Les gouvernements successifs, depuis le milieu des années 70, ont associé des réformes économiques au bénéfice des possédants et le recours à la répression pour maintenir l’ordre que ces réformes sabordaient. Macron ne fait que continuer, en l’accélérant, cette politique. Mais, si c’est toujours la même chanson sur le plan des réformes économiques, sur le plan politique, il inaugure quelque chose : le « récit » Macron ne fonctionne pas, au point qu’on se met à soupçonner qu’il n’a pas pour finalité de fonctionner.

Pour les élections européennes, la mise en scène a démarré : Macron d’un côté, libéral progressiste à l’américaine, et les nationalistes de l’autre, version Marine Le Pen. Finalement, c’est le seul argument politique que Macron peut proposer à d’éventuels électeurs : être l’adversaire du nationalisme. Et évidemment, personne ne peut y croire. La loi Asile et immigration est passée par là, comme la répression au printemps dernier des mouvements étudiants ou le mépris pour les salariés que nous témoigne régulièrement le président.

Mais l’essentiel n’est plus qu’on y croie, sans doute. En agitant l’épouvantail Le Pen aux élections, Macron a de quoi contraindre au vote. Police pour les mouvements sociaux, adversaire intolérable pour les élections : nous voici en plein capitalisme de la contrainte. C’est vraiment « en marche ou crève », puisque le gouvernement sait bien qu’il n’a aucun argument à nous présenter pour obtenir notre consentement.

Mais ça ne tient ni à ce gouvernement ni même aux différentes personnalités des ministres : en définitive, Macron et sa clique utilisent à plein les possibilités du système représentatif qui se montre enfin pour ce qu’il est : l’institution d’un pouvoir séparé de la société, qui une fois élu ne lui doit plus rien et peut ainsi se mettre au service des intérêts des riches, des possédants et des patrons. Autrement dit, on ne sauvera rien en changeant les personnes, c’est la démocratie représentative elle-même que l’on doit renverser, c’est tout le système institutionnel qui doit tomber.

Les capitalistes nous ont fait croire qu’on pouvait vivre en démocratie malgré un système fondé sur l’exploitation et les inégalités, mais de quelle égalité et de quelle liberté pourrions-nous être capables quand toute l’économie fonctionne à la manière d’une déprédation du travail pour le profit de quelques-uns ?

Le problème n’est pas seulement politique, mais c’est sur le plan politique que la contradiction se révèle le mieux : ce régime de la représentation, qui achève ici sa séparation en régime de contrainte policière, consiste à accepter de fabriquer, sur notre dos, un entre-soi des puissants qui gouverneront en notre nom. Ce n’est ni en changeant les cartes, ni en changeant les règles du jeu qu’il faut attaquer : à la place de Macron, nous n’avons personne à proposer qui serait meilleur, à la place de la Vème République nous n’avons pas de constitution qui réarrangerait mieux le pouvoir – mais à la place de la « démocratie représentative », outil pour maintenir le capitalisme et l’exploitation, nous pouvons proposer une véritable démocratie des travailleurs, qui abolirait l’exploitation pour libérer la société.

En nous montrant que nous n’avons plus à choisir à l’intérieur de ce système, en construisant des conditions pour nous forcer la main au moment des élections et en prétendant n’avoir aucun compte à rendre une fois élu, Macron dévoile l’arnaque du système représentatif. Il est temps de régler nos comptes avec cette duperie, en abandonnant l’idée qu’il nous faudrait choisir entre nos maîtres pour ré-ouvrir la question politique d’un autre système d’organisation, une vraie démocratie et la fin du capitalisme.