Depuis mardi 12 septembre, une quarantaine de compagnons d’Emmaüs Tourcoing se sont mis en grève pour de meilleures conditions de travail, la dignité et pour des augmentations de salaires. Achraf Yassir, 32 ans, travailleur marocain et nommé porte-parole de la grève, travaille depuis février 2021 sur le site. « Depuis plusieurs années, la direction nous a menti sur nos dossiers de régularisation. On travaille dans des conditions terribles, les salles de repos n’ont même pas de fenêtres, les salles de restauration sont remplies de rats et nous sommes sous-payés » raconte-t-il.

« On est des travailleurs, mais sans contrat de travail. Nos droits sont bafoués », dénonce Achraf. Il revendique la régularisation de tous les compagnons sans-papiers, dont certains attendent depuis 11 ans leur régularisation, la fin de l’insalubrité dans les logements et salles de travail, et des augmentations de salaires au moins à la hauteur du Smic. « Pour 40 heures travaillées par semaine, on est payés à peine la moitié du Smic. Le calcul est simple ; on travaille pour 10 euros par jour », explique le compagnon, un statut propre à Emmaüs qui n’est pas encadré par le code du travail. Une revendication partagée par les salariés de Emmaüs, qui ont rejoint dans la lutte les compagnons. « Moi par exemple, on m’a chargé de former mes futurs responsables, c’est totalement illogique. C’est comme si je n’existais pas ! » s’indigne Achraf.

Cette colère s’est organisée lorsque les compagnons ont vu leurs camarades du nord se mettre en grève à Saint-André-les-Lille, en grève depuis 77 jours et à Grande-Synthe, en grève depuis 25 jours. « On partage les mêmes souffrances. Avec les salariés ici, on est traités différemment en fonction de notre statut. On est tous des travailleurs », s’émeut Achraf. Pour organiser la grève, les travailleurs de Tourcoing tiennent un piquet de 8 heures jusqu’à 17 heures et se réunissent en assemblée générale chaque jour pour discuter de la suite de la grève, soutenue par l’UL Cgt de Tourcoing et le comité des sans-papiers 59

77e j de grève a St André, 25 e a Gde Synthe et 4e a Tourcoing : partout a l'unanimité. La dignité n'a pas de prix. Nous sommes de plus en plus déterminés. pic.twitter.com/3m2TmKziKt

— Saïd Bouamama (@BouamamaFUIQP) September 15, 2023

Pour les compagnons de Tourcoing, les grèves sur les sites de Saint-André-les-Lilles et Grande-Synthe ont joué un rôle de déclencheur. « Ils ont réussi à briser la glace sur notre souffrance au travail, sur la maltraitance et la traite d’humains. La colère était là depuis très longtemps, mais maintenant on a un plan pour mettre la pression à Emmaüs » explique Achraf. En réaction, la direction de Tourcoing a proposé une médiation pour le lundi 18 septembre. Les grévistes espèrent trouver une issue qui leur convient. « Cette grève, c’est une question de survie. Je le rappelle tous les jours aux compagnons que vivre sans dignité et sans nos droits, ce n’est pas une vie » prévient le compagnon.

Les travailleurs de Emmaüs restent déterminés pour gagner sur leurs revendications. Une grève exemplaire, qui montre la voie pour lutter contre l’exploitation et l’oppression. Pour soutenir les grévistes, une pétition circule en ligne, ainsi qu’une caisse de grève. Soutien aux compagnons d’Emmaüs. La lutte jusqu’à la victoire !