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Palestine vivra, Palestine vaincra !

Une centaine de personnes à Tolbiac pour le meeting de solidarité avec le peuple palestinien

Lamia Mhia Le jeudi 21 janvier le site Pierre Mendès-France, alias Tolbiac, de l'Université Paris 1 faisait salle comble. Près d'une centaine de personnes – étudiants, habitants du quartier, militants – ont rempli l'amphithéâtre L pour écouter les témoignages de cinq étudiantes et militantes de la cause palestinienne lors d'une rencontre organisée par Génération Palestine. Cette rencontre a été l'occasion pour les militantes de partager, à travers des aspects particuliers de la question, leurs expériences en Palestine et les raisons de leur engagement aux côtés du peuple palestinien, mais également de revenir sur la criminalisation grandissante dont sont victimes les mouvements de solidarité en France.

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Les conditions de préparation de la conférence ont été assez compliquées, état d’urgence oblige. A Tolbiac, la réservation d’amphithéâtre pour de telles initiatives est rendue extrêmement compliquée par la direction de l’université, qui l’interdisait même pendant plus d’un mois après les attentats du 13 novembre, et le contrôle des cartes d’étudiants est instauré comme bon lui semble. Mais la direction a, depuis plusieurs années maintenant, le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien dans le collimateur. L’année dernière, à deux reprises, elle a interdit la tenue de conférences de solidarité, qui ont pu quand même se tenir grâce à la mobilisation de la communauté universitaire et des militants politiques et syndicaux. Malgré ces difficultés, la conférence s’est bien déroulée.

La mer, l’art, le travail, la prison : l’occupation sioniste de la Palestine déclinée au quotidien

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Pendant une heure, chacune des intervenantes a témoigné de son voyage en Palestine et de son engagement dans la cause palestinienne. La première intervenante, étudiante en Master d’histoire contemporaine du Monde arabe à la Sorbonne, a introduit son témoignage en rappelant la situation géographique de la Palestine, divisée entre la Cisjordanie et Gaza, mais s’est surtout intéressée au rapport qu’entretiennent les jeunes Palestiniens à la mer. Ce peuple méditerranéen, qui vivait autrefois grâce à la pêche, se trouve largement privé de son accès à la mer et à ses moyens traditionnels de subsistance. Elle a raconté l’histoire de son ami de 26 ans, habitant de Ramallah en Cisjordanie, qui l’a vue pour la première fois de sa vie lors d’un voyage en Italie. En effet, la mer se trouve à quelques kilomètres de la Palestine, mais les Palestiniens doivent se contenter de la regarder de loin, de l’autre côté du mur. Il en est de même pour les habitants de Gaza qui, eux, ont certes accès à quelques kilomètres de bordure de mer, mais cet endroit n’est en rien un lieu de détente, l’armée israélienne les bombardant régulièrement.

La deuxième intervenante, étudiante de l’Inalco, ayant séjourné à Naplouse en Cisjordanie, a ensuite raconté ses expériences artistiques en Palestine. Avant son voyage, elle ne connaissait pas grand chose à la situation de ce peuple, mais faisant du dessin et du graff, elle voulait organiser un projet artistique avec de jeunes Palestiniens. Elle s’est donc installée là-bas et a tenté de mobiliser des jeunes pour réaliser une fresque sur une célèbre rue de la ville. Ce qui l’a le plus frappée lors de son séjour, c’était la vie sous l’occupation. Cette occupation colonialiste qui plonge le peuple palestinien dans l’impossibilité de penser et de se projeter dans un avenir meilleur, de formuler un projet à long terme. Elle a surtout insisté sur le rôle de l’art et des artistes dans la solidarité avec le peuple palestinien, lequel n’est pas un moyen de mettre un terme à l’occupation, mais permet de créer quelque chose avec les Palestiniens eux-mêmes.

Une troisième intervenante s’est concentrée sur la question des paysans et ouvriers agricoles. Ayant vécu une année aux côtés des agriculteurs en Palestine, elle a raconté comment l’occupation de l’État sioniste d’Israël vise à spoiler, épuiser et accaparer les ressources naturelles et terres en Palestine à travers la loi de 3 ans qui stipule que toute terre n’étant pas cultivée pendant trois ans revient de droit à l’État d’Israël, la bétonisation des terres, ou encore la mise en place forcée des pratiques industrielles d’agriculture intensive. Le tout avec l’objectif de créer une main d’œuvre prolétarienne, corvéable à vie, pour combler le manque de travailleurs dans les colonies et dans l’État d’Israël, dans le cadre d’un profond mépris de ce dernier à l’égard des Palestiniens qu’il considère comme des individus à « civiliser ».

Une quatrième intervenante, ayant séjourné six mois à Jérusalem, a raconté son expérience au sein d’une délégation diplomatique, alors que la dernière intervenante, également étudiante en Master d’histoire du Monde arabe à la Sorbonne, s’est intéressée au rapport des jeunes Palestiniens à la prison. La prison est en effet un élément structurant de la société palestinienne. Les Palestiniens vivent avec un sentiment d’insécurité permanent puisqu’une arrestation peut avoir lieu à tout moment et n’importe où. Un jeune de moins de 25 ans sur trois passe ainsi, et presque inévitablement, par cette fameuse « case prison » exposée par le documentariste Franck Salomé dans son film « Palestine : La case prison ».

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La criminalisation croissante du mouvement de solidarité avec la Palestine en France

La tribune a également mis en avant la criminalisation de plus en plus grande qui touche les militants des organisations de solidarité avec le peuple palestinien, comme ceux de la campagne Boycott – Désinvestissement – Sanctions (BDS). Comme l’ont rappelé les intervenantes, la campagne BDS a été lancée en 2005 par un appel de plus de 170 associations de la société civile palestinienne pour que l’ensemble de la communauté internationale boycotte l’État d’Israël jusqu’à ce qu’il se conforme au droit international et arrête la colonisation et l’occupation des terres palestiniennes.

A l’heure actuelle, la France tend à devenir le seul pays au monde où l’appel au boycott des produits israéliens est interdit. Le boycott, à la fois des produits israéliens et de toute coopération culturelle, sportive ou universitaire avec l’État d’Israël, est en effet en train de devenir un délit. A Montpellier, les militants de BDS ont vu leurs réunions publiques interdites et des poursuites engagéesà leur encontre. Et c’est loin d’être un cas isolé. En Alsace, 14 militants ont été condamnés en novembre dernier par la justice française pour avoir organisé une campagne de boycott dans un Carrefour. Faisant figure de meilleur élève en matière de soutien à l’État d’Israël, le gouvernement français a également engagé un bras de fer avec l’élan de solidarité populaire qui s’est exprimé dans les rues de Paris en juillet 2014, en interdisant systématiquement les manifestations et les réprimant à coup de matraque.

S’ajoutent à ces mesures récemment prises par le gouvernement, les discours du Premier ministre Manuel Valls qui qualifie la campagne BDS de « nauséabonde » et « antisémite », alimentant ainsi les amalgames odieux entre le boycott de l’État sioniste et sa politique colonialiste et l’ensemble des Juifs. Sachant que de nombreux juifs de France tout comme d’Israël soutiennent la campagne BDS, ce genre de discours ne sert qu’à discréditer l’ensemble des mouvements de solidarité avec un peuple qui tente de lutter pour ses droits les plus fondamentaux, au premier rang desquels celui à l’auto-détermination. En dernière instance, avec de tels propos, Valls souhaite sauvegarder les intérêts des classes dominantes françaises et de l’État et faire taire toute contestation de leur collaboration avec Israël. Et l’état d’urgence ne fera que renforcer la répression des militants de la cause palestinienne et toutes celles et tous ceux qui souhaitent témoigner de leur solidarité dans les rues ou à travers des campagnes.

Dans un tel contexte de répression des militants et de criminalisation des mouvements sociaux, cette rencontre a permis de rendre visible la cause du peuple palestinien et leur lutte contre l’occupation et pour le droit à l’auto-détermination, avec un public le plus divers et large possible. Mais également de mettre l’université, l’espace d’une soirée (trop courte), au service de la réflexion des moyens d’émancipation collective du peuple palestinien. Un engagement que les organisateurs de la rencontre ont invité à approfondir collectivement, et comptent poursuivre avec l’organisation d’une prochaine échéance dans le cadre de l’Israel Apartheid Week en mars prochain.


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