Les réactions ont été unanimes, et pour bien s’en rendre compte, on a pu faire une petite compilation des épitaphes les plus chaleureux des politiciens professionnels et des représentants du patronat envers François Chérèque, ex secrétaire général de la CFDT, mort avant-hier. François Hollande l’a ainsi décrit comme « un homme dont le courage a éclairé l’action » et qui « ne faisait des compromis que pour parvenir à l’essentiel » ; son premier ministre Cazeneuve a salué « un grand défenseur du progrès social », « un homme de bien, un homme de conviction, qui s’est battu jusqu’au bout avec une dignité et une force admirables ». Le gouvernement y voyait en effet le type de leader syndical qu’ils ont adoré durant la loi travail : à l’image de Laurent Berger qui a signé la loi El Khomri et l’a soutenu dès le début, Chérèque incarnait cet esprit patronal au « service des salariés ».

Mais l’homme n’est pas aimé que du gouvernement : la droite et le patronat l’ont aussi encensé, à l’image de François Fillon qui a dit regretter « un homme de grande qualité, courageux, exigeant et humanistepour qui le sens de l’intérêt général primait sur les postures ». Laurence Parisot, ancienne dirigeante du Medef qui a laissé sa place à Pierre Gattaz a confié « avoir l’impression de perdre un ami[…] quelqu’un de tellement soucieux de l’intérêt général, tellement volontaire dans son désir de construire un modèle économique et social durable pour notre pays »… En effet, comme pour le gouvernement socialiste, la droite voit bien dans la CFDT un potentiel allié de taille pour le programme réactionnaire de François Fillon, un allié contre une CGT que le candidat de la droite, avec l’aide du patronat, compte bien détruire à coup de matraques, de procès et de licenciements.

Finalement, tous les candidats à la primaire de la gauche, de Valls qui parle de « un grand syndicaliste, un homme de progrès, un ami », à Hamon, qui décrit le défunt comme « grand syndicaliste, homme intelligent et généreux » en passant par Peillon qui a salué « homme d’exception, d’idées, de combats pour faire avancer notre société » ont voulu bien faire comprendre à toutes celles et ceux qui sont descendus dans la rue contre la loi travail que leur modèle social préféré est celui qui s’appuie sur des salariés-larbins qui acceptent toutes leurs contre réformes.

Evidemment, tous les médias de droite au service des intérêts de leurs possesseurs se sont empressés de faire tomber les titres élogieux « ce modéré qui a révolutionné le syndicalisme » (Le Point) ; « la mort d’un réformiste impatient » (Les Echos) ; « François Chérèque était attentif aux autres et d’une fidélité incroyable « (Libération)… On l’aura compris, vive la CFDT !

Toute cette campagne pour le syndicat jaune n’intervient pas cependant pendant à n’importe quel moment : depuis le 30 décembre et jusqu’au 13 janvier, les élections professionnelles ont lieu dans les très petites entreprises (TPE) et 4,6 millions de travailleurs sont appelés à choisir pour les listes syndicales qui vont devoir les représenter, notamment durant les négociations avec les divers gouvernements du patronat ou le patronat lui même. En 2012, la CGT avait obtenu la tête avec 29,5% des votes contre 19,2% pour la CFDT. Mais la pression patronale aux « compromis » (entendre la perte des acquis sociaux) est forte, et de cette élection dépendra notamment la nomination des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) qui auront une importance cruciale pour tous les salariés. La mort de François Chérèque est, en quelque sorte, une aubaine pour la CFDT et les gouvernements qu’elle soutiendra, permettant une large pub pour celui qui fut, rappelons le une fois de plus, un des grands soutiens de la réforme des retraites de 2003.