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Ces ordonnances, ça n’est pas le refus de la discussion, et j’insiste sur ce point : une bonne réforme, c’est une réforme qui est pensée, annoncée, discutée et ensuite rapidement exécutée parce que les Français attendent une transformation, ils attendent des progrès.

Edouard Philippe, sur TF1 ce mardi soir

Pour son grand oral sur TF1, son premier en qualité de Premier Ministre mardi soir dernier, Edouard Philippe a avant tout tenté de rassurer sur la question des ordonnances visant à la refonte du code du travail. Sans aucun doute Macron et Philippe craignent-ils qu’imposer une telle attaque par une voie « détournée », qui a tout l’apparence d’un« 49.3 bis », ravive la flamme du printemps 2016.

C’est ainsi que le nouveau Premier Ministre a insisté sur le fait qu’il y aurait discussion, mettant avant tout en avant le fait que les ordonnances permettaient une mise en application beaucoup plus rapide. En réalité, le Parlement n’est consulté qu’en début - afin d’autoriser le gouvernement à procéder par ordonnances - et en fin de processus pour ratifier les dites ordonnances. C’est ainsi que, malgré les dires d’Edouard Philippe, le débat parlementaire est bel et bien écarté, les discussions sur le contenu ayant lieu en Conseil des ministres.

Je vous invite à lire notre constitution. Vous savez, ça va détendre tout le monde

Emmanuel Macron, le 5 mai dernier sur RTL

Dans cette entreprise de déminage du terrain, Emmanuel Macron n’est pas en reste. Il est vrai que l’article 38 de la Constitution permet le recours aux ordonnances. Le très fraîchement intronisé Président de la République oublie par ailleurs de préciser que ses deux prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, ont eux aussi eu recours aux ordonnances, principalement pour « traduire » en droit français les directives européennes. Rien de nouveau sous le soleil donc. Macron entend utiliser les ressorts autoritaires de la V° République, dans la droite lignée des Présidents précédents, et pour attaquer de front les travailleurs. Peu importe, au final, l’aspect contradictoire avec sa posture d’homme du « renouveau » politique.

Je sais les inquiétudes que suscite [la réforme], je vais les entendre, nous allons travailler, mais la volonté du Président de la République, elle est clairement affirmée et moi, mon objectif, c’est de faire en sorte que les objectifs qu’il a fixé soient atteints

Edouard Philippe

C’est bien là le cœur du problème pour le tandem Macron/ Philippe. Comment concilier le besoin pour les classes dominantes de réformer en profondeur la structure économique du capitalisme français, ce qui passe par un détricotage express du code du travail, tout en tenant compte du climat social potentiellement explosif. En effet, la base de légitimité de Macron est faible, la majeure partie des électeurs du second tour l’ayant choisi par défaut, et même une part significative dès le premier tour. Il démarre d’ailleurs son quinquennat avec un crédit inférieur à Nicolas Sarkozy et à François Hollande dans les enquêtes d’opinion. De plus, des exemples de lutte radicale, bien que pour l’instant localisées, comme GM&S par exemple, témoignent d’une radicalité qui a survécu à la fin du mouvement contre la loi travail. Les braises sont donc pour l’heure encore chaudes, et ni Philippe, ni Macron, ne veulent souffler trop fort et risquer un incendie, qui serait une épreuve de poids potentiellement encombrante pour le nouvel executif.