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Le retour de l'offensive étudiante ?

Chili : plus de 100 000 étudiants dans les rues !

La manifestation du 21 avril appelée par les étudiants et les travailleurs a été couronnée de succès et s'est imposée en dépit de l'éclipse médiatique liée à la surmédiatisation des funérailles d'Aylwin, l'ex-président décédé. Pourtant, le régime réactionnaire chilien n'est pas parvenu à faire taire la jeunesse.

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la jeunesse estudiantine dans la rue


C’est dans un Chili à fort contraste, où la classe privilégiée est de plus en plus contestée dans sa légitimité, que s’est entamée la très attendue marche nationale étudiante. Rien n’a été facile pour en arriver là, puisque le mouvement étudiant n’a cessé de subir des attaques depuis déjà quelques temps : le gouvernement, les autorités, les partis politiques bourgeois et les entreprises. Tous contre la jeunesse chilienne. Ils n’ont pourtant pas réussi à la faire taire.

Alors que les entreprises et les partis du régime ont rendu hommage à Aylwin, rendu coupable d’un coup d’État et d’avoir été le premier président de la « transition » à la démocratie, à côté, 100 000 personnes défilaient dans les rues du pays pour réclamer la gratuité de l’accès à l’éducation pour tous et toutes. Dans différentes régions, universités, et lycéens, on s’est mobilisé. Cette première marche a fait la démonstration de la capacité du mouvement étudiant à se mettre de nouveau en marche, alors que tout était fait pour l’obstruer. Plus de 100 000 étudiants ont défilé à Santiago et des dizaines de milliers en région. Ils ont été les grands protagonistes de la journée, alors que les médias avaient fait l’impossible pour éviter d’en parler, alors même qu’ils couvraient les « funérailles d’État » de l’ancien président Aylwin, et cela comme si elles concernaient l’entièreté de la population, en faisant croire que le conflit sur la question de l’éducation passait au second plan. Grave erreur. À reculons, ils ont été contraints de diffuser des extraits de l’énorme mobilisation, ce qu’ils avaient pourtant essayé d’empêcher en prétextant l’absurde argument du « deuil national ».

10 heures passées, des centaines de lycéens se sont réunis à l’entrée du parc forestier. Parmi eux, les lycées emblématiques de la capitale, Santiago, mais aussi des centaines de jeunes des lycées techniques et industriels de la périphérie. Au moins 20 000 lycéens ont répondu présents, pour exiger l’éducation gratuite et dénoncer la criminalisation qu’ils vivent, notamment, au sein des établissements scolaires :

« Hier, nous avons marché jusqu’à la Corporacion, parce qu’ils voulaient nous enlever le droit de manifester. [...] Cette année s’annonce déjà ponctuée par des mobilisations étudiantes, alors ils ne peuvent pas nous réprimer avec un droit acquis par les filles de mon lycée en 2010. » a déclaré une lycéenne du secteur de Providencia.

Une offensive étudiante se prépare en lien avec le monde du travail


Si on retient seulement le secteur des universités, il y avait près de 80 000 étudiants dans la rue. Parmi les principales représentées, du groupe Confech, privées comme publiques, on comptait l’Usach, Universidad Central, ex Pedagógico, Universidad de Chile, UTEM, Universidad Alberto Hurtado, Universidad Diego Portales, Universidad Católica, dont certaines étaient bloquées. L’objectif était d’infléchir les prochaines réformes de l’éducation, de s’opposer à la fausse gratuité que propose le gouvernement et appuyer les revendications des travailleurs des universités.

Pour Dauno Totoro, étudiant en histoire à l’Université du Chili et militant révolutionnaire, les directions du mouvement étudiant doivent passer de la parole aux actes, en appuyant cette grande manifestation. « L’offensive doit être préparée de manière pratique. Il est fondamental que le mouvement étudiant reprenne les revendications historiques que sont l’éducation gratuite, sans subventions privées, l’unité du mouvement étudiant avec d’autres secteurs, mais aussi l’unité entre étudiants et lycéens et avec les enseignants. Pour cela, l’élément clef est la coordination des secteurs, organisés en assemblée, pour discuter des problématiques qui nous touchent, et des actions et mesures tactiques à suivre pour faire face à la précarité et à la marchandisation de l’éducation. Nous allons chercher à impulser cela à partir du Cordon Macul où il y a une tradition de lutte et d’unité. »

Il est indispensable que le mouvement étudiant s’appuie sur des victoires pour passer à l’offensive. C’est ce qu’a rappelé Bárbara Brito, étudiante de la faculté de lettres et militante dans l’organisation féministe Pan y Rosas, qui est revenue sur les luttes des étudiants et professeurs chiliens contre le harcèlement sexuel à l’intérieur de l’Université du Chili : « le mouvement étudiant doit proposer une lutte contre cette éducation sexiste et marchande. Nous avons connu une grande victoire à l’université et une des clefs de cette réussite a été l’auto-organisation des différents corps universitaires, à la base, pour obtenir leurs revendications. Nous devons nous appuyer sur nos victoires car ce sont des exemples de comment le mouvement étudiant est parvenu à affronter le gouvernement. » Un aspect très important de cette lutte avait été la présence de secteur de travailleurs en lutte, particulièrement liés à l’éducation, avec par exemple les travailleurs du syndicat de l’hôpital de l’université catholique.


La controverse sur Aylwin et la répression des autorités

Alors que tous les médias couvraient l’hommage cynique à Aylwin, dans une sorte d’unité nationale rassemblant de la droite au parti communiste, des milliers d’étudiants passaient devant la Moneda pour dénoncer le rôle joué par l’ex-président dans un des moments les plus terribles de l’histoire du peuple chilien. « Adieu au putschiste » a été le sentiment exprimé par les étudiants et les travailleurs présents.

La répression policière n’a pas tardé à s’abattre. Avec l’approbation de la majorité de la brigade anti-délinquance, la police s’est sentie pousser des ailes pour passer à tabac les manifestants. À 12h15, les canons a eau étaient lancés. Puis s’en sont suivis les gaz toxiques et les tonfas, pour tenter de désarticuler la mobilisation.

Pour que cette mobilisation ne soit pas qu’un symbole de plus


Le caractère massif de cette manifestation a déjà montré que le gouvernement et les autorités ne sont pas encore parvenus à mettre le mouvement étudiant à l’agonie. Il a su démontrer qu’il parvient à s’imposer, y compris avec une volonté médiatique consciente de l’occulter. Il s’agit maintenant de faire en sorte que cette journée ne se transforme pas en un symbole comme ont voulu en faire les directions du mouvement étudiant. La meilleure manière d’éviter cela, c’est la coordination par la base entre étudiants, professeurs et les différents secteurs de travailleurs ; par une union puissante qui s’exprime dans les universités, les lycées et la rue.

Les cartes sont sur la table. Le gouvernement ne cédera rien aux revendications de milliers de personnes, tant que ces secteurs ne se mettent de nouveau en branle. Et cela se fait dans l’action, l’auto-organisation et la coordination ; dans les assemblées, les mobilisations, les débats et tous les types d’activité qui les alimentent. À voir, si le mouvement étudiant parviendra à relever les défis qui sont les siens pour s’imposer dans une véritable offensive.


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