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Italie

Réforme bonapartiste, austérité et offensive xénophobe : Meloni annonce sa politique pour 2024

En Italie, la première ministre d’extrême-droite Giorgia Meloni a précisé les grands axes de sa politique pour 2024. Au programme : attaques anti-sociales, réforme constitutionnelle bonapartiste et renforcement de la politique étrangère sur le dos des milliers de migrants qui meurent en mer chaque année.

Léo Stella

29 janvier

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Réforme bonapartiste, austérité et offensive xénophobe : Meloni annonce sa politique pour 2024

Crédit photo : Paul Kagame, CC BY-NC-ND 2.0 Deed

Lors de ses vœux début janvier, Giorgia Meloni a décidé de tracer les grandes lignes de sa politique intérieure comme extérieure pour 2024. Des attaques brutales qui ne vont qu’amplifier la politique que mène la cheffe d’extrême-droite depuis 15 mois. Meloni prévoit au niveau national une batterie de mesures qui vont à la fois précariser les classes populaires et détruire les services publics, tout en prévoyant de centraliser plus de pouvoirs exécutifs entre ses mains avec une réforme constitutionnelle.

Sur le plan international, la première ministre italienne prévoit de continuer sa tentative de renforcement de la position italienne au sein de l’UE. Pour cela, elle compte profiter du déclin de l’impérialisme français pour devenir l’interlocutrice privilégiée de l’Afrique tant sur le plan énergétique que sur celui du renforcement de ses politiques migratoires avec l’externalisation des frontières et l’expulsion massive de migrants en charters.

Meloni tente de se consolider tout en attaquant les classes populaires

Giorgia Meloni compte entamer l’année 2024 avec l’application d’une série de mesures qui ont pour but d’opérer un saut dans la libéralisation de l’économie italienne. Sous pression de la BCE, le premier point de son plan est de couper dans le budget des ministères et des services publics à hauteur de 7 milliards. Cette attaque se combine avec la volonté de retirer quatre milliards d’euros au budget des collectivités locales, qui devront elles-mêmes prendre dans l’enveloppe allouée aux services publics locaux. À cela s’ajoute un plan sur trois ans de privatisations qui devrait engranger 20 milliards de bénéfices. Parmi les victimes de ce plan de privatisation, le service postal Poste Italiane et la compagnie ferroviaire publique Ferrovie dello Stato.

Ce plan d’envergure s’accompagnerait d’attaques anti-sociales comme le durcissement considérable des conditions d’accès à la retraite avant l’âge légal, qui est déjà de 67 ans, ou encore le fonds d’aide aux dépenses énergétiques pour les foyers les plus précaires qui va être divisé par deux. Pendant que la cheffe d’extrême-droite compte prendre aux services publics, cette dernière va donner 600 000 euros de subventions au secteur privé, notamment dans les services de santés. On peut aussi ajouter les cadeaux fiscaux aux plus riches à l’image de la suppression de la taxe sur les voitures de luxe. Prendre aux pauvres pour donner aux riches, voilà l’objectif visé par le gouvernement d’extrême-droite.

Ces mesures s’inscrivent dans la continuité de la politique de Meloni qui, durant ses 15 premiers mois à la tête de la péninsule, a durement attaqué les plus précaires. Alors que l’inflation et l’augmentation du prix de l’électricité continuent de paupériser les classes populaires italiennes, cette dernière n’a pas hésité à supprimer le RSA italien et à refuser de concéder la mise en place d’un SMIC pour les travailleurs. Une politique austéritaire couplée à des mesures réactionnaires et xénophobes comme cela s’est vu par la politique migratoire ou encore ses attaques sur les personnes LBGT.

Cependant, la « mère de toutes les réformes », comme le précise Meloni, constitue son projet de loi de révision constitutionnelle qui signerait un renforcement bonapartiste important du régime. Le but est de changer quatre articles de la constitution de 1948 pour permettre à Meloni de mettre fin au système parlementaire de la péninsule. Le poste du Président du conseil, équivalent au Président de la République en France, ne serait plus nommé par le Président de la République en fonction de la majorité du Parlement mais élu au suffrage universel direct, pour une période de 5 ans. Cette réforme mettrait ainsi fin au modèle parlementariste pour un modèle plus « présidentiel » comme on le connaît dans l’Hexagone, où les pouvoirs sont plus concentrés.

Au-delà de l’utilisation du suffrage universel comme « légitimation » du pouvoir, la réforme enlèverait un pouvoir considérable au président de la République, qui est élu par les deux chambres, tout en appliquant un système qui assure 55 % des sièges au moins aux candidats des listes victorieuses des élections au Parlement. Comme le résume Romaric Godin dans Mediapart, « la puissance symbolique du président du Conseil élu sera bien évidemment considérable. Le chef de l’État, élu d’un Parlement lui-même produit de l’élection du chef du gouvernement, ne sera rien d’autre que son pantin […]. Le Parlement sera réduit à une fonction de chambre d’enregistrement et les coalitions électorales seront inévitablement cimentées par la figure du chef élu, réduisant d’autant l’autonomie des partis qui en seront membres. C’est dire si les contre-pouvoirs seront limités. »

Par delà ses promesses démagogiques, l’influence et le poids politique dont bénéficie Giorgia Meloni est aussi le fruit des trahisons de la gauche institutionnelle ainsi que de la passivité des directions syndicales. En novembre dernier, après une première journée réussie avec plusieurs dizaines de milliers de personnes dans la rue, de la jeunesse à différents secteurs de travailleurs, les directions syndicales de la CGIL et l’UGIL avaient empêché l’unité en se contentant de grèves sectorielles. Alors que Meloni compte continuer ses attaques contre les travailleurs et les plus précaires tout en concentrant plus de pouvoirs, il est urgent de créer un front large contre les attaques de Meloni. Cette dernière s’est par ailleurs donnée pour but en 2024 de continuer le renforcement de la position de l’Italie dans l’arène internationale et particulièrement sur la question migratoire et le renforcement de l’Europe forteresse.

Un repositionnement géopolitique à travers un nouveau durcissement migratoire

Sur le plan international, Meloni a depuis longtemps su faire un tournant pour s’aligner sur des positions atlantistes et pro-UE afin d’apparaître « acceptable » aux yeux des grandes puissances occidentales. Ces positions se sont accentuées depuis sa campagne avec son parti Fratelli d’Italia courant 2022, notamment avec son soutien indéfectible à l’OTAN dans la guerre en Ukraine, ce qui a conduit à un rapprochement important avec le président Biden. Du côté de l’UE, même son de cloche : la cheffe d’extrême-droite a réussi à se hisser comme une des actrices incontournables dans l’un des projets politiques les plus importants de Bruxelles, celui de l’immigration.

Meloni a en effet joué un rôle de premier plan dans l’élaboration et la mise en place du Pacte Asile et Immigration adopté par l’UE. Ce Pacte, qui incarne un renforcement sécuritaire et xénophobe particulièrement important, a été le moyen pour Meloni d’incarner une voie « pragmatique » sur la question migratoire qui a convaincu des gouvernements allant de l’extrême-droite en Suède jusqu’au PSOE en Espagne. Son rôle d’interlocutrice au nom de l’UE avec le président tunisien Kaïs Saïed sur le fameux accord d’externalisation des frontières en juillet dernier a été l’incarnation du rôle qu’a joué Meloni. Un accord qui doit en prévoir de nombreux autres : Maroc, Sénégal, Égypte…

Main dans la main avec Ursula don der Leyen, Meloni compte continuer cette politique mortifère de renforcement des frontières. Rien que la semaine dernière, Giorgia Meloni était en visite en Turquie afin de « jeter les bases d’un accord futur entre l’Italie et la Turquie visant à réduire l’arrivée de migrants en provenance de la Libye » comme le pointe Euractiv.

Avec l’élaboration du Pacte et ses propos sur le besoin d’une « réponse structurelle à l’immigration », de nombreux gouvernements européens ont revendiqué la cheffe d’extrême-droite. Macron, Olaf Schol, Rishi Sunak, Mitsotakis… Tous ont mis en avant la politique réactionnaire de Meloni, montrant aussi une légitimation de la politique d’extrême-droite sur les questions migratoires à l’échelle européenne comme l’a montré l’épisode de Lampedusa en septembre dernier et les différentes lois appliquées au niveau national.

Alors que l’Italie prend la tête du G7 cette année, la présidente du Conseil a prévu de continuer d’ancrer la position italienne au sein de l’UE avec pour but de devenir l’interlocutrice privilégiée de l’Afrique sur fond de déclin de l’impérialisme français dans son pré-carré en Afrique. Le premier aspect porte sur la question énergétique que le gouvernement de Mario Draghi avait déjà commencée et mise en avant comme un des « axes stratégiques pour l’Italie ». Meloni a ainsi finalisé des accords avec l’Algérie et continue les discussions avec d’autres pays tiers, comme l’Éthiopie ou la Libye, afin de tenter de faire de l’Italie « un hub énergétique » entre le continent africain et l’Union Européenne depuis la guerre en Ukraine. Cette politique se fait directement en lien avec la direction du géant des hydrocarbures italien ENI qui a déjà investi dans plusieurs pays africains.

Le deuxième point qui sera central pour l’Italie selon Meloni est de continuer les partenariats avec l’Afrique et le Moyen-Orient pour renforcer sa politique anti-migrants. Pour cela, elle compte sûrement continuer sa politique qui consiste à s’appuyer sur des accords économiques avec des pays tiers, principalement africains, afin de permettre la mise en place soit d’accords de renforcement aux frontières, d’externalisation des demandes de visas sur le modèle de Meloni avec l’Albanie, soit du renvoi de migrants vers des pays « sûrs » comme le permet le Pacte.

Les annonces « du plan Mattei », fondateur de l’ENI, ce dimanche 28 et lundi 29 janvier, devraient préciser comment Meloni compte concrètement s’y prendre après des mois de préparation et d’allers-retours dans ces préparations. Ce sommet, qui devrait ressembler à un acte II du sommet des migrations présenté cet été, va compter de nombreuses délégations comme l’autocrate Kaïs Saïed, de nombreux représentants de gouvernements africains comme le Sénégal, mais aussi des figures de l’UE comme Ursula von der Leyen.

Alors que dans toute l’Europe, on assiste à une montée des idées réactionnaires et que les élections européennes risquent d’être le théâtre d’une vague électorale de l’extrême-droite, il est urgent de combattre les gouvernements d’extrême-droite, mais également ceux qui, comme celui de Macron, leur déroulent le tapis rouge par leurs réformes xénophobes, antisociales et austéritaires.


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