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Conciliation de classes

Malgré la loi immigration, les directions syndicales préparent la reprise du « dialogue social » en 2024

Vendredi 22 décembre s’est tenue la première réunion de négociation entre les directions syndicales et le MEDEF sur l’emploi des seniors. Alors que Macron multiplie les attaques comme la loi immigration, il faut rompre ce dialogue social !

Augustin Tagèl

28 décembre 2023

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Malgré la loi immigration, les directions syndicales préparent la reprise du « dialogue social » en 2024

Le lieu est lourd de sens. C’est au siège du MEDEF, dans le 7e arrondissement, que se sont réunis vendredi 22 décembre les représentants du patronat et des direction syndicales pour décider du calendrier des négociations. Au programme, 14 réunions sont prévues à partir de début février, pour tenter d’arriver à un accord pour le 26 mars, au sujet de l’emploi des seniors, dans le cadre des négociations autour du « pacte de la vie au travail ».

Souhaité par le gouvernement et annoncé en avril dernier par Macron, ce pacte s’inscrit directement dans la continuité de la réforme des retraites. En effet, le ministère du travail a publié le 21 novembre un document d’orientation des négociations qui pose les bases des trois axes qui devront être abordés, en lien avec l’allongement de la durée du travail imposé par la réforme.

Encadrements par le gouvernement : les syndicats négocient le poids des chaines

Les trois axes principaux du pacte, et donc des négociations qui vont avoir lieu, sont d’abord l’emploi des seniors en général, ensuite les reconversions professionnelles, la progression des carrières et la prévention de la pénibilité et, enfin, la création d’un compte épargne temps universel. L’encadrement des négociations du pacte par le gouvernement ne se limite pas à l’énoncé des axes de réflexions, puisqu’il propose également des idées de résolution, qui sont, logiquement, autant de nouvelles attaques contre les travailleurs.

Ainsi parmi les propositions sur ce plan, on retrouve le duo gagnant casse des droits et précarisation, incarné ici par la diminution drastique des droits au chômage des seniors et par la mise en place d’un nouveau contrat leur étant réservé. S’exprimant le 23 novembre sur France Info à propos du chômage des seniors, Bruno Le Maire, ministre des finances, expliquait vouloir ainsi remplacer le système actuel qui permet aux travailleurs de plus de 53 ans de bénéficier de 22,5 mois de chômage et pour ceux de plus de 55 ans, 27 mois.

La première idée est de décaler l’ouverture de ces droits « améliorés » de deux ans, pour s’aligner avec la réforme des retraites, passant ainsi de 53 à 55 ans et de 55 à 57 ans. Poussant plus loin encore l’attaque, le ministre propose également de réduire l’ensemble de ces droits à 18 mois maximum d’indemnisation, quel que soit l’âge.

Sur le domaine de la précarisation du travail, le gouvernement souhaite notamment la mise en place d’un nouveau contrat senior, pour les plus de 55 ans, uniquement aux 4/5e de temps de travail et payé 90% du salaire de base. 15 ans après le contrat première embauche (CPE) qui garantissait la précarité aux jeunes, voici de quoi la promettre aux seniors. « Pacte de la vie au travail », le projet porte bien son nom pour ceux qui s’usent jusqu’à la mort à leur poste.

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Le gouvernement l’a fixé : l’objectif du premier axe de négociations de son « pacte » est de faire passer de 36% à 65% le taux d’emploi des seniors entre 60 et 64 ans. L’objectif est donc clair, mettre le plus de seniors possible au travail. Une offensive malgré laquelle les directions syndicales dans leur ensemble ont répondu présentes pour le lancement des négociations vendredi dernier.

La CGT entend notamment revendiquer l’établissement de dispositions contraignantes pour lutter contre le licenciement des seniors et permettre leur maintien dans l’emploi. Sophie Binet préconise également une révision des ruptures conventionnelles collectives, qui auraient facilité les licenciements ces dernières années. Sur la pénibilité elle considère qu’un cadre doit être mis en place au niveau national et sectoriel, pour s’appliquer aux entreprises. La CGT ne soutient pas le projet de nouveau contrat, au motif qu’il n’aurait qu’un faible impact sur l’emploi.

FO a également en partie dévoilé le programme de ses revendications, telles que le droit à la reconversion si le salarié est exposé à des risques professionnels, le temps partiel ou congé de fin de carrière, et enfin le rétablissement du contrat de génération, créé sous Hollande. Pour la CFDT, il faut réussir à mieux maintenir les seniors dans l’emploi. La centrale préconise d’augmenter de 10 points le taux d’emploi des seniors, et propose pour cela des négociations spécifiques sur le travail des séniors dans les branches et dans les entreprises. Une proposition qui repose encore une fois sur la négociation mais à un niveau plus restreint, où le rapport de forces est souvent encore plus faible.

Entre miettes qui ne changeront rien à la situation des séniors et propositions totalement inacceptables pour le patronat, réfractaire à la moindre contrainte, ces revendications cachent mal une participation qui équivaut à accepter de négocier la régression sociale. Alors que, de son côté, le patronat a déjà annoncé qu’il exigeait des allègements de cotisations sociales sur les contrats des salariés seniors que les patrons s’engageraient à garder jusqu’à leur retraite, les négociations qui s’annoncent sont une impasse pour les travailleurs et ne serviront au mieux qu’à permettre au gouvernement de légitimer les attaques menées par ailleurs contre les séniors.

En outre, alors que le gouvernement annonce une série de nouvelles attaques pour la rentrée sur le terrain de la « flexibilisation » du marché du travail et bien sûr de la loi immigration qu’il entend promulguer rapidement, cette attitude traduit une volonté inquiétante de poursuivre la stratégie de conciliation menée depuis la rentrée. Une stratégie qui a été un échec total, tout en ouvrant un boulevard pour les attaques du gouvernement.

Contre le « dialogue social », organisons la lutte

En réalité les directions syndicales entament 2024 avec les mêmes dispositions que la rentrée de septembre : celles de se plier à un nouveau cycle de dialogue social. Malgré le bilan de la bataille des retraites où le gouvernement est passé en force sur sa réforme, l’ensemble de l’intersyndicale avait choisi en septembre de privilégier la table des négociations sur la rue. Après la « conférence sociale » sur les salaires, arnaque de Macron qui fut accueillie à bras ouverts par les directions, la CGT signait en octobre les nouveaux accords AGIRC-ARRCO sur les retraites complémentaires et tentait de maquiller la défaite en victoire. Un mois plus tard, la CFDT, la CFTC et FO signaient quant à elles un accord scandaleux sur l’assurance-chômage.

Ces accords n’ont rien obtenu pour les travailleurs, tout en faisant obstacle à la construction de mobilisations pour imposer un rapport de forces à même d’arracher des revendications sérieuses face à la crise actuelle. Depuis la rentrée, une seule journée de mobilisation interprofessionnelle a ainsi été organisée, le 13 octobre dernier. En désertant la rue, cette politique a en revanche ouvert un boulevard aux offensives du gouvernement sur le RSA, contre les travailleurs étrangers et lui permet d’envisager une série de nouvelles attaques pour la rentrée sur le terrain de la « flexibilisation » du marché du travail.

Alors que pour la rentrée, Macron veut reprendre le chemin des attaques anti-sociales et que l’heure devrait être à construire un plan pour empêcher la loi immigration d’être promulguée, il y a urgence à exiger la rupture du dialogue social ! En effet, la crise ouverte autour de la loi immigration a souligné les contradictions de l’exécutif et ses fragilités. Ses hésitations autour de la loi immigration montrent que son offensive réactionnaire est loin d’être consolidée.

Seulement, seule une mobilisation d’ensemble peut permettre de le faire reculer. C’est aussi dans ce cadre qu’il serait possible d’obtenir de véritables mesures en faveur des séniors : la retraite à 60 ans, le partage du temps de travail entre toutes et tous pour en finir avec le chantage à l’emploi et le chômage, mais aussi l’augmentation de l’ensemble des salaires. C’est surtout, plus largement, comme ça qu’il sera possible de changer la dynamique sociale dans le pays, en tissant des alliances dans la lutte pour faire reculer le gouvernement, la droite et l’extrême-droite.


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