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Répression

Entrave des secours, mensonges … Un rapport de la LDH sur Sainte-Soline accable le gouvernement

Alors que les violences policières et la politique répressive du gouvernement sont au centre des contestations, un nouveau rapport de la Ligue des droits de l’Homme sur la dernière mobilisation contre les méga-bassines de Sainte-Soline paru le 10 juillet documente les violences policières et bat en brèche les mensonges d'Etat.

James Draoust

11 juillet 2023

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Entrave des secours, mensonges … Un rapport de la LDH sur Sainte-Soline accable le gouvernement

Crédits photo : capture d’écran vidéo youtube Le Monde

Ce lundi 10 juillet paraissait un nouveau rapport de la LDH sur la répression commise à l’encontre des mobilisations contre les méga-bassines en mars dernier. Une mobilisation appelée par les Soulèvements de la terre, depuis dissouts par Darmanin, au cours de laquelle la police a blessé plus de 200 personnes, mettant deux d’entre elles dans le coma. Dans une période de durcissement du régime, ce rapport de 150 pages est un élément supplémentaire venant souligner les méthodes de répression et le discours politique mis en place pour les soutenir.

Menée par 18 observateurs (personne reconnue et protégée par le droit international pour mener des observations pendant des manifestations, ndlr), cette enquête a pour objectif de documenter et d’analyser les pratiques policières par des images, du son, des témoignages et des rapports écrits dans un minutier. Organisés en plusieurs comités selon leurs lieux d’origine, les 18 observateurs ont alors rédigé des rapports internes dont la synthèse décrit l’ensemble de l’arsenal répressif utilisé par le gouvernement à Sainte-Soline.

Contrôles accrus, surveillance et renseignements, violences policières, entrave au secours : une répression orchestrée

Ainsi, le rapport fait état d’un nombre massif de contrôles et de surveillance tout au long du week-end. En effet, pendant, le week-end, 24 010 contrôles de véhicules ont été effectués sur un vaste territoire avec contrôle d’identité, fouilles de véhicules, confiscation de matériel.

Une répression vécue directement par les observateurs, dont le statut n’a pas été respecté par les préfets des Deux-Sèvres et de la Vienne, dans le but de mettre la pression sur la LDH et ses travaux. Par exemple, les observateurs du Poitou-Charentes ont subi deux contrôles des papiers des véhicules et de l’identité du conducteur, avant de se refaire contrôler plus loin, avec cette fois-ci un contrôle d’identité de tous les passagers, un contrôle visuel et des questions sur l’équipement et le rôle des observateurs. Une situation similaire vécue par les équipes des observatoires parisiens, girondins et toulousains, dont du matériel a été confisqué. Ce ciblage des observateurs de la LDH, protégés par le droit international, démontre ainsi un signe de durcissement autoritaire du régime et de pressions sur les actions de cette association. Un ciblage qui s’est d’ailleurs poursuivi par des menaces de Darmanin en personne sur les subventions de la LDH.

Ainsi, avec une analyse des arrêtés administratifs et des réquisitions, le rapport dénonce une situation qui « rendait l’objet des contrôles assez peu lisible et donnait une marge de manœuvre considérable aux forces de l’ordre lors de ces contrôles ». De la même manière, le rapport montre aussi des photos des camions de surveillance, de survol de plusieurs hélicoptères et de policiers, munis de téléphone ou caméra, pour filmer les manifestants tout au long du week-end.

Le rapport s’attarde également sur le dispositif répressif massif déployé lors de la manifestation : « La concentration des moyens humains sur le site de la bassine (3 000 gendarmes à Sainte-Soline autour de la bassine sur les 3 200 mobilisés dans la zone) montre bien que la stratégie adoptée par les pouvoirs publics : laisser venir le cortège à proximité du chantier encerclé par les gendarmes mobiles, qui, acculés aux parois de la méga-bassine, ont fait un usage massif de leurs armes pour tenir à distance les manifestant·e·s. ».

Plus précisément, un « usage de plusieurs milliers de munitions d’armes de guerre [...] tirées de manière indiscriminée pendant quasiment des heures, témoignant d’une intensité exceptionnelle ». De plus, le rapport renseigne aussi sur le comportement de certaines brigades dont la PM2I, brigade mobile sur quad, ayant à la fois tiré les premières lacrymogène et chargé les manifestants avec un certain plaisir, remarqué par les observateurs : « les quadistes sont très joyeux, paraissent s’amuser de ces charges à grande vitesse ». Un constat de la LDH qui, une fois n’est pas coutume, est partagé par les agents eux même. Sur Sud Radio, un CRS expliquait récemment son « excitation » à aller « sur des interventions quand il y a du gaucho ou autre ».

Par ailleurs, l’entrave par la police au secours des blessés de la répression que la LDH avait dénoncée pendant la manifestation est aussi documentée. Le rapport explique comment des blessés et des cordons de protection réalisés par des députés et des manifestants afin de les préserver de la répression, ont été visés par des tirs de grenade et de gaz. Pour le cas de Serge, grièvement blessé, puis plongé dans le coma par la répression à Sainte-Soline, il a dû être déplacé à cause des tirs avant sa prise en charge tardive des suites d’« un cas d’entrave par les forces de l’ordre à l’intervention des secours, tant SAMU que pompiers ».

Rapports policiers douteux, opération médiatique de criminalisation : des mensonges d’Etat pour couvrir la répression

En plus des éléments de répression, le rapport de la LDH démasque les mensonges déployés par le gouvernement et la police pour justifier et couvrir la répression, en confrontant les rapports policiers aux rapports des observateurs. Par exemple, alors que Darmanin prétendait le 25 mars que l’entrave aux secours avait été du fait des manifestants,, expliquant « Les gendarmes participant aux évacuations des manifestants blessés ont pour une partie d’entre eux parfois été pris à partie par les éléments les plus radicaux, empêchant ainsi les opérations de secours et complexifiant l’arrivée des médecins sur le site », les observateurs expliquent que les médecins ont pu se rendre sur les lieux sans jamais de heurts. De la même manière, les observateurs expliquent que la situation était calme dans la zone où avaient été amenés les blessés dont Serge, alors que la préfecture justifiait la non-intervention des secours en raison d’une soi-disant «  zone d’affrontements ».

Plus généralement, le rapport remet en cause des éléments centraux des rapports policiers, notamment l’emploi de matériel de guerre. Alors que Darmanin déclarait dans une conférence de presse après la manifestation : « non aucune arme de guerre n’a été utilisée par les forces de l’ordre à Sainte-Soline, seules des armes intermédiaires ont été utilisées à Sainte-Soline », le rapport de la LDH réfute ces déclarations et dresse même un inventaire du matériel de guerre utilisé : lanceurs Cougar 56mm, grenades lacrymogènes GM2L et de désencerclement GENL et à main ASSD. Un ensemble d’éléments qui ont servi le discours du gouvernement, permettant de criminaliser les manifestants, justifier la répression féroce, mais également la dissolution des Soulèvements de la terre, et qui sont aujourd’hui battus en brèche par les observations de la LDH.

Avant d’appuyer leur version policières des faits, Darmanin et son gouvernement ont tout fait pour préparer et légitimer ces violences policières, appuyant sur la « présence d’éléments radicaux », à la manifestation jusqu’à qualifier leurs actions d’« éco-terrorisme ». Le rapport explique ainsi le concept de « droit pénal de l’ennemi » en reprenant un article d’Alexandre Truc, chercheur en philosophie et sociologie du droit : « qualifier des manifestants de Sainte-Soline de « terroristes » comporte un double enjeu. Il s’agit de trouver une figure délégitimant une action militante en la présentant comme violente tout en justifiant, dans le même temps, l’utilisation de moyens juridiques et policiers d’une extrême intensité. »

Alors que ces méthodes sont utilisées depuis des années pour masquer les violences policières dans les quartiers populaires, tout en justifiant dernièrement un carnage juridique et policier sur les mobilisés depuis le meurtre policier de Nahel, le rapport de la LDH permet de démontrer comment ces pratiques sont réutilisées pour criminaliser le mouvement écologiste et l’ensemble du mouvement social. Il en va de même pour la dissolution des Soulèvements de la terre, qui témoigne d’un durcissement autoritaire du régime. L’outil de la dissolution ayant été éprouvé sur des organisations antiracistes et musulmanes avant d’être utilisé contre le reste du mouvement social. Face à cela, il faut mener une politique claire contre la répression en demandant l’amnistie et la libération des manifestants de Sainte-Soline, des jeunes des quartiers populaires pour Nahel et de l’ensemble des réprimés du mouvement social.

Lire aussi : Dissolution des Soulèvements de la terre : faire front contre le durcissement autoritaire du régime


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