite à Paris. Face à la répression, faisons front !

Répression coloniale. A Pointe-à-Pitre, Darmanin instaure un couvre-feu pour les mineurs

Répression coloniale. A Pointe-à-Pitre, Darmanin instaure un couvre-feu pour les mineurs

Peines contre les parents, internats : Attal s'en prend encore aux jeunes de quartiers populaires

Peines contre les parents, internats : Attal s’en prend encore aux jeunes de quartiers populaires

« Place Nette » à Mayotte : le gouvernement relance l'opération Wuambushu pour des expulsions de masse

« Place Nette » à Mayotte : le gouvernement relance l’opération Wuambushu pour des expulsions de masse

Solidarité avec les sans-papiers et les mineurs isolés : tous dans la rue ce vendredi 12 avril !

Solidarité avec les sans-papiers et les mineurs isolés : tous dans la rue ce vendredi 12 avril !

JO : À la Maison des Métallos, la lutte des mineurs en recours s'organise contre les expulsions

JO : À la Maison des Métallos, la lutte des mineurs en recours s’organise contre les expulsions