Stratégie de la dernière chance


Alors que beaucoup de responsables politiques ont déjà quitté le navire Fillon, que nombre de sympathisants doutent et se sentent trahis, et après une promesse non tenue – celle de renoncer à être candidat si mise en examen - Fillon semble chercher à consolider voire à grossir le noyau dur de ses derniers soutiens. Issu principalement de la droite catholique, son électorat inconditionnel doit enfin jubiler de cet éclaircissement idéologique, pour ne pas dire programmatique : selon le candidat, les Français seraient à la fois menacés par le « totalitarisme islamique » de l’Etat Islamique avec le terrorisme, mais aussi par les mosquées aux prêches « incontrôlés », ennemies de l’intérieur distillant la haine du Français, voire des Blancs. A ce titre, Fillon a lui-même déclaré que s’il est élu « le culte musulman fera l’objet d’un contrôle administratif serré, jusqu’à ce qu’il soit aussi fermement ancré dans la République que les autres religions ».

Cette reprise du « racisme anti-Français », initialement forgé par Jean Marie Le Pen courant 1977, sert surtout à consolider son électorat autour des questions identitaires mais aussi à séduire celui du FN. Ce qui transparaît implicitement, c’est aussi la théorie du « grand remplacement », selon laquelle la culture française et les Français eux-mêmes auraient un avenir incertain, où en tout cas seraient suffisamment « envahis » pour faire l’objet d’un « racisme ». D’ailleurs un certain Dupont-Aignan y a récemment cédé.

Mais de quel racisme parle-t-on ?


En 2012, alors que Copé parlait de « racisme anti-Blancs », Fillon préférait répondre : « A mon sens, il faut dénoncer toutes les formes de racisme simultanément. Ma volonté, ce n’est pas de dénoncer telle ou telle forme de racisme, parce qu’elles ne sont pas distinguables. Ma volonté, c’est de trouver des solutions ». Ainsi donc, aujourd’hui, les formes de racisme sont devenues « distinguables » et le « racisme anti-Français » serait un phénomène réel à combattre. Mais quelle différence, au final, entre « racisme anti-Blancs » et « racisme anti-Français » ? Les deux sont en réalité de pures constructions, des impostures où la classe dominante, masculine et blanche, tente de faire passer le « communautarisme » ou la ségrégation dans les banlieues comme le mal à combattre, alors qu’elle en est directement responsable.

Le seul racisme qui existe réellement, c’est le racisme structurel qui discrimine les travailleurs et les jeunes non-blancs, en les ostracisant dans les quartiers populaires, contrôlés en permanence par la police. En ce sens, le racisme s’inscrit dans le dispositif idéologique et économique du capitalisme, lui permettant d’avoir une main-d’œuvre disponible en cas de hausse de la production tout comme un bouc-émissaire en cas de crise, subissant alors de plein fouet chômage et précarité, comme ces dernières années. Il n’y a donc rien de plus faux que de parler de « racisme anti-Blancs », ou « anti-Français ».

Fillon entreprend ainsi un exercice périlleux : rassurer son électorat sans provoquer une nouvelle crise. Ainsi, muer le « racisme anti-Blancs » en « racisme anti-Français » lui parait-il peut être moins clivant, ou en tous cas moins polémique. Toujours est-il que ses positions réactionnaires sur l’avortement, ses fricotages avec la mouvance manif pour tous, son ultra-libéralisme, en font le candidat parfait du capital, et aussi le meilleur continuateur du racisme contre les Noirs et les Arabes comme dispositif d’oppression superstructurel.