Ce jeudi dans la matinée, des chars israéliens se sont introduits dans la bande de Gaza pour y mener un « raid ciblé » d’une courte de durée, dans le but affiché de détruire des infrastructures du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens, avant de repartir en territoire israélien. Il s’agit de la première incursion de cette ampleur depuis le début de la contre-offensive israélienne, et pourrait être le prélude à l’offensive terrestre sur Gaza.

Première incursion de chars dans la bande de Gaza

Les forces de défense d’Israël (FDI) ont en effet revendiqué cette opération dans le nord de la bande de Gaza, conduite depuis une zone entre le checkpoint d’Erez et la ville de Sderot en Israël. Tsahal a communiqué une vidéo de l’attaque, dans laquelle on voit des véhicules blindés traverser un grillage de protection. Une communication qui a pour but d’insister sur la réussite de l’opération, alors que selon l’armée israélienne, « les chars et l’infanterie de Tsahal ont frappé de nombreuses cellules » , « des infrastructures et des postes de lancement de missiles antichar ». Jeudi en fin de journée, l’armée israélienne a annoncé avoir tué le commandant du réseau de roquettes de Khan Yunis du Hamas, ainsi que le chef adjoint de la direction du renseignement du Hamas.

Si des soldats israéliens pénètrent régulièrement dans Gaza depuis le 7 octobre, principalement pour enlever des explosifs placés par des groupes palestiniens, il s’agit de la première intervention avec des chars et véhicules blindés. Pour CNN, le porte-parole de Tsahal Peter Lerner a annoncé que le but de l’opération était de « créer de meilleures conditions pour les opérations au sol si et quand cela se produirait », dans le but de préparer la zone frontalière aux « prochaines étapes de la guerre ». Une référence à l’offensive terrestre annoncée depuis près de deux semaines par le gouvernement israélien, avec l’objectif affiché de « détruire le Hamas » et d’opérer un véritable massacre sur les gazaouis, présentés comme des « animaux humains ».

Si la communication d’Israël autour de cette opération militaire réussie répond sans doute aux difficultés du gouvernement israélien, pressé d’entamer l’invasion de Gaza par les franges les plus guerrières de la société israélienne, ce premier raid de chars est bien un signe important que l’offensive terrestre se rapproche. En ce sens, des journalistes rapportaient ce mardi que les troupes israéliennes continuent de se masser à la frontière nord de Gaza. Cette semaine, l’offensive de Tsahal semble en effet avoir gagné en intensité, avec de nouvelles actions meurtrières sur plusieurs fronts.

Renforcement des bombardements, frappes en Cisjordanie et au Liban, rhétorique génocidaire : le conflit s’intensifie

L’opération effectuée ce jeudi intervient en effet après une semaine où les bombardements sur Gaza se sont intensifiés, avec 700 gazaouis tués rien que dans la journée du lundi 23 octobre. Des frappes qui se sont poursuivies toute la semaine, avec mercredi 250 cibles touchées revendiquées par Tsahal. Les effets sur la population de Gaza continuent d’être terribles, avec 7 028 victimes civiles recensées ce jeudi par le gouvernement de la bande, et la plupart des hôpitaux qui n’auront plus d’électricité d’ici 24 à 48 heures, faute de carburant.

Un nouveau saut dans l’horreur, qui rejoint le discours guerrier martelé par le gouvernement israélien, comme pour préparer le massacre à venir de l’offensive terrestre. Dans une conférence de presse, Benyamin Netanyahou a ainsi opposé le « peuple des lumières » israélien à celui des « ténèbres » palestinien, donnant une dimension prophétique au nettoyage ethnique qu’il entend réaliser à Gaza.

Autre élément qui va dans le sens d’une intensification du conflit, Israël n’hésite plus depuis cette semaine à frapper durement la Cisjordanie. Lundi matin, une mosquée a été bombardée dans la ville de Jénine, appuyant des raids de colons israéliens armés, le tout faisant 90 morts. En parallèle, l’aviation israélienne a bombardé le sud du Liban, affirmant viser des forces du Hezbollah, et portant donc le conflit sur un nouveau front. Des échanges de tirs, entre roquettes tirés depuis le Liban et bombardement israéliens, font peser la menace d’un embrasement régional. Si cette hypothèse reste encore peu probable, cela oblige Tsahal à mobiliser des forces à la frontière nord du pays, plutôt que de les concentrer au sud, en direction de la bande de Gaza, et pourrait ainsi retarder le début de l’offensive terrestre.

Une offensive terrestre sans objectifs clairs qui ne convainc pas totalement les USA

Même si de nombreux indicateurs annoncent une montée en intensité du conflit, beaucoup de zones d’ombres demeurent sur la date de commencement de l’offensive, et sur ses objectifs précis.

A de nombreuses reprises, le président étasunien Joe Biden a exprimé son scepticisme quant à une intervention terrestre massive avec des ambitions maximalistes, comme celle « d’éradiquer le Hamas » portée par l’exécutif israélien, le tout en rappelant son soutien inconditionnel au droit à Israël de se défendre. Cette semaine, l’administration étasunienne a précisé ses intentions, par la voix de son secrétaire d’Etat Antony Blinken. Refusant de « geler les choses comme elles sont » et écartant tout cessez-le feu, il a pointé le manque de solutions politiques présentées par Israël : « je n’ai pas entendu de la part des Israéliens la moindre intention ou désir de diriger Gaza eux-mêmes ». Une manière de dire que les Etats-Unis donneront leur aval à l’offensive terrestre, une fois que sera dessinée une solution pour savoir que faire de la bande de Gaza après l’intervention militaire.

En plus de l’issue politique à donner au conflit, la question des difficultés militaires de l’offensive gèlent la poursuite des opérations. Comme nous l’écrivions dans un précédent article, une incursion à Gaza face au Hamas et à une population civile hostile comporte de nombreux risques pour Tsahal. Pour pallier cette difficulté, les USA ont dépêchés plusieurs hauts gradés à Tel Aviv, parmi lesquels le lieutenant général du corps des marines James Glynn, afin d’apporter leur expérience de la guerre en Irak en matière de guerre urbaine asymétrique.

Un appui important, qui rappelle que, malgré ses réticences à se lancer dans une offensive maximaliste, les Etats-Unis sont complètement engagés aux côtés d’Israël dans sa guerre contre le peuple palestinien, et qu’ils joueront un rôle clé dans la conduite des opérations meurtrières à venir.