Il espérait que la cour lui octroie entre 516 millions et 1,174 milliard d’euros, mais c’est bel et bien Bernard Tapie qui a été condamné ce jeudi à rembourser « la somme de 404.623.082,54 euros » qu’il avait obtenu en 2008 pour mettre un terme à son litige l’opposant au crédit lyonnais lors de la vente d’Adidas en 1994. L’homme d’affaire devra, en outre, rembourser les coûts de la procédure. Au début de l’année, la décision du tribunal d’arbitrage privé avait été suspendue, car soupçonné comme étant frauduleuse.

Une affaire d’Etat

Proche de Nicolas Sarkozy, Bernard Tapie avait bénéficié, à l’époque, de la "clémence" de l’Etat français. En effet, Christine Lagarde, ministre sous Sarkozy, avait décidé de ne pas contester cette sentence arbitrale, jugeant que les chances de succès étaient très faibles. Une prise de position qui avait fait jaser à l’époque, aussi bien au sein de l’opposition politique que dans les médias, et l’ensemble de la société. En indiquant via un communiqué que les demandes présentées par le Groupe Bernard Tapie étaient "irrecevables" et que la SDBO et Clinvest", les deux filiales du Crédit lyonnais, publiques en 2008, visées par l’homme d’affaires, "n’ont pas commis les fautes qui leur sont reprochées", la cour d’appel de Paris vient de remettre sur le devant de la scène une affaire d’Etat qui témoigne de la véritable nature de ce dernier : être au service des intérêts privés des classes dominantes.

A première vue, la décision de la cour d’appel de Paris pourrait faire croire que la justice bourgeoise a été à la hauteur de la situation, et qu’elle est capable de sanctionner les petites magouilles entre amis jusqu’au sommet de l’Etat. Pourtant, de nombreuses zones d’ombres viennent ternir cet idyllique tableau. Tout d’abord, cette affaire qui traine depuis plus de 20 ans est avant tout une histoire aux multiples tiroirs, dont les fonds son tous plus crades les uns que les autres. Si la boite de pandore s’ouvre complètement, il y a fort à parier que de nombreux acteurs du dossier se trouveront dans une situation plus qu’inconfortable, que ce soient des responsables politiques, des représentants judiciaires, ou des grands groupes capitalistes. De plus, cette décision a été rendue sans qu’aucun élément nouveau n’ait été avancé. Dès lors, il convient de savoir quelles ont été les données changeantes de la situation. En ce sens, c’est probablement l’élection d’un gouvernement PS à la tête de l’Etat qui a changé la donne, ce qui en dit long sur la soi-disant indépendance de la justice ...

Si personne, au sein des classes laborieuses, n’ira pleurer un Bernard Tapie fauché, il serait faux de penser que le dénouement de cette affaire ait juste fait tomber un escroc ayant floué l’ensemble de la classe politique, la justice et, au final, l’ensemble de la société. Le vieux briscard n’est toutefois pas totalement mort, puisqu’un pourvoi en cassation sera très certainement saisi. Dans cette affaire, Tapie a tous les traits d’un bouc émissaire qui, certes, a su tirer profit de cette affaire mais dont la condamnation ne sert que d’écran de fumée pour cacher la réelle nature de l’Etat et de la justice bourgeoise. A savoir être au service des intérêts privés, dans une posture diamétralement opposé à celle que l’on nous inculque aux travers des valeurs républicaines qui voudrait que l’Etat et la justice soit les arbitres impartiaux pour réguler équitablement les antagonismes de classes.