Des étoiles de David couvrant les murs de Paris. L’image a choqué et légitimement. Au total, une soixantaine de ces graffitis inquiétants ont été peints au pochoir dans la nuit du lundi 30 au mardi 31 octobre. Si le caractère antisémite de l’action n’est pas confirmé à ce stade et que le parquet a précisé à l’AFP ne pas savoir si ces tags avaient « pour but d’insulter le peuple juif ou d’en revendiquer l’appartenance, notamment parce qu’il s’agit de l’étoile bleue » et non jaune, difficile pour autant d’isoler cette « affaire » de la recrudescence des actes antisémites en France ces dernières semaines.

D’abord parce que des « étoiles » ont été vues à différents endroits, en Seine-Saint-Denis, dans les Hauts-de-Seine ou encore à Lyon ces dernières semaines. Ensuite parce que depuis le 7 octobre dernier et la « contre-offensive » sanglante et meurtrière de l’État d’Israël à l’opération du Hamas des tags de croix gammées ont été vus à Nice, des chants –« Nique les Juifs »- entendus dans le métro parisien et diverses menaces contre la communauté juive recensées, à l’image de ce rabbin lyonnais ciblé par plusieurs appels anonymes menaçant de « tout faire péter » dans son lieu de culte. A Fresnes des tags antisémites et suprématistes blancs ont été inscrits sur la façade d’un lycée.

Un phénomène qui a pris ces derniers jours une coloration internationale, notamment aux Etats-Unis et en Allemagne, où une synagogue a été attaquée mercredi 18 octobre à Berlin par un jet de cocktail molotov. Pointes avancées de ces attaques ultra réactionnaires, plusieurs républiques du Caucase du Nord ont été traversées de violentes attaques antisémites ce week-end, avec entre autres, la constitution de barrages filtrants pour rechercher des Juifs, l’incendie d’un centre culturel ou encore la prise d’assaut d’un aéroport.

Des scènes et une série d’épisodes nauséabonds et racistes qui doivent être condamnés fermement et combattus. Les actes antisémites se renforcent en effet systématiquement dans les moments de tension avec la Palestine, du fait de l’ancrage du racisme anti-juifs dans la société, mais aussi de l’amalgame entre judaïsme et sionisme, entretenu par l’État d’Israël. Les attaques contre les Juifs n’ont cependant aucun rapport avec la lutte anti-coloniale pour l’auto-détermination de la Palestine et contre l’État d’Israël, quand bien même certains ont utilisé ce prétexte pour légitimer leur antisémitisme.

En amalgamant comme il le fait depuis le 7 octobre dernier dénonciation de la politique coloniale et meurtrière d’Israël et antisémitisme, le gouvernement contribue en revanche à l’idée que dénonciation des atrocités commises par l’Etat sioniste et attaques contre le peuple juif participeraient d’une même lutte et d’un même combat. En ce sens, on a pu voir des interpellations au prétexte « d’antisémitisme » pour « déploiement de banderoles palestiniennes », ou encore « de propos appelant à l’Intifada » comme le revendique Darmanin.

En assimilant toute critique de l’État d’Israël à une haine des Juifs, et en se servant de ce prétexte pour criminaliser la solidarité avec la Palestine, la rhétorique des bourgeoisies impérialistes participe à entretenir un amalgame dangereux, en plus de salir le combat légitime contre l’antisémitisme. Les discours médiatiques qui font des musulmans les responsables de l’antisémitisme en France vont dans le même sens. Un jeu d’autant plus funeste qu’il va souvent de pair avec une absolution de l’extrême-droite, qui cherche à profiter de la situation pour faire oublier son antisémitisme congénital.

Si la lutte contre l’antisémitisme est malheureusement instrumentalisée par les gouvernements occidentaux et l’État d’Israël - dont la délégation à l’ONU n’hésite pas à se parer d’étoiles jaunes et à instrumentaliser la Shoah pour revendiquer son droit à massacrer le peuple palestinien - elle n’en demeure pas moins une nécessité vitale. Les vrais responsables du massacre à Gaza ce ne sont pas les Juifs mais les dirigeants de l’État d’Israël et des États impérialistes qui lui fournissent un soutien économique, politique et militaire. En ce sens de nombreux militants juifs ont courageusement exprimé leur solidarité avec la Palestine ces dernières semaines, à l’image de Jewish Voice for Peace aux Etats-Unis, multipliant les actions contre le massacre à Gaza, ou d’organisations juives antisionistes partout dans le monde, comme l’UJFP en France.

De la même façon, il est important que les organisations du mouvement ouvrier en alliance avec les organisations pro-Palestine poursuivent leur dénonciation de l’antisémitisme, indissociable du combat émancipateur qu’est la lutte pour la cause palestinienne. Un enjeu dont nombre de manifestant·e·s solidaires de la Palestine sont bien conscients. A ce titre, aussi déterminé soit-il à criminaliser les manifestations de la solidarité, le gouvernement a été bien en peine d’identifier des gestes ou des mots d’ordre antisémites dans les mobilisations depuis le 7 octobre, obligeant même l’État à justifier l’interdiction de certaines manifestations en s’appuyant sur des actes antisémites commis… en Australie ! Une situation qu’il faut lutter pour préserver contre les instrumentalisations racistes, d’où qu’elles viennent.