Christophe Sirugue, en déplacement sur place, a confirmé aux syndicats l’activation du levier « commande publique » pour maintenir le niveau d’activité sur le site de Belfort. Il a ainsi rendu public l’accord réalisé avec l’entreprise Altsom : en échange d’une commande de 15 TGV et de 20 locomotives dépanneuses, entièrement financés par l’État, Alstom s’engagerait à maintenir l’activité du site et à réaliser des investissements à hauteur de 40 millions d’euros d’ici 2020… une échéance plutôt lointaine alors que la présidentielle arrive à grands pas.

Le coup de poker de la direction d’Alstom

Beau coup de poker pour Alstom qui n’a pourtant aucune raison de se plaindre. A l’échelle du groupe, le carnet de commande fait carton plein avec un contrat d’un montant de 1.8 milliards d’euros remporté récemment aux États-Unis et un chiffre d’affaire qui a grimpé de 7% sur le premier trimestre. Alors, face à un marché français plutôt morose, quoi de mieux que de jouer le coup de la fermeture d’un site à quelques mois de l’échéance présidentielle ? Et Alstom a gagné. Des locomotives et des rames de TGV entièrement financés par l’État, à 30 millions d’euros pièce, et affectées….sur le réseau Corail inter-cités.

Non pas que ce réseau inter-cités n’ait pas besoin de nouveaux investissements, et cela depuis bien avant le coup de pression de la direction d’Alstom. Mais pourquoi des rames TGV pouvant rouler à 300 km/heure, bien plus performantes mais aussi plus coûteuses, sur un réseau qui ne permet pas de dépasser les 100 km/heure ? La raison, l’obligation pour le réseau TGV de passer par un appel d’offre contrairement aux lignes régionales qui permettent de mener des commandes publiques sans recourir à la concurrence du marché. Et voilà comment nos deniers publics servent à subventionner une absurdité technique et une entreprise qui joue avec le sort de ses salariés.

Les 40 millions d’investissement auxquels s’engage Alstom ne pèsent pas lourd face aux plusieurs centaines de millions que lui rapportent les nouvelles commandes. Et alors que le premier rapport sur le Crédit d’Impôt Compétitivité (28.7 milliards d’euros de crédit d’impôt pour les entreprises pour 2013 et 2014, soit autant de moins dans les caisses publiques, en échange de la promesse de création d’un million d’emploi) révèle un bilan quasiment sans résultat, qui pourrait encore croire les belles promesses du patronat ?

Éviter un nouveau Florange

Ce que le gouvernement souhaite éviter à tout prix, c’est un nouveau Florange à quelques mois de l’échéance présidentielle qui pourrait lui enlever définitivement toutes ses chances de passer au second tour. Ce dernier ne s’engage pas tant dans une opération sauvetage de l’emploi que de ses propres sondages. Au-delà de l’échéance 2017, il y a fort à craindre d’un retour de bâton et de la remise au goût du jour de la fermeture du site de Belfort.

En attendant, les mesures provisoires de maintien de l’emploi sur le site de Belfort doivent permettre aux salariés de gagner du temps pour s’organiser et préparer la riposte face à ceux qui jouent avec leurs nerfs et leur gagne-pain. Ne pas céder au chantage du silence, mais lutter pour la nationalisation sous contrôle ouvrier d’Alstom, et la prise en main de l’outil de production, seule à même d’offrir une réponse de fond à la préservation de la santé des salariés soumis à des situations de stress invraisemblable et d’assurer la pérennité des emplois sur le site.