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Palestine

Montpellier. Un militant anti-colonial en procès pour son soutien à la Palestine, stop à la criminalisation !

Jeudi 8 février au tribunal de Montpellier, Abdel, militant anti-raciste était jugé pour « apologie du terrorisme » suite à un discours tenu lors d’une manifestation de soutien à la Palestine. Une audience scandaleuse qui s'attaque à la solidarité avec Gaza.

Typhaine Cendrars

17 février

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Montpellier. Un militant anti-colonial en procès pour son soutien à la Palestine, stop à la criminalisation !

Plusieurs dizaines de soutiens étaient rassemblés ce jeudi 8 février, devant le tribunal judiciaire de Montpellier, à l’appel d’organisations du mouvement social, pour soutenir Abdel L., militant anti-raciste, jugé pour « apologie du terrorisme ». Un procès qui faisait suite à la diffusion d’un discours prononcé lors de la manifestation de solidarité avec la Palestine le 4 novembre dernier, où Abdel dénonçait la situation coloniale et qualifiait le 7 octobre d’« acte de résistance ». C’est le préfet de l’Hérault en personne qui a saisi le parquet et ouvert une enquête contre Abdel.

Cette qualification a été au cœur de certaines du procès, où Abdel n’a cessé de rappeler que sa prise de parole était « politique » et non « morale », dans le cadre d’un « contexte colonial » et qu’il avait « de la peine » pour tous les morts de cette guerre. En face, les avocats des parties civiles n’ont cessé de faire le parallèle entre soutien à la Palestine et soutien au terrorisme, allant même jusqu’à sous-entendre que Abdel aurait soutenu les attentats du Bataclan du 13 novembre 2015.

Un procès contre la mobilisation de soutien au peuple palestinien

Dans le tribunal, les plaidoiries ont été à l’image du deux poids deux mesures qui régit le traitement de la situation en Palestine. Si le procureur et les avocats des parties civiles sont revenus à plusieurs reprises sur le nombre de civils Israéliens tués le 7 octobre, ils n’ont pas mentionné une seule fois les victimes palestiniennes, dont le chiffre s’élève désormais à plus de 30 000 morts. Seule l’avocate d’Abdel l’a évoqué, en commençant sa plaidoirie par la description du massacre en cours à Gaza : « 27 500 Palestiniens sont morts, 70% des bâtiments détruits, deux millions de gazaouis privés de tout [...] et tout ceci est fait sur une population civile. [...] Le 4 novembre, Israël avait déjà largué l’équivalent de 2 bombes nucléaires sur Gaza. »

Tout au long de l’audience, les avocats des parties civiles – composées notamment du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) – ont transformé le jugement d’Abdel en procès contre les mobilisations de solidarité avec le peuple palestinien. Avant le début du procès, la présidente du CRIF a photographié les soutiens d’Abdel présents dans la salle d’audience, dans une tentative d’intimidation claire à l’égard de ceux qui luttent contre le génocide. Au moment des questions posées à l’accusé, l’une des avocates a interpellé Abdel : « Quelle est votre habilitation pour la défense du peuple palestinien ? Défendez-vous les autres peuples qui souffrent ? ». Une manière de mettre en doute « les intentions » d’Abdel et l’engagement du militant anti-raciste en faveur de la justice et de la paix, à laquelle il a répondu en précisant qu’il avait effectué des missions humanitaires dans divers pays, notamment en Palestine.

Plus encore, les avocats des parties civiles sont allés jusqu’à suggérer l’interdiction des manifestation de soutien à la Palestine. La même avocate a insisté dans sa plaidoirie qu’« on ne peut plus continuer à aller dans la rue à Montpellier et dans les autres villes de France sans aucune légitimité », considérant qu’il faudrait « être dans un parti politique pour donner son avis » et remettant en cause de manière à peine détournée le droit à revendiquer son soutien à une population opprimée, pourtant rappelé comme légal par le Conseil Constitutionnel lui-même. Une autre avocate a surenchéri : « Je ne dis pas qu’il faut interdire les manifestations de rue mais il faut les encadrer car c’est un déferlement de haine. Cette libération délibérée de la parole ne peut pas avoir lieu, même dans notre démocratie ». Une rhétorique qui, en invoquant les principes « démocratiques », vise à museler toute opposition au discours majoritaire en faveur des atrocités d’Israël.

Les parties civiles n’ont par ailleurs pas caché leur connivence avec l’extrême droite. Dans la salle d’audience, on a ainsi pu assister à des accolades chaleureuses entre la présidente du CRIF du Languedoc-Roussillon, Perla Danan, partie civile dans cette affaire, et ce qui semblait être une de ses proches, Florence Médina, candidate pour le parti d’Éric Zemmour aux élections législatives. Cette dernière était convoquée le jour-même pour incitation à la haine et à la violence, après avoir posté un message sur Facebook affirmant : « Si c’est la guerre que les racailles veulent ils vont l’avoir. Dans les années 80 il existait des ratonnades – au risque de choquer on peut recommencer ».

Les tribunaux, relais de la criminalisation de la solidarité avec Gaza

Si dès le 7 octobre, se sont multipliées les interdictions de manifester, les convocations au commissariat pour « apologie du terrorisme », et autres discours médiatiques associant les soutiens de la Palestine à des « barbares terroristes », le procès d’Abdel a exprimé de façon aigüe la criminalisation qui s’opère depuis plusieurs mois contre l’opposition au génocide en Palestine. Les tribunaux se font le relais du déferlement de haine contre toutes les personnes mobilisées pour dénoncer le massacre en cours.

Dans le cas d’Abdel, le procureur a requis 12 mois de prison avec sursis probatoire intégral de 18 mois, une interdiction de manifester et un stage de citoyenneté. A la barre, Abdel s’est efforcé de rappeler le contexte colonial dans lequel s’insère l’attaque du 7 octobre, soulignant que ces propos étaient politiques et dénonçant le fait que « le terme de terrorisme serve à enfermer le débat ». Il a continué sa défense en expliquant que ce jour-là des Palestiniens ont « déjoué la sécurité militaire d’Israël en détruisant un mur de leur prison à ciel ouvert » et que c’est en ce sens qu’il y voyait un « espoir de liberté, de libération ». Ses avocates ont d’ailleurs appuyé son propos en demandant à la salle « qui parmi vous a déjà mis les pieds sur le sol de Palestine » avant de rappeler que « Monsieur L. n’a pas usé des armes mais de mots » et que son discours, loin de se réduire à la question du 7 octobre « s’inscrivait dans le cadre d’un débat d’intérêt général », rappelant que celui-ci « n’incitait pas à la haine dans son discours » et qu’« aucun militant anti-impérialiste ne se réjouit des morts. »

Comme de nombreuses autres personnes depuis le début de l’offensive israélienne sur Gaza, Abdel est la cible d’une répression d’État qui vise à mater ceux qui soutiennent la population palestinienne. A Montpellier déjà, une militante de BDS avait été convoquée par la police en novembre dernier pour un discours tenu lors d’une manifestation de soutien à la Palestine. Un autre militant montpelliérain avait lui passé 24h en garde à vue début janvier suite à son interpellation lors d’une action de boycott dans un Carrefour.

Le délibéré du procès d’Abdel L. sera donné le 21 février prochain. Un procès où ne se joue pas la culpabilité d’un individu, mais l’avancée dans la criminalisation par l’État français et ses institutions de ceux qui luttent contre Israël et sa politique coloniale à l’œuvre depuis 75 ans en Palestine. Pour Abdel et tous les réprimés : stop à la criminalisation du soutien à la Palestine !


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