Difficile de connaître en France, un été sans polémique raciste. Les « paniques morales » sur le burkini faisant désormais partie du décor, la classe politique et leurs chiens de garde éditorialistes ont ouvert une nouvelle offensive réactionnaire contre Médine

Invité aux universités d’été d’EELV et de LFI, le rappeur avait tout du « coupable » idéal. Barbu, musulman, arabe et rappeur de quartier populaire, artiste d’origine algérienne, populaire et engagé : il aura fallu que Rachel Khan (actrice et essayiste qui aime à déjeuner avec Marine Le Pen) instrumentalise un de ses tweets en antisémitisme et lui prête des intentions qui n’étaient pas les siennes pour que la machine médiatique et politique s’emballe.

Rapidement près d’une soixantaine de députés Renaissance s’emparent de l’affaire et comparent Médine au fondateur du Front National Jean-Marie Le Pen demandant l’annulation de la venue du rappeur aux universités d’été d’EELV et de LFI. L’extrême droite et LR qui ont pour habitude de revendiquer l’interdiction de ses concerts surenchérissent sur « l’islamo-gauchisme ». Le PS et le PCF s’alignent expliquant à qui veut bien l’entendre qu’eux n’auraient pas invité l’artiste. La direction d’EELV finit par expliquer « regretter » la venue du rappeur (sans l’annuler) et lui intime de « reconnaître » son « tweet antisémite » (dixit Sandrine Rousseau).

Tant et si bien que ce mercredi on finit par apprendre que le rappeur sera convoqué devant la procureure d’Albi en novembre prochain. Il n’est cette fois plus question d’« antisémitisme » mais de « provocation à la commission d’un crime ou d’un délit ». Le crime en question : avoir diffusé une vidéo sur scène le 1er avril dernier dans laquelle il lançait des fléchettes sur des photographies du maire LR de Lavaur (Tarn) Bernard Cavayon et du député du Rassemblement national (RN) Frédéric Cabrioler. Les deux édiles avaient quelques jours plus tôt tenté de faire annuler son spectacle « en raison des engagements islamiques de l’artiste ». Les deux affaires sont indéniablement liées : d’un côté l’instrumentalisation de l’antisémitisme, de l’autre l’accusation de complaisance envers « l’islamisme ».

Que Médine ait pu déclarer à de multiples reprises que « l’antisémitisme est un poison » importe en réalité bien peu pour la classe politique. Car ce qui compte pour ses détracteurs ce n’est pas que leurs accusations soient vraies mais de mettre à jour une offensive raciste et islamophobe contre les habitants de quartiers populaires. Et dans le même mouvement de faire taire un rappeur qui n’a jamais hésité à critiquer les offensives antisociales, racistes et homophobes de ces dernières années, mais aussi à se porter aux côtés de ceux qui luttent.

Il suffit d’ailleurs pour s’en convaincre de se rappeler que la traditionnelle « licence artistique » (Médine est pour l’heure poursuivi pour un happening de concert) dont la bourgeoisie absout chacun de ses artistes (de Polanski à Sardou très récemment) ne semble pas avoir droit de cité avec Médine. Parce qu’un « bon arabe » est un arabe qui se tait. Et qui surtout ne fait pas de politique. Une réalité d’autant plus effective que les émeutes dans les quartiers populaires sont passées par là et que Médine fait figure de parfait bouc-émissaire pour accompagner la réaction et l’offensive sécuritaire et idéologique de Darmanin et cie. Une campagne réactionnaire face à laquelle les organisations du mouvement ouvrier doivent faire front.