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Journée de mobilisation nationale

Argentine : portées et limites d’une grève imposante

Ruth Werner La grève s'est fait sentir dans tout le pays, même si c'est à des degrés inégaux. Le secteur du transport a joué un rôle central, de même que les piquets où l'extrême-gauche et les secteurs combatifs ont porté, de façon indépendante, les revendications de tous les travailleurs

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Tout comme le 31 mars dernier, la grève nationale du 9 juin a été convoquée par la Confédération des Transports. La Confédération, qui dirige l’opposition syndicale, avait demandé aux cinq autres centrales syndicales du pays de se joindre à l’appel. La réponse positive de la CGT d’opposition, de la CGT pro-gouvernementale et de la CTA autonome ont transformé l’appel en une journée de grève nationale.

Comme l’a rapporté Izquierda Diario, presque tout le pays a été paralysé. Il suffisait de sortir de chez soi à Buenos Aires pour voir une ville qui semblait vide. La grève dans le transport et les piquets de grève organisés par l’extrême-gauche et les secteurs syndicaux combatifs ont été clefs pour que cette image se répète partout dans le pays. Ni les trains, ni les avions, ni les bus, ni le métro n’ont circulé. Les salariés de la restauration ne sont pas allés travailler non plus. Les transporteurs ont paralysé le fret, le transport des fonds bancaires, le ramassage d’ordures et le transport de biens de consommation.

La grève a fortement touché le secteur de la Santé (surtout en province de Buenos Aires), où leur syndicat a un grand poids, et dans des secteurs de l’administration publique régionale et nationale. La grève a également été suivie par les enseignants dans des villes comme Rosario, La Plata, Entre Rios, avec un rôle important des SUTEBA d’opposition (syndicat d’enseignants). Dans plusieurs villes il y a eu des piquets pour garantir que les salariés affiliés aux syndicats pro-gouvernementaux et les travailleurs précaires puissent participer à la grève.

Les piquets les plus nombreux ont été au Nord et au Sud de la ville de Buenos Aires. Les blocages d’autoroutes ont eu lieu également à Cordoba, Mendoza, Rosario, Neuquén, La Plata, Bahia Blanca, Jujuy, Tucuman et Paraná.

Au moment d’évaluer la grève, Hugo Moyano, principal dirigeant de la CGT d’opposition au gouvernement, a déclaré qu’elle avait été « très suivie », et qu’elle a montré le « mécontentement » des travailleurs « avec les politiques du gouvernement national ». Mais, malgré sa portée, la cinquième grève nationale sous le gouvernement de Cristina Kirchner a été moins forte que celle du 31 mars dernier. A cette occasion des secteurs plus nombreux de l’industrie ont adhéré à la grève. L’UOM (puissant syndicat du secteur métallurgique) avait laissé l’idée que participer à la grève permet de gagner la base. De même, lors de cette grève, le Syndicat de l’alimentaire et des banques avait appelé à la mobilisation.

Pourtant, malgré ses limites, de nombreux travailleurs ont profité de la grève des transports pour ne pas se rendre au travail. Plusieurs personnes ont expliqué à Izquierda Diario que dans certaines entreprises, où les syndicats n’appelaient pas à la mobilisation, seulement 15 ou 20% des salariés s’étaient présentés sur les lieux de travail, empêchant la production de démarrer, comme dans les usines de la Zone Nord ou Ouest de Buenos Aires.

Les usines de l’Alimentaire comme Kraft ou Pepsico, où l’opposition à Rodolfo Daer (bureaucrate du syndicat de la branche) a un certain poids, ont été à l’arrêt. A FATE (usine de pneumatiques), la grève a été suivie, alors que la direction de la CTA pro-gouvernementale n’a pas appelé à arrêter le travail. A Volkswagen, seulement 50% des travailleurs se sont rendus sur place, donc il n’y a pas eu de production. A Lear, sous-traitant de l’automobile, le taux de grévistes atteignait 50%.

Les « drapeaux » de la bureaucratie syndicale

La grève a donc été un succès, malgré le manque de préparation de la part des bureaucraties syndicales qui y avaient appelé. En effet, la grève a été appelée alors que plusieurs syndicats de branche avaient déjà signé des augmentations de salaires lors des négociations annuelle obligatoires aux taux prévus par le gouvernement. Par ailleurs, deux syndicats clés (du point de vue de la conflictualité sociale), celui des travailleurs du secteur de l’huile et des banques, ont annulé leur participation à la grève après avoir obtenu de la part du gouvernement et du patronat, et après une dure lutte, des augmentations de salaires de plus de 27%. La bureaucratie syndicale n’a pas organisé des assemblées pour décider de la grève, tandis que l’UTA (syndicat des travailleurs du transport) a hésité jusqu’à la dernière minute sur sa participation à la grève.

La force de celle-ci a été donnée par les travailleurs qui savaient pourquoi ils la faisaient, en participant aux piquets ou par l’absentéisme. L’inflation, le gel des salaires, les petites retraites, le travail au noir ou la précarité, ont été des raisons suffisantes pour faire grève.

Les conflits ouvriers du moment (WorldColor, Cresta Roja ou Coca-Cola Femsa) ont été les grands absents des discours de la bureaucratie syndicale. Ce n’est pas étonnant car elle cherche avant tout à peser sur le futur successeur de Cristina Kirchner. Depuis le 31 mars ils sont présents dans les bureaux des politiciens pro-patronaux.

Du côté du syndicalisme de base et de l’extrême-gauche

Les organisations de l’extrême-gauche et le syndicalisme combatif ont été très présents dans les piquets. Notamment dans celui de l’autoroute Panamericana, où le PTS (Parti des Travailleurs Socialistes, l’un des principales composantes du Front des Travailleurs et de la Gauche - FIT) était présent avec des délégations de Worldcolor, de l’ex-Donnelley, de Lear, Kraft, Pepsico, Cadbury, Printpack, Siderc, etc.

Rubén Matu, délégué syndical à Lear et membre du PTS, a déclaré que dans ce piquet étaient présents “les travailleurs des principales luttes du moment” pour “porter une voix indépendante des directions syndicales qui convoquaient à la grève. Pour lutter contre l’impôt sur le salaire, contre le gel des salaires, la précarité et pour les droits des femmes.”

Le député national du PTS Nicolás Del Caño était également présent dans le piquet de grève. Il a quant à lui déclaré : “Nous sommes allés sur la Panamericana avec les travailleurs en lutte, comme à chaque fois, parce qu’ils restent invisibles pour les directions qui ont appelé à la grève nationale”.

10/06/15

10/06/15


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