Le régime des taux zéro

Les taux d’intérêt des banques centrales (Fed, Banque centrale européenne, etc.) gouvernent les coûts auxquels les banques peuvent se refinancer auprès de ces institutions et, en conséquence, les taux auxquelles elles prêtent aux entreprises et aux ménages. Une hausse des taux rend les emprunts plus coûteux : elle est donc défavorable aux investissements et aux achats de logements. Une baisse des taux a en principe les effets inverses. Quand l’économie ralentit, les banques centrales réduisent souvent leurs taux : toutes l’ont fait en 2008-2009.
Depuis, les principaux pays capitalistes vivent dans un régime de taux à zéro ou quasiment. Ce régime a d’autant plus perduré que la croissance a été faible et les investissements languissants tandis que les dépenses budgétaires étaient comprimées : en Europe du fait de l’envol des dettes publiques et des objectifs de déficit budgétaire ; aux États-Unis, car les Républicains, majoritaires au Congrès, voulaient réduire le déficit tout en conservant un niveau élevé de dépenses militaires et, surtout, ne pas toucher aux faramineuses réductions d’impôts pour les revenus élevés mises en place par Bush.
Cette politique de taux zéro ou et de distribution d’argent aux banques n’a pas relancé l’investissement mais a amplifié la spéculation boursière et créé les conditions d’une nouvelle crise financière. Les dirigeants capitalistes en sont conscients mais hésitent à en sortir de peur de conséquences incontrôlées, car l’économie mondiale connaît une croissance toujours médiocre. Une semaine avant la Fed, la Banque centrale européenne avait ainsi décidé de maintenir pour l’essentiel son programme de fourniture de liquidités aux banques.
Depuis septembre dernier, les différentes institutions économiques internationales insistent sur les limites de la croissance, surtout dans les pays capitalistes développés, et poussent à des augmentations des dépenses dans les pays riches qui le peuvent. En Europe, ce message n’a guère été entendu : le gouvernement allemand qui a le plus de marges de manœuvre y est opposé et, de toute façon, la mécanique des traités ne raisonne pas sur des objectifs globaux pour toute la zone mais valorise l’austérité pays par pays.

L’effet Trump

Par contre, aux États-Unis, l’élection de Trump constitue un élément nouveau. L’équilibre du budget n’est pas sa préoccupation première : il pense sans doute que dans un monde agité, le dollar restera une valeur refuge et que, donc, si la dette US augmente, il y aura toujours des gens pour acheter des bons du Trésor américains. Trump a donc annoncé de nouvelles réductions des impôts sur les entreprises et un grand programme (1 000 milliards de dollars) de reconstruction des infrastructures. Depuis 25 ans, les gouvernements successifs les ont laissé se dégrader au point que, par exemple, 11 % des ponts sont déficients... mais que l’on circule toujours dessus.
Bernie Sanders a qualifié le plan Trump d’escroquerie qui va favoriser exclusivement les entreprises. Ce qui est sûr, c’est que celles-ci sont dans l’euphorie, les craintes d’une nouvelle récession US s’estompent, le chômage est bas (4,6 % grâce notamment au fait que beaucoup de gens ne cherchent plus d’emploi). C’est ce qui explique la décision de la Fed. Il va en résulter une hausse du dollar car les placements dans cette devise sont désormais plus rentables.
L’Europe, par contre, reste dans son marasme, même si la montée du dollar peut favoriser les exportations de certains États membres. Enfin, les pays émergents vont voir des sorties de capitaux (qui vont retourner vers les États-Unis).
Le monde capitaliste va continuer brinquebalant, avec un pilote américain imprévisible. La fragilité des banques reste considérable. L’augmentation des profits reste le seul horizon des politiques économiques. Trump lâche les freins budgétaires mais, pour la masse des salariéEs et des laisséEs-pour-compte, cela ne change pas grand-chose.