De l’argent il y en a…

12,5 milliards d’euros, sans compter les frais de sécurité : c’est le budget des JO de Rio d’après l’enquête du quotidien brésilien Folha de São Paulo. Un investissement paradoxal de la part de l’État de Rio en faillite, qui a dû faire appel à l’aide du gouvernement, et alors que le Brésil est, depuis quelques années, en pleine crise politique, sociale et économique, que les conditions de vie ne font que se détériorer, que la population souffre de la dégradation des services publics en termes de transports, d’accès aux soins ou à l’eau potable et que le climat est explosif depuis la crise politique issue du putsch sur la droite de Dilma. De quoi attiser la colère des habitants de la ville, déjà mobilisés en 2013 avant la tenue de la Coupe du monde de football à Rio de Janeiro, et qui ont à nouveau été des milliers à manifester pour le boycott de la compétition au cours du mois de juillet, malgré une répression forte.

En outre, si le budget consacré est exorbitant, il n’aura pas pour autant permis de construire des installations sécurisées : on ne compte plus les accidents sur les nouvelles infrastructures, jusqu’à l’effondrement d’une rampe d’accès à l’eau la semaine dernière. Et on imagine aisément, vu les délais ultra-courts pour construire des installations de ce type, les conditions de travail pour les employés. Sans compter les risques d’éboulements liés à la construction de nouvelles voies de transports, mettant en danger la population locale.

Violences policières, expulsions forcées… les habitants : premières victimes

Rio de Janeiro n’échappe pas aux violences policières, justifiées cette fois par la tenue des JO dans la ville. Selon un rapport accablant publié par Amnesty International, il y aurait eu 2500 morts en 7 ans tués par la police, depuis que Rio a été désignée organisatrice, quand la ville s’était engagée à offrir un espace sûr pour les JO. Plus de 100 morts depuis le début de l’année 2016, 40 au mois de mai soit une augmentation de 135 % par rapport à mai 2015. Et dans cette escalade de violence, la plupart des victimes sont des hommes noirs et les meurtres sont perpétrés en toute impunité, la plupart du temps dans les favelas, les quartiers paupérisés. Démonstration du racisme d’État et d’une justice de classe qui font rage au Brésil comme ailleurs, cette situation risque d’empirer encore pendant les Jeux eux-mêmes, d’autant que les autorités brésiliennes ont annoncées la présence de 60.000 policiers et de 25.000 membres des forces armées. Pour l’occasion, le mouvement Black Lives Matter s’est déplacé des Etats-Unis vers Rio, et c’est bien d’un soutien internationaliste dont ont besoin les habitants de Rio, empêchés de manifester par les lois anti-terroristes restreignant la liberté d’expression et de manifestation votées par le gouvernement.

En sus, depuis 2009 et le début des travaux, ce sont 67.000 personnes, parmi les plus pauvres de Rio, qui ont été expulsées de force de leur logement afin de construire à la place les installations destinées aux Jeux. Déplacés vers la banlieue éloignée, sans aucune autre solution, ces habitants sont livrés à la spéculation immobilière qui fait rage désormais, voire parfois non relogés.

Alors, la beauté du sport ?

Difficile, à travers ce voile très noir, de retrouver la beauté de ce que pourrait être la compétition sportive, où l’émulation née de l’adversité permettrait le dépassement de soi et l’accomplissement de performances hors du commun, dans le respect des concurrents. Quand, au mépris total des populations locales, vient s’ajouter la triche et la mise en danger de la santé des athlètes par le dopage, on comprend aisément que le sport sert des intérêts financiers d’une importance supposée bien supérieure, et que les recettes engendrées par l’organisation et la participation aux JO doivent être à la hauteur des investissements des clubs et autres sponsors.

Et si l’annonce de la participation, pour la première fois, d’une équipe constituée d’athlètes réfugiés peut prendre un caractère au premier abord très humaniste, la situation devient très ironique dans un contexte où les expulsions de camps de migrants se multiplient, en France en premier lieu, rappelant le mépris total qu’ont en réalité les gouvernements pour ces personnes, sans parler de ce que cela signifie symboliquement : des réfugiés venus de tous pays, représentant « les réfugiés » comme un groupe d’individus apatrides parce que rejetés de tous. L’ironie est à son comble quand on repart des origines de ces « réfugiés », des guerres menées par les puissances impérialistes dans les pays semi-colonisés. L’impérialisme crée les réfugiés, et les entreprises des pays capitalistes, qui d’habitude les rejettent, ont trouvé une occasion de faire du profit en sponsorisant leurs athlètes.

Décidément, si on aimerait prendre plaisir à regarder les performances sportives des plus grands athlètes mondiaux réunis dans une même compétition, pas si sûr qu’on applaudisse à la fin d’un match qui se joue contre les travailleurs et, parmi eux, ceux qui souffrent déjà des conditions de vie les plus difficiles : les personnes racisées et les habitants des quartiers populaires.