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Vers dix heures et demie du matin ce jeudi 8 octobre, quelques « blouses blanches » ont peu à peu commencé à se rassembler dans un coin de la Place de la République à Paris. Puis d’autres sont arrivées, avec des drapeaux, des banderoles, des pancartes autour du cou. « Hôpital en danger », « Hirsch tue l’AP-HP » et « Stop au massacre » étaient quelques-uns des messages portés par ces personnels hospitaliers déterminés à montrer dans la rue que si la direction de l’AP-HP veut « tuer » l’hôpital public, leur mouvement quant à lui n’est pas mort.

Sans l’appui des organisations syndicales centrales et dans un contexte où rares sont les établissements où des assemblées générales se sont tenues cette semaine et où l’information autour de l’appel lancé par le personnel de l’hôpital Beaujon a donc dû se faire strictement par du bouche-à-oreille, la présence de salariés de différents hôpitaux témoigne d’un écho bien réel.

Les hospitaliers de Beaujon, Saint-Louis, Avicenne, Tenon, Saint-Antoine, Louis Mourier, Robert Debré et La Pitié Salpêtrière ont fait le tour de la place en portant un cercueil sur lequel était marqué « hôpital », dans une simulation de cortège funèbre. Ils ont coupé la circulation pendant quelques minutes avant de s’allonger par terre, toujours dans la même symbolique autour de la mort de l’hôpital. L’action a par ailleurs réussi à briser le bouclier médiatique autour du conflit de l’AP-HP et a été relayée dans un journal télévisé.

Faire entendre leur voix

Puis ils se sont levés et ont chanté des slogans, en particulier « Ni amendable, ni négociable, retrait du Plan Hirsch ! ». Se sont succédé ensuite quelques prises de parole sur les perspectives du mouvement et la nécessité de remobiliser les collègues à la base pour pouvoir faire entendre leurs voix au gouvernement, mais aussi à l’intersyndicale, que certains jugent pas à la hauteur.

« Nous ne sommes pas contre les syndicats, mais nous voulons que nos directions entendent nos revendications, notre mot d’ordre qui reste celui du retrait définitif du plan Hirsch », expliquait au microphone un infirmier de Beaujon, lui-même militant syndical. Après l’action, et souvent autour d’un sandwich ou d’un verre, des discussions ont eu lieu sur la situation dans chaque hôpital, sur les prochaines actions possibles, sur la nécessité de se coordonner entre différents établissements.

Une action qui en dit long sur l’état actuel du mouvement de l’AP-HP

Cette « petite » action à caractère essentiellement symbolique reflète ainsi assez bien les contradictions dans lesquelles se trouve la mobilisation du personnel hospitalier de la région parisienne. Alors même que la majorité des salariés reste profondément hostile au projet de réorganisation du temps de travail proposé par Martin Hirsch, un bout de l’intersyndicale, en occurrence la CFDT, négocie avec la direction de l’AP-HP des compensations à l’application de ce même projet, tandis que le reste semble sombrer dans une sorte d’attentisme résigné, comme s’ils voulaient voir ce qui sortira des négociations entre Hirsch et la CFDT. C’est ce qui explique l’échec de la journée de mobilisation du 1er octobre, appelée du jour au lendemain, mais aussi le fait que depuis, aucune action centrale du personnel n’a été proposée.

C’est donc en opposition à cette attitude qui pourrait conduire un mouvement — pourtant historique et ayant failli faire tomber le président de l’AP-HP au mois de juin — vers un échec que des hospitaliers se sont mobilisés ce jeudi par eux-mêmes, sans attendre les consignes de l’intersyndicale. Cette action ne suffira évidemment pas à elle seule à faire repartir une mobilisation qui a été extrêmement massive avant l’été, mais elle a le mérite de poser le problème de qui doit diriger la lutte et devrait servir au moins à tisser des liens permettant de tirer des leçons et préparer les prochaines batailles de façon coordonnée.