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États-Unis

Donald Trump à la présidence : la division de l’élite et les facteurs de son pouvoir

Le nouveau président devra faire face non seulement à une polarisation et une division par le bas mais également à une inédite division au sommet du pouvoir. Juan Chingo

Juan Chingo

25 janvier 2017

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Lors des élections présidentielles, nous avons pointé la forte division de la classe dominante Nord-Américaine. La majorité a appuyé Hilary Clinton, candidate favorite des factions politiques et des entreprises corporatives, tandis que c’est la faction militaire que s’est unie autour de Trump.

Cela ne signifie cependant pas que l’élite corporative est monolithique. Par exemple, l’industrie pétrolière n’apprécie pas que les guerres ou tensions géopolitiques perturbent ses marchés sur le long terme (comme en Russie ou en Libye). Boeing veut vendre ses avions à l’Iran. D’un autre côté, une partie importante des multinationales qui bénéficiaient de la segmentation du processus de production au niveau mondial ne se préoccupent pas de ces guerres et manœuvres géopolitiques, surtout lorsqu’ils permettent de créer des nouveaux marchés ou s’ils facilitent le recours à une main d’œuvre bon marché.
Pour le moment, Trump a réussi à contenir ce secteur de la classe dominante par la menace ou grâce à des promesses de juteux marchés. La première méthode est appliquée à l’industrie automobile Nord-Américaine mais également mondiale (Toyota, BMW,...), menacée de se voir briser ses principales chaînes de production à l’étranger elle s’est donc disposée à jouer le jeu de la production nationale du nouveau président.
D’un autre côté, tandis que la baisse des taxes sur les sociétés est un élément central du protectionnisme renforcé de la « trumpeconomics », il n’en demeure pas moins lié à un troisième : la dérégulation des finances qui promet d’importantes dividendes aux banques Nord-Américaines, comme cela s’est vu au cours de ce troisième trimestre. Les requins de la finance ont en effet obtenu d’importants profits.
En liquidant les obstacles de la régulation imposée au secteur financier depuis la crise de 2007/2008, Trump cherche à donner un meilleur avantage au secteur financier Nord-Américain qui se prépare à capter les capitaux et les économies des foyers, avantages encore augmentés par la baisse des impôts et la promesse de forts rendements extra-ordinaires.
A la division au sein des marchés s’ajoute la division politique inévitable lors des élections et à posteriori, qui est la marque de la bataille qui fait rage entre le secteur néo-conservateur, démocrate et interventionniste au plan militaire (le mal nommé « humanitaire ») et les secteurs réalistes en matière de politique extérieure. Le premier camp est représenté par la CIA et le second par l’armée. La défaite d’Hillary Clinton est aussi celle du secteur qui, après le fiasco des opérations militaires en Irak et en Afghanistan de l’ère Bush, menait les opérations belliqueuses de l’impérialisme Nord-Américain.
C’est pourquoi, durant quasiment six ans, la CIA a participé à une campagne pour un changement de régime, au financement et à l’armement de milices fondamentalistes islamiques avec l’objectif de défaire le président syrien, Bachar al-Assad, l’unique allié de la Russie au Moyen-Orient. En 2013, les déclarations truquées sur le fait que le gouvernement syrien avait mené des attaques avec des armes chimiques sont utilisées comme prétexte pour lancer une guerre aérienne à grande échelle contre Assad.
Face à l’opposition populaire aux États-Unis, aux divisions au sein de l’establishment militaire et à l’opposition des alliés de Washington au sein de l’OTAN, à l’exception de la France, l’ancien président Obama a stoppé l’agression aérienne au dernier moment.

Il ne fait aucun doute que les négociations étaient en marche entre la campagne de Clinton et l’administration Obama, avec un programme très avancé, en faveur d’une escalade militaire massive des États-Unis en Syrie qui serait lancée après la victoire électorale espérée de la candidate démocrate et grâce à l’appui public des secteurs dominants de l’establishment intellectuel. Durant la campagne, Clinton demandait régulièrement la mise en place de « zones d’exclusion aérienne » et autres mesures qui portaient le risque direct d’un conflit militaire avec les forces russes qui opèrent en Syrie. Cette politique belliqueuse envers la Russie avait pour autre focus l’Ukraine, où la participation de la CIA est monnaie courante.

Le chaotique passage de pouvoir montre que le conflit entre Trump et la United States Intelligence Community (communauté de services de renseignement des Etats-Unis) s’envenime. Le premier a publiquement dénoncé les évaluations de la seconde sur le hacker russe, et cette dernière a fabriqué un faux dossier sur de supposées relations entre Trump et des prostituées en Russie, faisant état d’un honteux épisode de « golden shower ». Même si l’histoire est peu solide, elle se veut être un avertissement pour montrer que le scénario est écrit et dicté par les forces de l’establishment et non par Trump. Celui-ci n’a toujours pas trouvé de compromis avec ce secteur profondément ancré dans l’État Nord-Américain.

Alors que les militaires ont obtenu trois postes dans le nouveau cabinet et espèrent être récompensés à la mesure de ces positions acquises, la United States Intelligence Community (IC) est la fraction la moins convaincue par la nouvelle vision des priorités de la politique extérieure Nord-Américaine. Tandis que Trump donne dans la rhétorique du conflit contre plusieurs pays étrangers, il reste néanmoins prudent pour ne pas déclencher de guerre sérieuse (une question que les militaires apprécient tout particulièrement), alors même que les militaires et la puissante industrie d’armement espèrent de concert le lancement d’une inutile arme de génie militaire pour laquelle Trump a promis des millions.

Au contraire, pour les neo-conservateurs et la United States Intelligence Community (IC), le rejet de la doctrine de la « promotion de la démocratie », au cœur du programme de politique extérieure de Trump, est un véritable camouflet.

Des suites de l’abandon de la médiocre politique extérieure des dernières années et de ses implications géopolitiques, qui a connu son plus fort revers en Syrie, pour la première fois dans un conflit régional, les États-Unis sont mis sur le banc de touche d’une résolution, comme l’ont montré les accords entre la Russie, la Turquie et l’Iran. L’agenda du nouveau président se dirige vers un décisif unilatéralisme économique qui ne manquera pas de générer d’énormes conflits externes spécialement avec la Chine et l’Allemagne mais risque aussi d’exacerber les disputes déjà à l’œuvre à l’intérieur de la classe dominante Nord-Américaine.

Trad : E.D.


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Juan Chingo

@JuanChingo
Journaliste

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