×

Brexit

Déclarations de Theresa May : vers un Brexit pur et dur ?

Alexandra Dubois Le lendemain des déclarations houleuses de Donald Trump à l’égard de l’Union Européene, Theresa May dévoile, dans un discours très attendu, les traits principaux de sa vision du Brexit. Sortie du marché unique, contrôle de l'immigration, nouveaux accords douaniers... vers un Brexit pur et dur ?

Facebook Twitter

Dans un discours prononcé à Lancaster House, Londres, la Première ministre britannique a détaillé ce 17 janvier sa feuille de route pour la sortie du pays de l’Union européenne.

Theresa May a annoncé un déclenchement de la procédure de divorce d’ici fin mars, ce qui ouvrira une période d’au moins deux ans de négociations avec les pays de l’Union. Une fois les négociations de sortie de l’Union européenne conclues, leur résultat sera soumis au Parlement. C’est ce dernier qui se prononcera par un vote. Cet engagement de May a aidé, selon plusieurs analystes, à faire remonter la livre britannique, placée sous pression ces derniers mois à cause de l’incertitude politique régnante.

Finir avec la libre-circulation des travailleurs européens

Selon l’Office of national statistics, équivalent de l’INSEE, environ 830 000 Polonais résident au Royaume-Uni aujourd’hui, contre 58 000 en 2001. Mais aussi 286 000 Allemands, 162 000 Italiens, 153 000 Français, 140 000 Portugais, 125 000 Espagnols… La priorité numéro un de Londres sera, selon l’a déclaré Theresa May dans son discours, la maîtrise de l’immigration européenne. La réalité est que les questions de migration servent à dévier les vraies inquiétudes de classes populaires (chômage, dégradation des conditions de vie et de travail, etc.) vers la haine contre les étrangers, accusés de « voler » le travail et d’être responsables des souffrances des travailleurs et des masses. C’est une technique qui ne date pas d’hier, mais qui se montre toujours comme un outil aux capitalistes pour diviser les exploités. Une belle illustration de vraies problématiques qui touchent à la société britannique est le dernier film de Ken Loach, "Moi, Daniel Blake", qui montre la détresse d’un travailleur poussé au suicide par le système.

Sortir du marché unique

Près de sept mois après le vote surprise pour une sortie de l’Union européenne, Theresa May a annoncé dans son plan une sortie du marché unique européen, qui représente 500 millions de consommateurs. En même temps, elle a réclamé un accord de libre-échange « global, audacieux et ambitieux » avec Bruxelles, alors que 44 % des exportations britanniques sont allées vers le continent européen en 2015. Toutefois, la Première ministre a prôné pour une sortie « par étapes » afin d’éviter un changement trop brutal.

Elle a annoncé également la sortie du RoyaumeUni de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’union douanière, en affirmant « Je ne veux pas que le RoyaumeUni soit membre de la politique commerciale commune [de l’UE] et je ne veux pas que nous soyons liés aux tarifs extérieurs communs. Ce sont des éléments de l’union douanière qui nous empêcheraient de conclure nos propres accords commerciaux avec d’autres pays. Mais je veux que nous ayons un accord douanier avec l’UE. » En effet, d’une part, quitter le marché unique laisse les mains libres à la possibilité de devenir un allié privilégié du nouveau locataire de la maison Blanche, ouvrant ainsi de nouveaux horizons à cette vieille puissance britannique. D’autre part, les accords avec l’UE permettraient, par exemple, de réaliser les rêves de la City : conserver son accès privilégié au continent. La question du passeport européen y est centrale, c’est lui qui permet aux banques étrangères installées à Londres de vendre leurs services dans toute l’Union. « Cet Accord peut reprendre des éléments de l’actuel Marché unique dans certains domaines - par exemple l’exportation de voitures et de camions ou la liberté de fournir des services financiers au-delà des frontières nationales ».

Les « exemples » choisis par Theresa May sont particulièrement éloquents du positionnement du Royaume-Uni dans les négociations. Car, face à la City londonienne, l’industrie automobile est au moins aussi vitale à l’économie allemande. Volkswagen, BMW, Mercedes, Porsche, ou Opel, représentent près de 40% de ses exportations, et emploi près d’un salarié sur sept. Or, le Royaume-Uni est le premier client à l’export de l’Allemagne (14%).{{}}

Faire valoir la puissance militaire britannique lors de négociations

A la fin de son discours, et en prévenant tous ceux qui veulent « punir » le Royaume-Uni, Theresa May a lancé : « Pas d’accord avec l’UE sera préférable à un mauvais accord ». Cela sert à réaffirmer un certain positionnement lors de négociations de sortie de l’Union. Et pour renforcer sa position lors de futures négociations, la première ministre a rappelé qu’Il n’y a pas de défense européenne qui vaille sans la Grande-Bretagne. « La Grande-Bretagne et la France sont les deux seules puissances nucléaires d’Europe. Nous sommes les deux seuls pays européens dotés d’un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Les forces armées britanniques sont un élément crucial de la défense collective de l’Europe. » En effet, l’armée britannique bénéficie du premier budget militaire européen (52,4 milliards d’euros en 2015), devant la France (43,7 milliards), et l’Allemagne (34,2 milliards).

Cet aspect du Brexit est moins mis en avant que les accords commerciaux et l’immigration, mais il est pourtant tout aussi important. D’autant plus le lendemain des déclarations de Donald Trump fustigeant l’OTAN et l’Union Européenne. Rappeler la fragilité militaire de la principale puissance économique européenne, l’Allemagne, qui, à différence du Royaume-Uni et de la France, ne compte pas d’arme nucléaire ni d’une armée de pointe, laisse entrevoir que des nouvelles alliances stratégiques pourraient être en train de se construire. En tout cas, on ne peut que remarquer une importante fluidité géopolitique, un changement qui est en train de s’opérer dans les rapports entre les principales puissances impérialistes. Jusqu’à quel point le Brexit sera plus ou moins « hard » est une question qui reste, à l’heure actuelle, ouverte. Ce qui est évident est que les anciens équilibres géopolitiques sont en train de se déséquilibrer.


Facebook Twitter
Netanyahou compare les étudiants américains pro-Palestine aux nazis dans les années 1930

Netanyahou compare les étudiants américains pro-Palestine aux nazis dans les années 1930

Etats-Unis : la mobilisation de la jeunesse étudiante attise les difficultés de Biden

Etats-Unis : la mobilisation de la jeunesse étudiante attise les difficultés de Biden

Du Vietnam à la Palestine ? En 1968, l'occupation de Columbia enflammait les campus américains

Du Vietnam à la Palestine ? En 1968, l’occupation de Columbia enflammait les campus américains

Hongrie : 4 antifascistes menacés de jusqu'à 24 ans de prison ferme pour leur lutte contre des néo-nazis

Hongrie : 4 antifascistes menacés de jusqu’à 24 ans de prison ferme pour leur lutte contre des néo-nazis

Mumia Abu Jamal, plus vieux prisonnier politique du monde, fête ses 70 ans dans les prisons américaines

Mumia Abu Jamal, plus vieux prisonnier politique du monde, fête ses 70 ans dans les prisons américaines

Surenchère xénophobe : La déportation des migrants vers le Rwanda adoptée au Royaume-Uni

Surenchère xénophobe : La déportation des migrants vers le Rwanda adoptée au Royaume-Uni

Argentine : 1 million de personnes dans les rues pour défendre l'université publique contre Milei

Argentine : 1 million de personnes dans les rues pour défendre l’université publique contre Milei

États-Unis. L'université de Columbia menace d'envoyer l'armée pour réprimer les étudiants pro-Palestine

États-Unis. L’université de Columbia menace d’envoyer l’armée pour réprimer les étudiants pro-Palestine