On comprend, à la lecture de ce premier jugement qui a été rendu jeudi 4 février, à Narbonne, la morgue du patron en question. À l’automne 2013, ce chef d’entreprise avait pris un chantier sur le site du CFA de Lézignan-Corbières. Ses salariés interviennent alors sur un toit, à quatre mètres de hauteur. Quelques jours après le début du chantier, l’un d’eux fait une chute extrêmement grave et souffre de fractures multiples.

L’accident a lieu un vendredi, alors qu’il faut se presser. Tous ceux qui travaillent ou ont pu travailler dans le BTP connaissent les rythmes et les exigences sur les chantiers, où les contremaîtres et chefs de travaux cravachent allègrement les ouvriers. En témoigne le triste record du BTP en termes de morts au travail.

Dans le cas du chantier de Lézignan, Henri Gerkens, le chef d’entreprise, est affirmatif lorsqu’il est appelé à la barre : « Je leur avais dit de prendre les harnais, ils étaient dans le camion et ils n’ont pas jugé utile de le mettre ! ». La présidente du tribunal ne lui laisse même pas le temps de finir : « en effet, dit-elle, le matériel a été retrouvé dans le véhicule par les gendarmes ». Et l’avocat de Gerkens de renchérir : « Peut-on reprocher [à son patron de client] que le matériel n’ait pas été utilisé ? ».

La plaidoirie de l’avocate du salarié gravement blessé n’a servi à rien : « on met tout sur le dos de l’ouvrier ! Il a une méconnaissance totale du dispositif de sécurité ». Le jugement était couru d’avance : une amende de 5 000 euros pour le chef d’entreprise. Circulez, c’est jugé. « Que vous soyez puissant ou misérable, écrivait un certain Jean de La Fontaine, au temps de la justice des rois, les jugements de cour vous feront blanc ou noir ». La justice des patrons sous la République ne vaut pas mieux, semble-t-il.