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Moyen-Orient

Frappes en Irak et en Syrie : l’Iran s’engage dans le conflit régional

L’Iran frappe la Syrie et l’Irak en réponse à l’attentat de Kerman et aux multiples attaques ciblées contre les cadres de l’Axe de la Résistance. La riposte, brouillonne et mineure, illustre les contradictions d’un pays en crise, confronté aux provocations incessantes de l’État israélien et à la déstabilisation de la région.

Enzo Tresso

18 janvier

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Frappes en Irak et en Syrie : l'Iran s'engage dans le conflit régional

L’Iran a frappé, ce mardi 16 janvier, des cibles en Syrie et au Kurdistan irakien en réponse à l’attentat de Kerman, le 3 janvier, et aux multiples attaques menées contre certains de ses dignitaires et des cadres de l’Axe de la résistance. Après avoir annoncé qu’il répondrait à l’assassinat de Razi Moussavi, un dirigeant des Gardiens de la Révolution, à Damas, le 27 décembre, et à l’exécution de Saleh al-Arouri à Beyrouth, mardi 3 janvier, l’Iran est passé à l’offensive en visant, selon son média d’État, « des espions du régime sioniste » à Erbil, dans le Nord de l’Irak sous contrôle du Parti Démocratique Kurde. En Syrie, les forces Iraniennes ont annoncé avoir ciblé les membres de l’État islamique qui auraient perpétré l’attentat le plus meurtrier qu’ait connu la République Islamique depuis l’incendie du Rex à Abadan en 1978.

Alors qu’Israël a renoué avec la stratégie de l’assassinat ciblé en visant plusieurs cadres des mouvements affiliés à l’Axe de la résistance, dans la sphère d’influence iranienne, et que l’Iran a été frappé sur son propre territoire par l’État islamique, les possibilités d’action des Gardiens de la Révolution demeuraient limitées. Si une partie de l’opinion publique iranienne se montre critique des failles des services de sécurité et de l’attentisme du gouvernement, les autorités iraniennes ne pouvaient répondre à Israël avec une égale intensité sans déclencher un conflit d’envergure et faire face à la coalition menée par les États-Unis. Devant la nécessité de répondre aux attaques subies sur son propre territoire tout en évitant l’embrasement régional, la riposte iranienne est prudente.

Elle apparait également brouillonne. Frappant un proche allié auquel l’Iran avait apporté son soutien contre l’État islamique et avec lequel il est engagé dans des relations économiques bilatérales importantes, les communiqués de l’armée iranienne sont plus que confus. Annonçant tout d’abord que ses forces avaient frappé des « éléments anti-iraniens » en Irak, la propagande iranienne a, dans un second communiqué, affirmé avoir visé une base des services de renseignement israéliens, reprenant les éléments de langage du gouvernement au lendemain de l’attaque de Kerman qui faisait de l’État islamique un « allié du sionisme et de l’impérialisme américain ».

En outre, après avoir condamné une « agression visant la souveraineté de l’Irak et la sécurité de son peuple », le gouvernement irakien a dépêché sur les lieux de l’attaque le conseiller à la sécurité nationale, Qassem al-Aaraji, qui a accusé Téhéran de mentir et de diffuser de « fausses allégations ». La cible touchée semble être la maison du magnat de l’immobilier Peshraw Dizayee, mort dans l’attaque avec une partie de sa famille. Propriétaire de la firme Falcon Group, engagée dans un projet routier reliant l’Europe à l’Irak en passant par la Turquie, il était également un acteur important sur le marché régional de l’énergie. Ses liens avec Israël demeurent inconnus en dépit de l’hypothèse, avancée sans preuve par certains comptes X pro-iraniens, de la participation de l’entreprise à des échanges gaziers ou pétroliers avec l’État colonial. Le gouvernement irakien a également rapatrié son ambassadeur à Téhéran pour « consultation ». Le conseil kurde, qui administre la région, a dénoncé une « attaque injustifiée », avant d’ajouter : « Les Gardiens de la Révolution disent que l’attaque visait plusieurs sites de groupes oppositionnels iraniens. Malheureusement, ils utilisent toujours des prétextes sans fondement pour attaquer Erbil ». Farouche opposant de l’indépendance kurde, par crainte de voir émerger un État kurde sur son territoire, dans le nord du pays à forte minorité kurde (le « Kurdistan iranien »), l’Iran a appuyé les attaques d’Erdogan contre ces populations en Syrie, lors de son engagement aux côtés de Bachar el-Assad.

Le gouvernement étasunien a dénoncé, fidèle à son hypocrisie, « des frappes irresponsables qui sapent la stabilité de l’Irak », alors qu’il a lui-même bombardé le pays à plusieurs reprises en ciblant, le 25 décembre, des membres des Kataeb Hezbollah avant de récidiver le 4 janvier en exécutant un cadre de la milice al-Nujaba.

Lire aussi : Yémen, Iran, Liban… : au Moyen-Orient, le spectre d’un embrasement régional

Alors que l’équilibre des contradictions est de plus en plus fragile au Moyen-Orient et que l’impérialisme états-unien fait tout pour conserver ses positions régionales en soutenant inconditionnellement l’Etat colonial israélien, la pression exercée par les frappes aveugles d’Israël a poussé l’Iran à s’engager pour la première fois dans le conflit en conduisant une série d’attaques en son nom propre. Si la riposte iranienne est le symptôme des contradictions d’un régime en crise, contraint de répondre à des agressions sans précédent sur son propre territoire, en visant de manière brouillonne des cibles mineures, sans entrer directement en conflit avec Israël, les provocations incessantes de l’impérialisme israélien doivent cesser. Agissant comme le fouet de l’impérialisme états-unien au Moyen-Orient, Israël menace de sacrifier la région sur l’autel de son idéologie fanatique.


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