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Palestine

« L’armée les élimine les uns après les autres » : Israël massacre les journalistes à Gaza

Tués, arrêtés, intimidés, les journalistes palestiniens et gazaouis en particulier subissent depuis le 7 octobre une répression violente de la part de l’État d’Israël. Une attaque grave alors que l’État essaie de contrôler le récit du génocide en cours, en profitant du relai de nombreuses institutions médiatiques occidentales.

Raji Samuthiram

8 novembre 2023

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« L'armée les élimine les uns après les autres » : Israël massacre les journalistes à Gaza

Crédit photo : Capture d’écran, CNN. Wael Al-Dahdouh, journaliste pour Al-Jazeera, apprend la mort de sa famille tuée par une frappe israélienne le 27 octobre

«  Il n’y a aucune protection internationale et aucune immunité. Ces gilets et ces casques ne nous protègent pas. Ils ne protègent aucun journaliste. Ici nous sommes victimes, nous perdons la vie les uns après les autres sans conséquences. Nous attendons notre tour, les uns après les autres.  » Le 3 novembre, un journaliste à Gaza n’a pu retenir ses émotions en couvrant en direct pour Al-Jazeera la mort de son collègue dans une frappe israélienne. Dans un clip visionnée plus d’un millions de fois sur les réseaux, il dénonce le manque de protection des journalistes, il retire son casque et son gilet de presse et les jettent à terre.

 

Le bilan est difficile à confirmer, tant il augmente : depuis 7 octobre, l’organisation Reporters sans frontières (RSF) dénombre 41 journalistes tués, dont 36 gazaouis tués par des frappes israéliennes—soit un journaliste par jour. Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) en compte 39, dont 34 palestiniens, à Gaza mais également en Cisjordanie. Les deux dénoncent également que de nombreux journalistes ont été blessés, arrêtés, ou encore victimes de menaces et de censure par les forces israéliennes. Certains membres de leur famille ont également été arrêtés ou menacés. Plus de 50 bureaux de médias ont été totalement ou entièrement détruit, y compris ceux de l’AFP. Des atrocités qui reflètent autant la nature sans discrimination des bombardements, ainsi que la volonté israélienne de réprimer toute information critique sur les horreurs qu’elle inflige au peuple palestinien.

«  La situation à Gaza est une tragédie pour le journalisme : plus d’un reporter tué par jour depuis le 7 octobre, dénonce Jonathan Dagher, responsable du bureau Moyen-Orient de RSF. Ce bilan des professionnels de l’information tués, parmi les milliers de civils, s’alourdit de jour en jour. Avec ses frappes, l’armée israélienne les élimine de fait les uns après les autres, tout en trahissant par des propos inadmissibles son mépris assumé du droit international humanitaire. La situation est urgente : nous appelons à la protection des journalistes à Gaza, et à ce que les journalistes étrangers puissent y entrer et y travailler librement.  »

La répression meurtrière des journalistes, tradition de l’État d’Israël

Dans la liste des journalistes victimes nommées par CPJ, beaucoup ont été tués dans des bombardements avec toute leur famille, comme Mohammed Abu Hatab, reporter pour Palestine TV, la chaîne de télévision de l’autorité palestinienne tué chez lui avec dix membres de sa famille le 3 novembre. Dans un communiqué, Palestine TV a dénoncé un « assassinat délibéré », et a déclaré que l’attaque constituait « un message sanglant pour terroriser les journalistes palestiniens », pour les empêcher « de transmettre la souffrance du peuple palestinien et d’exposer les crimes de l’occupation. »

Des journalistes ont également été visés en dehors de la bande de Gaza, comme les sept journalistes dont Issam Abdallah de l’agence Reuters, qui ont été tués le 13 octobre à la frontière entre Israël et le Liban. Loin de les protéger, le sigle « presse » aurait plutôt servi comme cible pour les forces israéliennes, selon une reconstitution vidéo de RSF. À Jérusalem, la police a menacé et insulté un correspondant, tandis qu’à Tel Aviv, la police a tenue en joue trois journalistes de la BBC.

Dans le contexte actuel, cette censure sanglante des journalistes va de pair avec le « black-out médiatique » imposé par Israël, comme le dénonce RSF. Aux coupures d’Internet s’ajoutent la menace de censure de la chaîne d’Al Jazeera sur le territoire israélien, ainsi que la fermeture des locaux par les autorités israéliennes, comme c’est le cas pour la station Dream radio diffusée depuis Hébron en Cisjordanie. Selon le directeur de la station, l’IDF l’aurait appelé et aurait menacé de confisquer leurs équipements.

 Cette répression s’inscrit dans une intimidation de longue date à l’encontre des journalistes palestiniens par les forces d’occupation israéliennes. Le 31 octobre dernier, RSF a déposé une plainte auprès de la Cours pénale internationale pour des crimes de guerre à l’encontre des journalistes palestiniens—la troisième depuis 2018. Une intimidation constante allant des arrestations arbitraires jusqu’aux meurtres, dont l’un des plus connus reste celui de Shireen Abu Akleh, journaliste d’Al-Jazeera assassinée par un tir de l’armée israélienne en 2022.

Une bataille médiatique relayée par les grands médias occidentaux

Tandis que l’État d’Israël poursuit sa politique génocidaire envers le peuple palestinien, journalistes compris, il profite aussi du relai médiatique des grands médias occidentaux, à l’image des chaînes françaises qui appuient le discours de la classe politique, criminalisant tout soutien à la Palestine. Les journalistes individuels, eux, ne sont pas à l’abris de cette chasse aux sorcières, à l’instar des trois présentateurs musulmans retirés de leurs émissions sur la chaîne MSNBC, suite aux attaques du 7 octobre (MSNBC a nié tout lien avec le conflit).

Dans un contexte où des fausses images et des récits conflictuels circulent rapidement, l’État d’Israël ne prétend même plus protéger les journalistes, comme il l’a fait comprendre à Reuterset l’AFP le 27 octobre, en leur disant qu’il ne pourrait plus garantir la sûreté des journalistes à Gaza. En revanche, Tsahal permet aux journalistes de certains grands médias américains comme CNN de les accompagner et de bénéficier d’une protection—à condition qu’ils puissent vérifier tout le contenu qu’ils veulent publier avant de le sortir.

Alors que les puissances impérialistes continuent de soutenir la politique génocidaire de Netenyahou, dans les médias ainsi que dans les parlements, le travail des journalistes et de tous ceux qui informent le monde des atrocités israéliennes est indispensable. Les organisations et syndicats qui dénoncent l’acharnement de la police et de l’État français contre les journalistes comme Ariane Lavrilleux en Occident doivent aujourd’hui montrer le même soutien aux journalistes en Palestine. Une solidarité qui doit s’exprimer massivement et à échelle mondiale, pour le peuple palestinien et contre le génocide en cours !


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