Des défilés du 1er Mai filmés par des drones, c’est une nouveauté et qui ne rassure pas. Trois ans après leur apparition pendant le confinement du printemps 2020, et 17 ans après leur utilisation, rappelée par le sociologue Mathieu Rigouste, pour surveiller des « violences urbaines » en Seine-Saint-Denis, des drones filmeront les « opérations de maintien de l’ordre » ce lundi à l’occasion des manifestations du 1er mai à Paris, Bordeaux, Nantes, Lyon ou encore au Havre. De quoi renforcer la surveillance et la traque des manifestants.

Il s’agit de l’une des premières utilisations autorisées dans le cadre légal défini par un récent décret du ministère de l’Intérieur. Le texte est la conclusion de trois ans de controverses juridiques et politiques. Interdite par le Conseil d’État pendant la pandémie, la pratique avait été réintroduite par le vote de la loi sécurité globale en 2021, avant que les dispositions ne soient censurées par le Conseil Constitutionnel. Une version remaniée avait été inscrite dans la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, votée quelques mois plus tard.

Depuis la publication du décret, des caméras embarquées sur des hélicoptères ou des drones ont déjà été mobilisés à l’occasion du rassemblement contre le projet de l’autoroute A69 dans le Tarn, puis aux abords du Stade de France, samedi soir, pour la finale de la Coupe de France entre Toulouse et Nantes. A Mayotte, des drones seront également mobilisés pendant les deux mois de l’opération militaro-policière « Wuambushu ».

Ce week-end, au moins quatre référés-libertés ont été déposés contre l’utilisation de drones, notamment par l’association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico) et le Syndicat des avocats de France (SAF). Dimanche, le tribunal administratif de Rouen a confirmé le principe de l’utilisation des drones, tout en demandant de réduire le champ géographique au strict itinéraire emprunté par le cortège. Trois autres recours ont été déposés dans le Rhône, en Gironde et à Paris.

Dans les colonnes de Libération, Paul Cassia, professeur de droit public à Panthéon Sorbonne et membre de l’Adelico, dénonce une utilisation qui « s’inscrit dans un contexte particulier. Depuis un mois et demi, on fait face à une avalanche d’arrêtés préfectoraux qui portent atteinte notamment à la liberté de manifester ». Et d’ajouter : « Un drone filme n’importe quoi […] On basculerait alors dans un type de société où une administration peut tout surveiller via un procédé particulièrement attentatoire au droit à l’utilisation des données personnelles ou au droit à la vie privée ».

Alors que la colère sur les retraites et contre le gouvernement Macron est loin de s’étioler et que le 1er Mai s’annonce historique, cet usage de drones les jours de manifestation ouvre la voie la surveillance généralisée des manifestants et de la population. Une nouvelle attaque contre le droit de manifester après les interdictions formulées ces dernières semaines et un signe de plus de la nécessité de combattre pied à pied ce gouvernement et ses offensives sociales et liberticides.