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Droit à l'avortement

Constitutionnalisation de l’IVG : la défense de l’avortement dépendra de nos luttes

Après un interminable parcours législatif initié en 2022, les sénateurs ont voté l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Si les sénateurs se sont félicités de cette « décision historique », elle ne protégera pas définitivement le droit à l’avortement, toujours plus attaqué dans les faits par les offensives de la macronie.

Sasha Yaropolskaya

28 février

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Constitutionnalisation de l'IVG : la défense de l'avortement dépendra de nos luttes

Crédit photo : Capture d’écran, Public Sénat

Ça y est, l’inscription de l’IVG dans la Constitution semble chose faite ou presque : mercredi soir, le Sénat a voté un texte conforme à la version adoptée le 24 janvier par les députés à l’Assemblée nationale. Ce vote ouvre la voie à l’adoption définitive du texte par les deux chambres, qui se réuniront en congrès à Versailles lundi 4 mars. Alors que ce dernier vote devrait être une formalité, la dernière ligne droite de cette réforme constitutionnelle, proposée en novembre 2022 suite à la décision de la Cour suprême états-unienne de révoquer le droit fédéral à l’IVG se rapproche.

Dans un contexte de regain des manifestations contre l’avortement, de montée de la rhétorique anti-IVG dans les médias réactionnaires et du renforcement de l’extrême droite à l’échelle internationale, l’inscription de l’IVG dans la Constitution se veut être une première réponse « rassurante » des législateurs. Initialement proposée par LFI, cette inscription symbolique sert surtout le « en même temps » du macronisme, qui souhaite envoyer un signal fort à la veille du 8 mars.

Pour Macron, qui aime les coups d’éclat, l’occasion de faire de la France le premier pays du monde à graver ce droit fondamental « dans le marbre » était trop belle. Habitué à adopter à grand renfort de 49.3 des lois allant contre la volonté de la majorité comme la réforme des retraites, le gouvernement souhaitait, pour changer, une mesure populaire, soutenue par plus de 80% de la population selon les sondages.

Ce large soutien de la société est facile à comprendre. Cinquante ans après l’obtention du droit à l’IVG par le mouvement féministe français, les reculs inquiétants se multiplient à l’international : Hongrie, Pologne, Etats-Unis, Russie, Italie… Ces dernières années ont montré que le droit à l’avortement n’était pas un acquis définitif et que des régimes réactionnaires pouvaient toujours revenir dessus pour des motifs idéologiques ou économiques.

En France aussi les droits reproductifs sont menacés : par les attaques de l’extrême droite contre le Planning familial, mais aussi et surtout par les politiques des gouvernements successifs qui ont conduit à la fermeture de 130 centres IVG et de centaines de maternités ces 15 dernières années. A coup de casse des services publics, le macronisme, la droite et la gauche institutionnelle ont tous contribué tour à tour à l’érosion de l’accès à l’IVG. Ce droit fondamental qui existe sur le papier, mais qui n’est pas toujours assuré en réalité, du fait du manque de moyens et de la désertification médicale toujours plus importante.

Pourtant, aujourd’hui les mêmes groupes se félicitent d’une « avancée historique », d’un « signal fort », d’un « message important » envoyé par l’hémicycle aux femmes du monde entier. Oui, cette mesure est un symbole, mais détrompons-nous : elle n’est rien de plus. Elle vise à ériger une barrière, là encore symbolique, sur le chemin de toute formation politique souhaitant révoquer le droit à l’avortement en France. Mais cette barrière n’est pas infranchissable et un chef d’État disposant d’une large majorité dans les deux chambres pourra à nouveau réviser la Constitution pour supprimer cet article.

A trois mois des élections européennes, l’inscription du droit à l’IVG est surtout un coup politique et médiatique de la macronie pour se démarquer politiquement de l’extrême-droite et revivifier le « barrage républicain ». Si l’avortement et d’autres droits reproductifs sont, en effet, en péril, leur inscription dans la constitution est un changement cosmétique qui ne saurait dissimuler l’ampleur des dégâts qui leur ont été infligés par des décennies de politiques austéritaires.

Le même gouvernement qui prône la stérilisation des femmes à Mayotte et parle de réarmement démographique prétend aujourd’hui écrire « une nouvelle page dans l’histoire des droits des femmes » pour citer le Garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti. Cette imposture féministe d’un pouvoir détesté et réactionnaire doit être un encouragement de plus à nous mobiliser massivement, et à faire grève le 8 mars, pour la défense d’un droit à l’avortement effectif et gratuit, contre l’extrême droite et le gouvernement qui lui pave la voie.


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