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Offensives autoritaires

Le Conseil d’Etat a-t-il suspendu l’interdiction des manifestations pour la Palestine ?

Saisi au sujet du télégramme de Darmanin demandant l’interdiction de toute manifestation pour la Palestine, le Conseil d’Etat a rappelé que ces interdictions devaient être motivées au cas par cas. Une position qui rappelle le droit, mais est loin de s’opposer aux interdictions systématiques des derniers jours.

Joshua Cohn

18 octobre 2023

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Le Conseil d'Etat a-t-il suspendu l'interdiction des manifestations pour la Palestine ?

Crédit photo : Wikimedia Commons

Ce mercredi, le Conseil d’État, saisi en référé par le Comité Action Palestine, rendait sa décision concernant la demande adressée par Darmanin aux préfets d’interdire toutes les manifestations pour la Palestine. Dans une note du 12 octobre, le ministre de l’Intérieur transmettait en effet aux préfets des « consignes strictes » selon lesquelles « les manifestations pro-palestiniennes, parce qu’elles sont susceptibles de générer des troubles à l’ordre public, doivent être interdites ».

Dans sa requête, le Comité Action Palestine réclamait la suspension de ce télégramme, faisant notamment valoir une atteinte manifeste à la liberté d’expression et de manifestation. Une demande refusée par le Conseil d’État, dont la décision a cependant été présenté dans la presse comme une victoire sur l’interdiction, Le Monde titrant par exemple : « Le Conseil d’Etat se prononce contre l’interdiction systématique des manifestations propalestiniennes ».

Qu’en est-il vraiment ?

Si le Conseil d’Etat a refusé de suspendre la note ministérielle, la motivation de sa décision se veut effectivement plus nuancée que cela. La haute juridiction rappelle ainsi qu’il « revient au préfet compétent, sous le contrôle du juge administratif, de déterminer, au vu non seulement du contexte national (…), mais aussi des circonstances locales, s’il y a lieu d’interdire une manifestation présentant un lien direct avec le conflit israélo-palestinien (…) sans pouvoir légalement motiver une interdiction par la seule référence à l’instruction reçue du ministre ni la prononcer du seul fait qu’elle vise à soutenir la population palestinienne ».

Un rappel élémentaire du principe selon lequel les décisions administratives doivent être motivées et peuvent faire l’objet d’une contestation devant les juridictions administratives, mais qui permet de souligner que le télégramme de Darmanin, qui reste en vigueur, ne constitue pas une interdiction générale des manifestations pro-palestiniennes, mais une simple préconisation du ministre invitant les préfets à rechercher des éléments de contexte à même de motiver l’interdiction de ces événements.

Pour autant, cette décision est loin de remettre en cause la réalité d’une interdiction systématique ces derniers jours des manifestations de solidarité avec la Palestine. Les événements de ces derniers jours démontrent que l’exercice normal de leurs prérogatives par les préfets a amplement permis de bâillonner les expressions de soutien au peuple palestinien.

A Bordeaux mercredi dernier, à Paris jeudi, ou encore ce lundi à Nancy, les tribunaux administratifs ont validé les interdictions préfectorales des manifestations pour la Palestine. Mais la répression administrative a franchi un cap supplémentaire avec l’interdiction des conférences de la militante palestinienne Mariam Abu Daqqa ou, ce mercredi, du meeting unitaire pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah, militant de la cause palestinienne, emprisonné en France depuis près de 40 ans.

Une répression systématique de toute expression de solidarité avec le peuple palestinien qui subit maintenant depuis plus de 10 jours les bombardements incessants des forces armées israéliennes, difficilement dissociable des directives du gouvernement et du climat politique qu’il entretient. Samedi dernier, en conférence de presse, Gérald Darmanin n’hésitait pas à décrire les manifestations de solidarité avec la Palestine comme des manifestations « pro-Hamas ».

Dans ce contexte, difficile d’imaginer des préfets ne pas se plier à l’offensive en cours, d’autant plus que le Conseil d’Etat valide la lecture faite par le gouvernement de la situation. Dans sa décision, on peut ainsi lire que «  les manifestations sur la voie publique ayant pour objet, directement ou indirectement, de soutenir le Hamas (…), de justifier ou de valoriser les exactions telles que celles du 7 octobre 2023, comme ce fut le cas de récentes manifestations (…) dont l’une a d’ailleurs été organisée par l’association requérante, sont de nature à entraîner des troubles à l’ordre public, résultant notamment d’agissements relevant du délit d’apologie publique du terrorisme ou de la provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence  ».

Face aux limites de cette décision, qui valide en dernière instance le statu quo actuel, seul un rapport de forces permettra d’imposer le droit de manifester. En ce sens, il est fondamental que les organisations politiques, syndicales et associatives fassent front le plus largement possible pour exiger et imposer la possibilité de manifester sa solidarité avec le peuple palestinien. Ce d’autant plus à l’heure où l’État israélien, dans son offensive en cours, ne recule devant aucune horreur.


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