Retour sur l’incendie de la préfecture du Puy-en-Velay

Samedi 1er décembre 2018, lors de l’Acte III du mouvement des Gilets Jaunes, une très grande radicalité s’exprime à travers le pays. Alors que des émeutes ont lieu à Paris ou à Toulouse, les aéroports de Nantes et de Nice sont occupés et les préfectures de nombreuses villes sont ciblées par les manifestants.

Au Puy-en-Velay, environ 3500 Gilets jaunes se rassemblent devant la préfecture de la Haute-Loire. Malgré une confrontation violente avec les gendarmes, 150 personnes parviennent à envahir la cour du bâtiment. Suite à la répression, la journée se termine avec des lancers de cocktails molotov sur la façade de l’une des annexes de la préfecture, qui prend alors feu. Dix-huit gendarmes et policiers sont blessés au cours des affronts.

Si l’incendie est rapidement maîtrisé, cet épisode marque les consciences de tout bord en révélant la radicalité d’un mouvement indéniablement dirigé contre l’État au travers des lieux où son pouvoir est concentré, y compris dans les territoires ruraux particulièrement ravagés par des décennies de néolibéralisme. Macron le dit lui-même lorsqu’il se rend au Puy-en-Velay pour soutenir les fonctionnaires de la préfecture prise d’assaut : « A travers vous, c’est l’État qui a été attaqué ».

Prison ferme pour les inculpés

Plus d’un an après les faits, l’enquête conduit sept personnes en procès, dont trois mineurs qui seront jugés le 8 avril prochain. À l’issue de l’audience de ce lundi au tribunal correctionnel du Puy-en-Velay, les quatre autres inculpés âgés de 21 à 37 ans sont condamnés à des peines allant de deux à trois ans de prison, dont 6 mois à trois ans fermes.

La solidarité des Gilets jaunes était au rendez-vous devant le tribunal, avec plusieurs dizaines de personnes venues se relayer tout au long de la journée autour d’une banderole affichant : « l’incendie, on l’a tou.te.s allumé ». Cette action de soutien, faisant resurgir la dimension collective de l’incendie, vient rompre avec la dépolitisation totale organisée dans ce type de procès. En effet, comme on pouvait s’y attendre, les prévenus ont été traités comme des « jeunes en déshérence, un peu perdus » (selon les mots de l’un de leurs avocats) et condamnés pour leurs actions individuelles, déconnectées de leur contexte et de leur portée politiques.

Pour cette justice de classe, à la solde du gouvernement, il s’agit avant-tout d’individualiser les actes collectifs qui ont fait trembler le pouvoir en décembre 2018 afin de tenter de refermer cette nouvelle étape de radicalité. Il s’agit également de réaliser des condamnations particulièrement sévères pour poursuivre sur le terrain judiciaire la répression violente exercée par la police, en cherchant à dissuader toutes celles et ceux qui voudraient relever la tête.

Crédits photo : AFP/Thierry ZOCCOLAN