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Campagne de haine. L’extrême-droite diffuse un tract transphobe à Villeneuve d’Ascq

En pleine offensive contre les droits trans dans les écoles, l’association d’extrême-droite SOS Education a diffusé dans les boites aux lettre de Villeneuve d’Ascq, près de Lille, un tract de 8 pages contre « l’idéologie trans » dans les écoles. L’association tente d’instaurer une panique morale auprès des parents d’élèves en plein climat réactionnaire dans l’éducation nationale.

Benoit Barnett

7 novembre 2023

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Campagne de haine. L'extrême-droite diffuse un tract transphobe à Villeneuve d'Ascq

Crédits Photo : O Phil Des Contrastes

Fin octobre, les habitants de la ville de Villeneuve d’Ascq ont reçu dans leur boite aux lettres un tract de 8 pages signé par SOS « Éducation intitulé « Non à l’idéologie transgenre à l’école ». Ce tract fait suite à la pétition lancée par l’association contre « l’idéologie transgenre à l’école » et explique la menace d’un supposé « lobby LGBT+ » et parle de la dysphorie de genre comme d’une « maladie » qui se « répand par contagion sociale ». S’adressant directement aux parents d’élèves, SOS Éducation tente, par le biais de ce tissus de mensonges, de déclencher une panique morale contre l’éducation sexuelle ainsi que la lutte contre l’homophobie et la transphobie au sein de l’école.

Comme le dénoncent plusieurs associations, syndicats et organisations politiques dans un communiqué publié par OST Lille (Organisation de Solidarité Trans) : «  Ce tract dépeint nos réalités matérielles comme résultant d’une idéologique politique de notre propre fait ou d’une épidémie. Nos transitions présenteraient des « risques ». Mais les principaux risques auxquels nous devons faire face quotidiennement sont la transphobie de l’ensemble des structures étatiques, administratives, scolaires etc… des violences qu’occasionnent les discours tels que ceux de SOS éducation (SOS Homophobie recense une augmentation continue d’actes transphobes) et les pénuries d’hormones parce que les industries pharmaceutiques se moquent de notre sort. »

Ce tract a aussi été dénoncés par l’association HES LGBTI+ ainsi que par des élus socialistes et a fait l’objet d’un signalement au parquet de Lille.

SOS éducation, Parents Vigilants en alliance avec Eric Zemmour et Marion Maréchal Lepen dans un front transphobe contre la santé et l’éducation des personnes trans

En se basant sur la mise en place de la circulaire Blanquer, qui a donné un cadre légal à l’accueil des élèves trans dans les établissements scolaires bien que de façon très conservatrice en rendant nécessaire l’accord des deux parents pour changer de prénom sur les listes d’appel internes à l’établissement, alors qu’en réalité très peu de mineurs trans sont soutenus par leurs parents, et qu’une proportion conséquente subit des violences intra-familiales , SOS Éducation parle de « scandale sanitaire » pour désigner ces mêmes mineurs transgenres et les parcours de transition médicalisés. Créée en 2001, l’association s’est fait connaître par un discours dénonçant et visant à s’opposer à l’influence des syndicats et de la gauche dans l’éducation nationale et qui, selon Emmanuel Davidenkoff, qui a écrit sur le sujet en 2003, se situe à l’extrême-droite avec la présence en son sein dès sa création de lien avec le Front National (aujourd’hui Rassemblement National).

Aujourd’hui, la parenté de SOS éducation avec les cercles d’extrême-droite est encore très visible. Le week-end dernier, SOS Éducation, a participé, aux côtés d’Éric Zemmour et de Marion Maréchal Le Pen au colloque organisé par le réseau Parents Vigilants au Sénat samedi dernier, un réseau de parents cherchant à porter leurs idées d’extrême-droite au sein des conseils d’école. Avec l’aide de Stéphane Ravier, sénateur Reconquête des Bouches-du-Rhône, ce groupe de parents a tenu plusieurs tables rondes comme celle « contre le grand endoctrinement à l’école et à l’université », thème favori de ceux qui imaginent une conspiration entre « le lobby islamiste, le lobby LGBT ou le lobby immigrationiste » et le gouvernement.

Au contraire, c’est bien avec la complicité du gouvernement, qui laisse ce colloque se tenir dans l’enceinte du Sénat, après que le précédent ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer ait organisé un colloque à la Sorbonne sur le « wokisme », et que le gouvernement ait lui-même mené plusieurs offensives réactionnaires dans l’éducation depuis la rentrée, de l’interdiction du port de l’abaya au climat sécuritaire instauré à la suite de l’assassinat de Dominique Bernard, que SOS Éducation, Parents Vigilants, Zemmour et Lepen, et toute l’extrême-droite peuvent avancer leurs positions toujours plus ouvertement.

Contre l’offensive transphobe et islamophobe dans les écoles, organisons-nous !

SOS Education prétend dans son tract l’existence d’un lobby LGBT qui tirerait les ficelles derrière le ministère de l’éducation. Il s’agit d’une pure thèse conspirationniste typique des discours d’extrême-droite. Au contraire, l’éducation nationale souffre bien davantage du manque de moyens, d’une pénurie d’enseignements et d’une absence quasi-totale des séances d’éducation à la vie affective et sexuelle prévues par la loi qui permettraient de prévenir les harcèlements scolaires, homophobes, sexistes ou racistes.

Par ces discours, l’extrême-droite cherche avant-tout à importer en Europe les offensives que nous voyons se dérouler Outre-Atlantique contre les droits des femmes et des LGBTI+, qui sont désormais un des principaux canaux de recrutement de l’extrême-droite dans certains pays. On a eu un exemple de la coordination et des débats au sein de l’extrême-droite internationale lors du Sommet Démographique tenu à Budapest en septembre dernier, dans lequel Giorgia Meloni, Viktor Orban, Mike Pence et d’autres ont échangé sur leurs stratégies pour restreindre le droit à l’avortement. C’est aussi dans cette lignée que s’inscrit Marion-Maréchal Le Pen qui défendait, 10 ans après l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, que celui-ci « ouvre la voie à de très nombreuses dérives » ou encore l’importation de loi « Don’t say gay » américaine qui interdit les mentions au genre ou à la sexualité dans les écoles. Les alliances incongrues que l’on a pu voir émerger en Belgique contre la loi EVRAS, qui proposait de mettre en place une éducation au genre et à la sexualité dans les écoles, regroupant des catholiques traditionalistes, quelques associations musulmanes et des secteurs complotistes/anti-vax sont un autre signe que l’extrême-droite peut mobiliser sur les questions de genre, très souvent en agitant des paniques morales concernant la « protection des enfants ».

Pourtant, l’idée de « protection des enfants » dont se revendiquent ces groupes réactionnaires jette en réalité sous les roues du camion une bonne partie des enfants en refusant consciemment de traiter les oppressions et les violences que ces derniers subissent, participant ainsi à l’augmentation des cas de harcèlement et l’isolement face aux violences auxquelles font face les enfants. Contre l’extension des politiques transphobes et racistes dans l’éducation, il faut construire une mobilisation en soutien aux travailleurs de l’éducation attaqués par ces offensives et porter un programme qui articule la nécessité d’une éducation affective et sexuelle, à la lutte contre la casse de l’éducation nationale, au moyen de recrutement massifs, d’augmentations générales des salaires et des moyens dans les services publics, conditions nécessaires pour que les travailleurs de l’éducation puissent lutter contre les violences et les discriminations que subissent les élèves dans leur parcours scolaire.

A mesure que la crise sociale et économique s’approfondit, que le gouvernement tente à renforcer la présence policière et militaire dans les écoles et que l’extrême-droite tente de rallier un front réactionnaire toujours plus large pour s’immiscer dans les écoles, nous devons répondre par un mouvement d’ensemble pour imposer une autre issue à la crise. A commencer par la participation des organisations politiques et syndicales dans les prochains rassemblements féministes et LGBTI+ à l’image du 20 novembre prochain, jour du souvenir trans ou du 25 novembre, journée de lutte contre les violences faites aux femmes en portant ces revendications face au gouvernement et à l’extrême-droite.


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