Cette décision s’inscrit dans la continuité d’une longue procédure qui a mené à la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme. Cette institution avait considéré que la condamnation de Jean-Marc Rouillan à de la prison ferme pour apologie du terrorisme dans l’affaire dite « courage » constituait une atteinte excessive à la liberté d’expression. Une décision politique lourde de sens à l’heure où le gouvernement français distribue à la pelle des peines de prison ferme pour des faits dites « d’apologie du terrorisme » en application de la loi de 2015. La Cour venait ainsi mettre une limite à un dispositif flou qui permettait une répression pénale extrêmement dure : « la poursuite en France aujourd’hui pour apologie de terrorisme, que condamne la Cour Européenne, c’est garde-à-vue, comparution immédiate, peine d’emprisonnement ferme qui peut aller jusqu’à 7 ans ! C’est utiliser l’apologie de terrorisme comme une arme de dissuasion terrible contre la liberté d’expression. » affirmait ainsi Me Etelin.

Aussi, c’est dans le sillage de cette décision nouvelle que Jean-Marc Rouillan et ses avocats ont saisi les juridictions françaises d’une demande de révision de sa condamnation. L’objectif était celui d’obtenir des tribunaux nationaux qu’ils se mettent en conformité avec les exigences du droit international.

Le 31 octobre dernier, la Cour d’appel de Toulouse devait donc se prononcer une nouvelle fois sur la peine du militant. A cette occasion, le Procureur avait requis une condamnation à 4 mois de prison ferme « symboliques » et appelé ouvertement à outrepasser la décision de la CEDH qui s’impose pourtant. Son réquisitoire permettait en réalité de saisir la nature profondément politique de cette audience. Loin de concerner seulement Jean-Marc Rouillan lui-même, le Procureur et par sa voix l’Etat français, insistaient sur la période spécifique dans laquelle elle se déroulait. En effet, alors que le massacre de la population palestinienne s’intensifie, le gouvernement s’est engagé dans une intense vague de criminalisation du mouvement de solidarité avec la Palestine. Des militants syndicaux, des organisations politiques, des personnalités publiques ont été interpellées et poursuivies pour « apologie du terrorisme ». Dans ce contexte, intégrer les conclusions de la CEDH imposait de mettre un terme à cette vague de répression.

C’est la raison pour laquelle le mardi 19 décembre, la Cour a fait le choix de l’incohérence absolue : condamner une personne deux fois pour les mêmes faits contredit les principes démocratiques les plus élémentaires. C’est pourtant l’option retenue puisque Jean-Marc Rouillan a donc été une nouvelle fois condamné à 8 mois de prison ferme. In fine, cette décision est à l’image de l’offensive autoritaire du gouvernement, qui affirme, à travers Gérald Darmanin, qu’il ne respectera pas les décisions de la CEDH. Si les avocats du militant ont déjà déposé un pourvoi, une telle détermination de l’Etat français démontre qu’une riposte politique collective sera nécessaire pour mettre un coup d’arrêt définitif à sa politique répressive.