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Occupation, blocage de la circulation à Sea France : « On ne lâchera pas les bateaux, qu’ils viennent ! »

Damien Bernard Ce mercredi 1erjuillet, les bateaux étaient toujours occupés et le port de Calais, toujours bloqué par les marins de la société coopérative et participative (SCOP) SeaFrance, anciennement filiale de la SNCF. Le mouvement de grève et d’occupation a débuté dès lundi, suite à la décision du tribunal de Boulogne sur Mer de ne pas prolonger les contrats de location liant Eurotunnel à SeaFrance. Cette décision du tribunal, qui conforte Eurotunnel dans sa décision de louer au groupe danois DFDS, deux des trois bateaux, supprimerait 148 emplois, auxquels s'ajoutent 107 saisonniers.

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Les médias traditionnels ne cessent de relayer une « réalité » censée être objective, articulant la dénégation des marins de SeaFrance, une pseudo égalité dans le droit commerciale entre SeaFrance et EuroTunnel, un droit de la propriété privée intangible qui interdirait aux marins de défendre leurs emplois, tout en enjoignant un racisme anti-migrant qui profiterait des camions à l’arrêt pour se faire la malle. Remettons dans l’ordre « leur réalité », la nôtre est tout autre. {{}}

Un contrat qui se termine « naturellement » ou des marins devenus trop dérangeant ?

L’opérateur du tunnel sous la Manche a annoncé que « la justice française a reconnu que les contrats d’affrètement avec la Scop SeaFrance » se terminent « naturellement le 1er juillet, ne peuvent pas être renouvelés ou poursuivis ». Le côté « naturel » de la chose a de quoi faire sourire. Il s’agirait, selon Eurotunnel, d’une fin de contrat commercial d’affrètement qui aurait été signé d’égal à égal, entre la SCOP Sea France et EuroTunnel.

A l’intérieur d’Eurotunnel, les langues des managers et des cadres se délient, affirmant que « Personne ne voulait plus travailler avec la SCOP SeaFrance ». La cause serait, selon Le Monde, des batailles d’influence à l’intérieur de la SCOP entre « des dirigeants politiques d’un côté – des syndicalistes plutôt durs – et les managers opérationnels de l’autre ». On voit bien que pour Eurotunnel, il s’agit avant tout de se débarrasser d’un poids bien « encombrant », celui de la SCOP Sea France et des militants syndicalistes combatifs qui vont avec.

Point d’orgue d’une privatisation rampante de SeaFrance

Mais cet épisode judiciaire ne fait que ponctuer le point d’orgue d’un processus de privatisation rampante de Sea France orchestrée par la SNCF depuis 2009. Sa mise en faillite a été organisée par l’entreprise publique, appuyée à l’époque par la Cour des comptes, en 2012, qui n’avait pas hésité à dénoncer la politique de recrutement qui serait le problème de fond de Sea France : « des personnes peu motivées et n’ayant souvent aucune qualification ». Le problème était aussi que le syndicat CFDT maritime Nord, était « devenu le vrai maître à bord ». « Dans plusieurs services, c’est lui qui gérait les embauches ». En effet, c’est bien l’ingérence des travailleurs dans les affaires courantes des capitaliste qui posaient problèmes.

Ce processus de privatisation a été en partie interrompu suite aux grèves très dures entre 2010 et 2012, qui ont permis au syndicat CFDT maritime Nord de se constituer, temporairement, en SCOP. Une partie seulement des marins a pu être réintégrée dans les équipages et la SCOP a pu obtenir un droit, bien relatif, d’exploiter pendant 3 années, trois navires, expropriés au préalable puis loué par ce même Eurotunnel, en vue d’assurer la liaison entre Calais et Douvres.

Mais ce lundi 29 juin, le couperet est tombé pour les travailleurs de la SCOP SeaFrance. Le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a décidé de ne pas prolonger les contrats liant la SCOP SeaFrance et Eurotunnel pour l’affrètement des navires My Ferry Link, clôturant ainsi, au service du patronat, la privatisation rampante.

Occupation des bateaux et blocage de la circulation pour sauvegarder les emplois

Avec la poursuite du démantèlement de la SCOP SeaFrance, ce sont 148 emplois en CDI, ainsi que 107 emplois saisonniers, qui sont en passe d’être supprimés. La compagnie maritime danoise DFDS Seaways, repreneuse de deux des trois bateaux de MyFerryLink, a annoncé Mercredi, ne garder que 202 employés sur 600, dans des conditions de précarité qui n’ont rien à envier aux travailleurs de Sea France.

Pour répondre à ces attaques des grandes multinationales qui se partagent le marché, et de cette justice à son service, qui lui a donné le coup de grâce, ce lundi 28 juin, les marins de Sea France ont bloqué le port de Calais dès l’annonce de la sentence. Aucun navire n’a pas pu accoster ni appareiller depuis. Le blocage du port a entraîné une fermeture de la rocade de Calais.

Dans la nuit de lundi à mardi, les marins ont occupé pendant la nuit les navires Berlioz et Rodin, immobilisés dans le port de Calais, pour éviter de revivre l’immobilisation des ferrys, suite à la mise en liquidation judiciaire de Sea France, le 16 novembre 2011 à grand coup de CRS et de GIGN. Une assemblée générales’est alors tenue le mardi au siège de la SCOP, à Calais, pour établir les suites du mouvement de protestation.

Ce sont alors des opérations escargot qui sont organisés sur l’A16, ralentissant les accès au port de Dunkerque d’où partent les bateaux de la compagnie maritime danoise DFDS, et la bretelle d’accès dans le sens France-Belgique est aussi fermée, en raison du nombre important de poids lourds en attente.

Une quarantaine de marins occupent les rails à proximité de l’entrée de l’Eurotunnel, en brûlant un tas de pneus sur les voies à environ 300 mètres de l’entrée et en tentant de démonter les rails, pour bloquer la circulation de l’Eurostar. En réponse, Eurotunnel a annoncé vouloir porter plainte, car les marins de Sea France auraient « mis en danger la vie d’autrui », et enjoint les marins à quitter leurs navires comme préalable à tout début de négociation. Effectivement des vies sont en jeux, mais ce sont celles des marins qui vont perdre leurs emplois, et l’occupation des moyens de productions, en l’occurrence les navires, sont clés dans le rapport de force à construire.

Le gouvernement convoque une table ronde avec le PDG d’Eurotunnel pour désamorcer la crise

Le gouvernement quant à lui, se garde bien pour l’instant, d’intervenir directement, il le fait par la voix d’Alain Vidalies, le secrétaire d’Etat chargé des transports qui orchestre en ce moment même le démantèlement de la SNCF, qui a critiqué « un mode de protestation qui n’est pas acceptable ». Le gouvernement, souhaite éviter de se mouiller pour le moment, en enjoignant le PDG Eurotunnel à « poursuivre les négociations » pour « parvenir à une solution acceptable au plan de l’emploi », tout en organisant une table ronde vendredi entre le ministre de l’économie Emmanuel Macron et le patron d’Eurotunnel Jacques Gounon.

Pour le maintien des emplois et la nationalisation du trafic transmanche sous contrôle des travailleurs et des usagers

« Demain, on bloque les autoroutes à l’accès du tunnel pendant 48 heures par différentes actions », a annoncé M. Vercoutre, secrétaire général du Syndicat maritime nord. « On va bloquer les autoroutes et continuer à bloquer l’économie régionale [...]. Il faut que ça bouge plus pour que le président de la République prenne le dossier en main », a-t-il ajouté, soulignant que ces actions avaient pour finalité « de garder les navires » et de préserver « les 600 emplois ».

En revendiquant le maintien des emplois, et en occupant les moyens de production, les marins de Sea France ne se posent pas uniquement la question de l’interdiction des licenciements, mais aussi indirectement la question de la seule voie pour l’imposer : l’expropriation et la nationalisation des entreprises qui ferment, sous le contrôle des travailleurs. Dans le cas de SeaFrance, face aux armateurs et leur soif de profits aux dépens des emplois, c’est la question de la nationalisation de toute la branche qu’il est légitime de poser, notamment dans le cadre du trafic transmanche.


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