Crédit photo : O Phil des Contrastes
Nous, étudiant.e.s en études de genre de l’Université du Mirail (UT2J), ne pouvons continuer d’étudier quotidiennement les systèmes d’oppressions et les effets désastreux des politiques néolibérales, sans laisser entendre notre voix et celles des oublié.e.s. Mobilisé.e.s contre la réforme des retraites au sein du mouvement social, nous prenons la parole pour partager notre analyse féministe des discours du gouvernement proclamant les femmes “grandes gagnantes” de cette réforme.
Macron et son gouvernement nous promettent une réforme plus “universelle”, “égalitaire” et “équitable”. Nous en aurions besoin : les hommes perçoivent en moyenne 68% de retraite propre de plus que les femmes, environ 670 euros supplémentaires par mois [1]. La réforme néolibérale menée par Macron renforcera les inégalités existantes contrairement à ce qui est martelé. Tout le monde va y perdre, surtout les femmes.
Le gouvernement présentera dans les prochaines semaines un projet de réforme du système des retraites, dont les principales bénéficiaires seront les femmes. [2]
Marlène Schiappa, secrétaire d’état chargée de l’égalité femmes-hommes et de la lutte contre les discriminations
Les femmes [3] subissent des carrières précaires et discontinues : chômage, congé parental, temps partiel subi, discriminations à l’embauche, plafond de verre et écarts de salaire. Pourquoi devraient-elles en payer le prix lors du calcul de leur pension de retraite ? Prendre en compte l’intégralité de la carrière dans le calcul des retraites, c’est faire le choix de discriminer davantage les femmes et de les condamner à la précarité à vie.
Quant à la prétendue pension « minimale » de 1000 euros par mois, elle est réservée aux personnes qui ont pu mener une carrière complète, ce qui exclut de fait beaucoup de femmes. Sans parler du fait que le gouvernement Macron ne garantit même pas une retraite supérieure au seuil de pauvreté. [4]
Moi j’adore pas le mot de pénibilité parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible. [5]
Emmanuel Macron, président de la République
Les conditions de travail peuvent être une souffrance, et leur ignorance, une violence. La pénibilité et les droits à la retraite qui en découlent ne sont pensés qu’au masculin. Les femmes sont poussées à travailler principalement dans les métiers du soin et des services à la personne où ni leurs compétences, ni la pénibilité des tâches effectuées, ne sont reconnues. Aujourd’hui, les critères de pénibilité qui permettent un départ anticipé à la retraite ciblent des métiers majoritairement masculins : 75% des bénéficiaires sont en fait des hommes. A quand une reconnaissance de la pénibilité de ces métiers et l’ouverture de droits à la retraite associés ?
Mise au point sur les pensions de réversion : aucun bénéficiaire actuel ne verra sa pension de réversion diminuer ne serait-ce que d’un centime. [6]
Emmanuel Macron, président de la République
90% des bénéficiaires de la pension de réversion [7] sont des femmes. Le gouvernement Macron, en remettant en cause l’âge d’ouverture des droits, rend de plus en plus incertain les conditions d’accès à ce qui est souvent l’unique ressource économique des veuves. En réservant cette pension aux personnes mariées, il fait aussi le choix de discriminer d’autres modes de vie tels que le concubinage, le pacs... En supprimant l’accès aux personnes divorcées et/ou remariées, la réforme contraint les femmes dépendantes financièrement à rester mariées. L’Etat fait prendre un risque supplémentaire aux victimes de violences conjugales : un comble quand l’égalité femmes-hommes est la prétendue “grande cause du quinquennat”.
Moi j’appelle chaque couple à réfléchir et à respecter l’autonomie financière des femmes, […] l’Etat peut mettre en place des politiques publiques mais il ne peut pas prendre les décisions à la place des couples. [8]
Marlène Schiappa, secrétaire d’état chargée de l’égalité femmes-hommes et de la lutte contre les discriminations
La réforme prévoit une majoration de la pension de 5% par enfant, qui peut être soit partagée soit prise par l’un des deux parents. Il sera dans l’intérêt financier du couple de valoriser la pension la plus élevée, souvent celle de l’homme. Certaines mères pourraient donc ne plus toucher aucune compensation : un grave recul pour leur autonomie financière.
En plus de remettre en question leur indépendance financière, cette mesure libérale nie l’existence de rapports de pouvoir au sein des couples. Toutes les femmes auront-elles vraiment leur mot à dire dans le partage de la majoration ?
Sous couvert de nécessité budgétaire, le gouvernement attaque les fondements de notre système de retraite. Cette réforme ouvre la porte à la capitalisation au détriment d’un système solidaire. Pensé en 1945 comme une libération du travail, les choix politiques d’aujourd’hui le transforment en “une antichambre de la mort”. [9]
Les vrais grands gagnants du système Macron sont encore une fois les fonds de pensions, les compagnies d’assurance, les héritiers du patrimoine, les grands patrons, les élites...
Les vraies grandes perdantes sont encore une fois les femmes, surtout quand se croisent les discriminations liées au racisme, au handicap, à la pauvreté, aux sexualités, à la vieillesse, à la maternité...
Pour être juste, notre système de retraite doit être repensé.
Cette réforme n’est ni universelle, ni équitable, ni égalitaire.
Quand ces principes sont brandis comme des étendards hypocrites,
exigeons une véritable politique féministe !
Quand le gouvernement choisit d’ignorer et réprimer le cri de la rue,
soyons plus nombreuses et crions plus fort !
Par les étudiant.e.s du Master GEPS - GEPS en lutte
Signataires de cette tribune :
Etudiant.e.s en lutte :
du Collectif d’étudiant.e.s NES (Master Nouvelle Économie Sociale de l’Université Toulouse Mirail)
du Master DTCT (Design Transdisciplinaire, Cultures et Territoires) mobilisé (Université Toulouse Mirail) : Mariem Aouni, Léonie Bonnet, Fanny Branet, Nicolas Bouyrac, Jonathan Brouillon-Chevallier, Maria Diaz, Eva Dufresne, Line Gallen, Laura Grein, Lina Métayer, Élora Michel, Frédérique Pardo, Anna Pavie, Margaux Pichon, Rossana Lea Mahalayne
du Master PDG (Master Politique, Discriminations et Genre) de Sciences Po Toulouse.
des Masters Études sur le Genre de l’Université de Lyon.
du Master Études sur le Genre de l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis : Camille Chenot, Marion Fresneau, Sarah Petit, Mathis Thomas.
du Master Médiations culturelle et interculturelle de l’Université de Nanterre : Anne-Claire Simon.
du Master en Études sur le genre de l’EHESS : Mallaury Bollanos.
du Master APIESS (Action Publique Institutions Économie Sociale et Solidaire) de l’Université de Lille : Angèle Ducatillon.
UET - Union des ÉtudiantEs de Toulouse
Liste Indépendante des Représentant.e.s étudiant.e.s de la faculté de Philosophie de Lyon 3
Avec le soutien d’associations, collectifs, syndicats :
Act Up Sud-Ouest, association de santé communautaire, promotion de la santé des personnes atteintes du VIH.
Alchimie Solidarité, association de solidarité, laïque et indépendante
Artémisia Toulouse, association de formation et de sensibilisation sur l’égalité femmes/hommes
Association AFUTÉ.E, association féministe étudiante toulousaine.
Association pour le Soin Queer et Féministe : Dre. Sidonie Richard, médecin-généraliste, Lou Poll, sage-femme, Sylvie Dalnoky, psychologue, Dr. Kyn Yoram Krakowski, psychologue
Bavardes, collectif LBTQ féministe
Collectif ZEF, collectif qui lutte contre les inégalités et pour l´inclusivité
Collectif Femmes Mixité de l’UD CGT 31
Commission égalité du secteur fédéral CGT Cheminot.e.s Toulouse.
Du Pain et des Roses, collectif qui lutte pour l’émancipation de toutes les femmes (Révolution Permanente)
Faire Face, association d’autodéfense féministe de Toulouse
Griselidis, association de santé communautaire avec et pour les TDS.
Les Chôraleuses, chorale féministe
Les Jaseuses, collectif de jeunes chercheur.se.s féministes
Planning Familial 31, association qui défend l’éducation à la sexualités et la santé sexuelle
Potere al Popolo Paris, mouvement politique italien, membre de Nous Aussi.
Pour une meuf, association de soignant.e.s féministes
Syndicat ASSO 31
Toutes en grève 31, assemblée féministe
Union Antifasciste Toulousaine
Et le soutien d’universitaires et de militant.e.s féministes :
Fernanda Artigas, Psychologue et sociologie
Lilas Bass, Doctorante et ATER en sociologie
Marianne Blidon, Géographe
Natacha Chetcuti -Osorovitz, Sociologue.
Anaïs Choulet, Doctorante en philosophie
Caroline Dejoie, Domaine Arts et Littérature, artiste et militante féministe
Lise Desceul, Docteure en littérature comparée, professeure agrégée
Françoise Guillemaut, Sociologie
Fanny Hugues, Doctorante en sociologie
Julie Jarty, Sociologue
Horia Kebabza, Sociologue
Prisca Kergoat, Sociologue
Nathalie Lapeyre, Sociologue
Hélène Nicolas, Anthropologue spécialisée en études de genre
Julien O’Miel, MCF en Science Politique
Héloïse Prévost, Sociologue
Constance Schuller, Sociologue
Sezin Topçu, Sociologue
[1] Calcul réalisé en prenant les femmes comme valeur de référence parmi les données de l’Insee. Soit, si les femmes touchent 40 % de moins que les hommes en moyenne, alors les hommes touchent 68% de plus que les femmes de retraite propre.
[2] Courrier daté du 3 décembre 2019 de Marlène Schiappa à la présidente du Haut-Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes.
[3] “Femmes” à considérer en tant que groupe social (ensemble de personnes ayant des caractéristiques ou des buts communs partagés) et non comme une catégorie biologique.
[4] Le seuil de pauvreté en France en 2015 s’établit à 1015 euros par mois pour une personne seule. Source : INSEE
[5] En déplacement à Rodez le 3 octobre 2019 pour défendre la réforme des retraites.
[6] Twitter @EmmanuelMacron, 26 juin 2018
[7] Sénat- Étude de législation comparée n° 167 - décembre 2006 - Les pensions de réversion
[8] Dans une interview filmée le 13 décembre 2019 pour Elle.fr, "Réforme des retraites : Marlène Schiappa explique ce qui va changer pour les femmes"
[9] Ambroise Croizat, ministre-ouvrier communiste fondateur de la Sécurité Sociale a réclamé que la retraite “ne soit plus l’antichambre de la mort mais une nouvelle étape de la vie” et pas seulement pour ceux qui sont déjà malades ou qui souffrent vraiment trop : pour tout le monde.