On se rappellera qu’avant le début de l’offensive contre l’Afghanistan en octobre 2001, les impérialistes avaient orchestré une propagande intéressée sur le sort abominable réservé aux femmes afghanes sous les Talibans, alors que ces derniers dynamitaient les bouddas de Bamiyan, site archéologique Gandhara du V° siècle, faisant pousser des cris d’orfraies à ceux qui, quelques mois plus tard, allaient réduire le pays à un champ de bataille international permanent, ce qu’est l’Afghanistan jusqu’au jour d’aujourd’hui.

L’opération a été relancée contre Daech depuis l’été 2014, lors de la mise en place de la coalition contre cette organisation djihadiste dont les racines plongent dans la destabilisation du Proche et Moyen-Orient ainsi que de l’Asie centrale depuis 2001 et 2003, avec l’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak. Jouant dans la surenchère rigoriste vis-à-vis des pétromonarchies du Golfe où Daech a longtemps trouvé ses soutiens, l’Etat Islamique reproduisait donc en plus barbare encore ce qui se pratique habituellement chez les partenaires stratégiques des impérialistes dans la péninsule arabique : exécutions, crucifixions, interdiction de toute interprétation jugée déviante de l’Islam sunnite et marginalisation systématique des communautés chiites, voilà ce qui fait le quotidien d’un pays comme l’Arabie saoudite où Donald Trump et les chefs d’Etat occidentaux sont très régulièrement accueillis.

Sur le plan du passé archéologique irakien et syrien, riche de plusieurs millénaires de civilisations sédimentées, la région étant l’un des berceaux de l’humanité, Daech s’est ainsi livré, au nom du Coran, à des destructions spectaculaires de sites remontant à la période pré-islamique, le plus célèbre étant celui de Palmyre. Daech a également surtout poursuivi, en sous-main, le trafic d’œuvres d’art pratiqué par la plupart des groupes syriens rebelles depuis 2011, comme source de financement, en complément du trafic d’hydrocarbure extrait des champs pétrolifères irakiens et syriens à destination de la Turquie.

Mais ces pratiques consistant à détruire les sites, à des fins de propagande ou non, et à se livrer au pillage systématique du patrimoine archéologique régional ont en réalité commencé au cours de la bataille de Bagdad, en avril 2003, alors que les chars Abrams de l’armée américaine étaient sur place. En 2011, des experts de l’Université de Chicago estimaient qu’une bonne partie des 12.500 sites archéologiques irakiens avaient été dévastés après l’invasion américaine et au coirs de la période d’occupation. Selon James Phillips, conservateur au Musée Field de Chicago, « l’anarchie et le pillage ont détruit 25 % des sites archéologiques dans le sud de l’Irak ».

Depuis 2014, en jouant la carte de la surenchère, Daech a complété ce triste scénario, utilisant autant les civils que les sites pré-islamiques, religieux voire même musulmans jugés non-conformes à l’interprétation du rigorisme orthodoxe de l’EI comme des instruments de propagande pour mettre en scène la radicalité sanguinaire du groupe.

La destruction de la grande mosquée de Mossoul et de son célèbre minaret n’est, en dernière instance, que le revers de la médaille de la dévastation de la région en cours depuis l’intervention américaine de 2003. En attendant, les impérialistes continuent à annoncer que les principaux bastions de Daech, Mossoul, en Irak, et Raqqa, en Syrie, sont sur le point de tomber aux mains des troupes iraquiennes et kurdo-syriennes qui leur servent de supplétifs, avec une efficacité toute relative. Pendant ce temps, ce sont des centaines de milliers de Syriens et d’Irakiens de toutes confessions et origines ethniques qui restent prisonniers d’une guerre internationale directe et par procuration qui n’est pas la leur. Quant à l’UNESCO, elle aura beau continuer à protester : tant que l’impérialisme aura la haute-main sur la situation, les sites archéologiques patrimoines de l’Humanité ne seront pas à l’abri.