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Vers la dictature civile

Interdiction de manifester, baisse des salaires, pleins-pouvoirs : le point sur les attaques de Milei

A peine un mois après son arrivée au pouvoir, le président Argentin d'extrême droite, Javier Milei, a déjà enchaîné une série d’annonces choc pour remettre à zéro le droit des travailleurs. On vous résume ses attaques contre lesquelles une grève nationale est appelée pour le 24 janvier.

Tommaso Luzzi

17 janvier

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Interdiction de manifester, baisse des salaires, pleins-pouvoirs : le point sur les attaques de Milei

Dès son arrivée au pouvoir, le nouveau président argentin d’extrême droite, Javier Milei, a entamé une série de réformes pour son « plan tronçonneuse » qui vise les classes populaires. De réformes néolibérale de l’économie, aux attaques du droit de grève et de manifestation, la baisse brutale des pensions de retraite et des salaires, en passant par des réformes institutionnelles pour concentrer les pouvoirs dans ses mains, le gouvernement Milei mène une attaque éclair contre les classes populaires. Retour en quatre points sur ces attaques d’ampleur.

1. Le Caputazo

En premier lieu il y a le « caputazo », les mesures annoncées par le ministre de l’Economie Luis Caputo (ancien ministre de Mauricio Macri, représentant s’il en est de la « caste » décriée par Milei), pour soi-disant réduire la crise économique et l’inflation (plus de 200% en 2023) auxquelles l’Argentine fait face. Il s’agit d’un plan de choc néo-libéral ! La mesure la plus marquante de ce plan est la dévaluation du peso argentin, de plus de 50%. Conséquence immédiate, dans une économie très dépendante du dollar, l’effondrement des salaires, retraites et pensions payés en pesos et l’explosion du prix de nombreuses denrées. Dans le même temps, ce plan coupe brutalement les subventions étatiques qui empêchaient jusqu’alors une envolée des prix encore plus brutale de certains produits comme l’essence. Le gouvernement a également décidé d’augmenter les tarifs des transports en commun de plus de 45%.

Des milliers de fonctionnaires sont également menacés de licenciement, tandis que l’Etat fait une coupe sèche dans les dépenses en gelant les allocations d’aide à l’emploi ou en réduisant les budgets consacrés à l’éducation ou à la santé.

Comme l’explique Freddy Lizarrague, dirigeant du Parti Socialiste des Travailleurs (PTS) : « En somme, le « caputazo » s’apparente à un énorme transfert de revenus de la classe ouvrière et des secteurs populaires vers le grand capital national et international, qui multiplie ce qui se produisait déjà sous le gouvernement péroniste, et représente également un bond dans l’endettement de l’État en dollars. »

Cette attaque brutale se fait en effet au motif de l’assainissement des finances publiques, exigence des spéculateurs internationaux qui tiennent l’Argentine par sa dette. C’est pourquoi le FMI a accueilli avec satisfaction cette première mesure.

2. Un protocole répressif contre les manifestations

De son côté, la nouvelle ministre de la Sécurité (équivalent de l’Intérieur en France) Patricia Bullrich, elle aussi une ancienne ministre de Macri, a mis en place un protocole visant les contestations contre ce gouvernement, en interdisant tout droit aux manifestations dans les rues. Désormais les manifestations ne peuvent plus qu’avoir lieu sur les places ou les trottoirs ! La Ministre du Capital Humain (fusion par Milei des ministères du Travail et de la Sécurité sociale, de l’Education, des minorités et des femmes, et du développement social) Sandrea Pettovello y a ajouté sa patte en annonçant que les chômeurs qui participeraient à des manifestations ou des blocages perdraient leur droit aux aides sociales !

Cependant, ces menaces, n’ont pas réussi à empêcher les mobilisations massives à Buenos Aires et dans plusieurs villes du pays à la fin du mois de décembre. Le protocole de Bullrich a été brisé par la détermination des cortèges des partis de la gauche révolutionnaire et des piqueteros. L’ajout de ces mesures répressives aux attaques historiques contre la classe ouvrière et les secteurs populaires traduit la crainte de la bourgeoisie de voir se lever face à elle une résistance déterminée. C’est pourtant ce qui risque d’avoir lieu lors de la grève nationale appelée pour le 24 janvier.

3. Le Décret de Nécessité et d’Urgence

Quelques heures après la mobilisation massive du 20 décembre contre le « caputazo », Milei a annoncé un Décret de Nécessité et d’Urgence (DNU), une mesure qui lui permet de légiférer sans l’accord du Parlement. Une méthode autoritaire du pouvoir, héritée du kirchnérisme. Elle permet au pouvoir présidentiel d’imposer une mesure qui s’applique, tant que le Congrès ne l’a pas retoqué (c’est-à-dire la Chambre des députés et le Sénat).

Par ce DNU, dont certaines dispositions ont d’ores et déjà été mises en stan-by par la justice, Milei veut abroger d’un seul 30 lois, en abroger partiellement 19 autres et en modifier plus de 200 ! Parmi des centaines d’attaques, la fin des amendes pour les patrons qui ne respectent pas le droit du travail, l’interdiction du droit de grève dans de nombreux secteurs, la baisse des indemnités de licenciements, le passage des périodes d’essai de 3 à 8 mois, la fin de la réglementation du prix des loyers, des mutuelles (celles-ci ont déjà annoncé des augmentations de 40% à leurs clients) etc. Les associations patronales soutiennent avec ferveur ce décret.

Lire aussi : Milei. La doctrine du choc et le decretazo

4. La Loi Omnibus

Cette loi prévoit précisément 664 articles d’attaques à l’encontre des classes populaires qui vont de la concentration des pouvoirs vers le Président jusqu’à la privatisation de nombreuses entreprises publiques.

En effet, cette loi permettrait à Milei de gouverner sans le Parlement, où son parti occupe moins de 15% de sièges. En reconnaissant certaines grandes questions comme urgentes, cette loi permet au Président de légiférer comme bon lui semble sur ces questions pour deux ans, qui pourrait être renouvelés pour deux ans supplémentaires. De nombreuses organisations de la gauche argentine dénoncent un projet de « dictature civile », par distinction envers la dictature militaire de 1976 à 1983 dont Milei reprend les grands axes programmatiques, rappelant les heures les plus sombres de l’histoire argentine.

Lire aussi : Quel type de dictature veut instaurer Milei ?

Cette loi est actuellement discutée au Parlement, où les députés les plus à droite sont dans une démarche de soutien et d’amendement à la marge de la politique de Milei, tandis que ceux qui siègent dans l’opposition cherchent à en négocier certaines mesures. Ainsi, les dirigeants péronistes qui mènent une politique austéritaire depuis 2019 et dont l’impopularité et la profonde crise ont fait la place pour la monstruosité Milei, prennent position les uns après les autres contre la grève du 24 janvier. Les plus à gauche espèrent l’utiliser comme un moyen de pression pour faire reculer Milei sur quelques mesures, mais craignent l’explosion de l’énergie ouvrière et populaire qui exigeait en 2001 : « Que se vayan todos » (qu’ils s’en aillent tous !).

De leur côté, les députés du FIT-U (Front de Gauche des Travailleurs – Unité, coalition d’organisations de la gauche révolutionnaire dont le PTS est le principal parti) incarnent la résistance la plus résolue au gouvernement de Javier Milei. Dénonçant au Parlement les ambitions quasi-monarchiques de Milei, ses méthodes dictatoriales de gouvernement et ses innombrables cadeaux aux capitalistes argentins, internationaux et au FMI, ils mettent toute leur énergie à utiliser cette tribune pour construire la grève du 24 janvier. C’est la tâche que se fixent, dans tous leurs lieux d’intervention, les militants du PTS qui mènent une agitation déterminée pour organiser des assemblées de quartier, d’entreprise, de jeunesse pour préparer la mobilisation et la contre-offensive du camp du travail. C’est bien la seule manière qui soit pour faire mordre la poussière aux capitalistes et à l’extrême droite.

Lire aussi : Argentine. Ne laissons pas la grève du 24 janvier entre les mains de la bureaucratie !


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