Au nom de la prévention, le chapitre Ier du projet crée ainsi dans le droit commun des « outils adaptés à la lutte anti-terroriste contemporaine ». Pouvoirs du préfet renforcés, notamment par la capacité à instaurer des « périmètres de protection » par différence d’avec les « zones de protection ou de sécurité » de l’état d’urgence.

Fouille des sacs, palpations de sécurité, filtrage seront pratiqués à l’entrée de ces lieux sous « protection ». Ce qui était possible dans la situation exceptionnelle de l’état d’urgence devient donc la norme. Le texte rappelle l’efficacité du dispositif des zones de protection, dans le cadre d’événements sportifs (les fans zones de l’Euro 2016) ou les marchés de noël – et mentionne aussi, en passant, la COP21, dont on se souvient qu’elle avait donné lieu à des arrestations, des perquisitions et des assignations de militant/e/s écolos. Collomb titille donc l’imaginaire policier, qui n’hésitera sans doute pas à jouer des marges de manœuvre que lui laisse la loi.

Le texte précise aussi les différentes mesures de surveillance qui entrent dans le droit commun, sous l’autorité du ministre de l’intérieur : assignation à résidence ou surveillance électronique, visite de tout lieu suspect et saisie de documents, objets ou données. Le référent de ces mesures est le procureur de la république de Paris, François Molins. Verticalité du pouvoir : c’est le procureur de la république et le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris qui seront chargés de superviser, à l’échelle de l’ensemble du territoire, les opérations décrites dans ce projet de loi.

Une bonne partie de ce projet porte sur la surveillance des voyages aériens, et sur le traitement des données à caractère personnel qui sont collectées en collaboration avec les autres Etats de l’UE. Dans cette partie du texte, on remarque que l’immigration clandestine est traitée en même temps que le terrorisme, puisque le contrôle aux frontières des voyageurs hors UE est explicitement destiné au traitement des deux.

La surveillance des communications fait aussi partie du dispositif, avec de nouvelles techniques d’interception et d’exploitation des correspondances, y compris au sein de réseaux privés. Cette technique est légalement ouverte à l’utilisation par les militaires des armées.

Le projet de loi décrit donc un Etat policier qui se dote des pires moyens pour contrôler, surveiller, assigner à résidence tous les individus que le pouvoir jugera suspect au nom d’un comportement pouvant « porter atteinte à l’ordre public ». Et ce, dit le même texte, pour défendre « les intérêts de la nation ». L’exercice des libertés, le droit de manifester, d’exprimer une contestation de l’ordre dominant ne font donc pas partie des « intérêts de la nation ».

Inscrire dans le droit commun les mesures exceptionnelles dont se dote le pouvoir lorsqu’il promulgue l’état d’urgence consiste en un approfondissement du tournant autoritaire et liberticide du gouvernement Macron. Un renforcement des dispositifs de répression et de restriction des droits démocratiques qui s’est fait continuellement par étapes depuis le début des années 2000, quelle qu’ait été la couleur des gouvernements. Hollande avait fait un saut notamment après les attentats de Novembre, avec l’instauration de l’état d’urgence. Macron l’approfondit puisque le caractère exceptionnel de l’état d’urgence devient l’ordinaire du droit, un droit que Collomb a entièrement mis au service de l’Etat policier qui se dessine depuis 2015.

Crédits photos : @ FRANCOIS MORI / POOL / AFP