L’annonce de sa nomination accompagnée de la suppression de près de 600 emplois avait déclenché la colère des marins en novembre dernier. Une grève de 12 jours avait aboutit à un accord avec « La Méridionale », autre société de transport public. Patrick Rocca, entrepreneur corse à la tête d’un groupe comprenant 27 sociétés de transport, d’immobiliers ou encore de déchets et condamné en février 2014 pour escroquerie et abus de bien social vient donc de vivre sa seconde grève à la tête de l’ex-SNCM. Cette fois-ci, les marins CGT de la MCM et ceux de La Méridionale ont initié le mouvement pour faire face à la mise en place d’une ligne de fret privée entre la Corse et Marseille par Corsica Linea, entreprise lancée par deux candidats malheureux à la reprise de la SNCM, Daniel Berrebi, et un groupement d’entrepreneurs corses, Corsica Maritima.

S’appuyer sur le nationalisme de droite corse pour faire face aux grévistes : la stratégie de Corsica Maritima

Alors que l’un des navires de Corsica Linea - le Stena Carrier battant pavillon danois - était bloqué par les grévistes à l’entrée du port de Marseille, Corsica Maritima avait appelé samedi 9 janvier à une manifestation contre le mouvement. Ce sont ainsi quelques 500 entrepreneurs de divers secteurs ainsi que des élus de toutes tendances qui ont répondu à cet appel pour battre le pavé contre la mobilisation marseillaise à Ajaccio.

Mais c’est surtout l’appel de Corsica Maritima qui amène son lot d’enseignements. « Au prix du déshonneur, l’Etat achète sa paix à Marseille, payée par le blocus de notre île et ses habitants, au mépris de tous les principes d’une république démocratique moderne [...] Le moment est venu de mettre un terme définitif à cette trop longue et douloureuse histoire et c’est nous-mêmes qui devons prendre cette responsabilité pour libérer la Corse de ce carcan et neutraliser définitivement les bloqueurs et leurs complices.  » Une première tirade suivie d’une mise en cause de la CGT, stigmatisant «  les gesticulations de la CGT de Marseille et les dérobades successives des autorités préfectorales des Bouches-du-Rhône » et de conclure en accusant l’organisation syndicale d’être un « verrou » devant « sauter une bonne fois pour toutes  ». Très clairement, Corsica Maritima s’est appuyé sur la droite nationaliste corse pour tenter d’influer le rapport de force en faveur de ses propre intérêts, et de surfer sur l’effet des élections régionales, à l’issue desquelles les nationalistes ont été élus à la tête de la région, pour se poser en défenseur de l’identité corse. En bref, protéger ses propres intérêts économiques tout en tentant de faire croire aux travailleurs corses que leurs propres intérêts sont divergents de ceux des travailleurs du continent.

Malgré la fin de la grève, le mouvement met en lumière le fait que la combativité des marins de l’ex-SNCM n’a pas disparu avec l’entreprise emblématique de Marseille. La convergence avec les marins de La Méridionale est aussi un précédent important qu’il est important de souligner en vue de grèves à venir.