La vaste blague du « dialogue environnemental »

Promesse de campagne de Hollande, les conférences environnementales avaient pour objectif affiché d’« ouvrir un dialogue environnemental au même titre que le dialogue social », en invitant autour de la table l’ensemble des acteurs de la politique environnementale (associations, syndicats, organisations professionnelles, élus et représentants d’ONG). Pour un gouvernement habitué à négocier des miettes avec les « partenaires sociaux », la comparaison fait rire... jaune ! On demandera ce qu’ils en pensent aux militants des Amis de la terre et aux opposants à Notre-Dame-des-Landes qui se sont vus refuser l’entrée malgré leurs cartons d’invitation et ont été tenus en nasse pendant près d’une heure par les flics, pour cause de banderoles et autres déguisements d’avion en carton. Dialoguer oui, s’opposer non, tel est l’exercice de la démocratie.

Après cinq ans au pouvoir et quatre conférences, c’est un bilan en demi-teinte et au goût amer qu’ont tiré la plupart des organisations présentes. « Signer un accord ne suffit pas, il faut le mettre en mesure ! Or le compte n’y est pas », tranche Lorelei Limousin, responsable des politiques Climat et Transports du Réseau Action Climat France. La CGT, elle, a carrément boycotté cette nouvelle échéance, dénonçant une « opération d’affichage et de communication », ne permettant pas de « répondre aux enjeux environnementaux et climatiques  », ni « même de tenir les engagements pris à la COP21 ». Elle en veut notamment pour preuve l’absence de tables rondes sur les transports et l’énergie, deux enjeux pourtant primordiaux pour le climat.

Avis de brouillard sur la transition énergétique

Grande fierté de Hollande, la loi de transition énergétique, promulguée l’été dernier, devait être en France la traduction concrète de la COP21, dont l’Accord de Paris a été signé officiellement le 22 avril à New-York. Mais, à la mascarade médiatique de la conférence sur le climat, répond logiquement la mascarade législative. Si les objectifs annoncés sont plus qu’ambitieux – réduction de moitié de la consommation énergétique finale, réduction de 30% de la part des énergies fossiles, de 50% de celle du nucléaire, augmentation des énergies renouvelables à 40% de la production d’électricité – les échéance s’étalent entre 2025 et 2050, quand aujourd’hui près de trois quarts des décrets d’application sont toujours en attente.

Quant à son principal outil, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), il n’est toujours pas en place, sans cesse repoussé. Annoncé pour mars, finalement, il «  sera soumis à consultation d’ici au 1er juillet pour une adoption à l’automne », a déclaré le Président. Autant attendre les calendes grecques. C’est pourtant le document censé détailler l’évolution des différentes énergies. « Or, il n’y a pas eu de comité de suivi depuis des mois ! Nous attendons le plus vite possible une PPE complète et cohérente avec l’objectif de la loi. C’est-à-dire indiquant les moyens et outils adaptés pour réduire la consommation énergétique de 20% en 2030, la fermeture d’un certain nombre de réacteurs nucléaires et le triplement du rythme d’installation des panneaux solaires et des éoliennes », souligne Denis Voisin, le porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot (FNH).

Annonce phare de cette conférence, celle d’un « prix-plancher du carbone ». Il s’agit de surtaxer l’électricité produite dans les centrales à charbon et à gaz, principales émettrices de gaz à effet de serre, et d’encourager la sortie du charbon, en augmentant le prix du carbone. Très polluantes, celles-ci restent « trop » rentables du fait d’un prix de la tonne de carbone très bas sur le marché européen. À noter quand même qu’il ne reste actuellement en France que cinq centrales qui soient encore alimentées au charbon, et que le risque est un coup de pouce au nucléaire, énergie peu émettrice de CO2.

Fessenheim, NDDL, pesticides... c’est ça l’écologie socialiste ?

«  Il n’y a pas d’engagement concret, on est déjà dans le service après-vente alors qu’il reste à organiser la politique environnementale. Il y a encore douze mois de travail pour le gouvernement le plus écologiste », déplore le sénateur écologiste Ronan Dantec. Ce que confirme Denis Voisin de la fondation Nicolas Hulot : « Ce n’était pas l’heure du bilan, les grands chantiers n’ont pas abouti. ». En matière de grands chantiers laissés en suspend, effectivement, il y a de quoi faire.

À commencer par la question de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. Si François Hollande a brandi la promesse d’un décret d’abrogation de l’autorisation d’exploiter la centrale qui serait signé cette année en guise de gage de bonne volonté, il rappelle que la fermeture des centrales nucléaires « n’est pas une décision qui s’improvise ». Le calendrier mène pour l’instant à 2018, et le chef du gouvernement laisse à EDF le choix des réacteurs à fermer. Quand des milliards sont investis dans la recherche pour le développement du nucléaire aux dépens des énergies renouvelables, il n’y a rien d’étonnant à ce que la fermeture de centrales, représentant un danger pour l’environnement autant que pour la santé des populations locales, ne soit pas une priorité. Quant à la question des centaines de travailleurs de ces mêmes centrales qui se retrouveraient sans emploi, elle n’a même pas été soulevée.

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De l’autre côté de la France, à Notre-Dame-des-Landes, le gouvernement a tenté l’excuse du référendum pour faire taire la colère des opposants aux grands projets inutiles. Encore une question laissée en suspend, où l’écologie se heurte à la recherche d’expansion et de profits d’un système capitaliste avide. Des champs bétonnés et des avions multipliés, pas de quoi aider à la réalisation des objectifs, si ridicules soient-ils, de la COP21 en matière de réduction des gaz à effets de serre.

Dans la série annonces ratées et objectifs loin d’être réalisés, on pourrait encore citer celui du Plan Ecophyto II, ambitionnant de réduire de moitié l’utilisation des pesticides d’ici à 2025, au moment même où le ministère de l’agriculture annonce un bond dans la consommation des pesticides de plus de 9% entre 2013 et 2014. Avec tout ce que cela comporte en termes d’effets néfastes sur la santé...

Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Si Hollande et Valls se veulent « les plus écolos », tout est relatif. L’urgence écologique ne fait visiblement pas le poids face aux exigences d’un système capitaliste en décrépitude à la recherche de profits immédiats, quand un investissement dans la recherche tourné vers les énergies renouvelables, à la fois respectueuses de la santé et de l’environnement, la planification de l’agriculture en fonction des besoins, les décisions de construction et de développement véritablement laissées au contrôle des premiers concernés, les travailleurs et les populations locales, permettraient une vraie transition écologique vers une maîtrise de l’impact de l’homme sur son environnement.