C’est une première de mémoire de syndicaliste : pas de fleurs pour la Saint Valentin. C’est le message qu’ont voulu faire passer les salariés de l’enseigne de jardineries, qui possède une soixantaine de magasins partout en France. Des rassemblements ont été organisés devant deux magasins : celui d’Orvault, près de Nantes, et celui d’Herblay (Val d’Oise). Il faut dire que dans cette chaîne, qui a profité très largement de la crise du Covid, voyant son bénéfice être multiplié par 6,5 entre 2019 et 2021, le malaise est plus que profond.

Sur le parking du magasin d’Herblay, on sent que la grève est une nouveauté pour beaucoup, tant du côté des salariés, peu habitués à de telles actions, que du côté de la direction, avec un manager visiblement très fébrile devant la vingtaine de salariés rassemblés devant l’entrée. Ici, des délégations de plusieurs magasins se sont rassemblés, provenant de Baillet-en-France (95), Fourqueux (78), Saint-Denis (93) et Chatenay-Malabry (92). « Ils n’embauchent plus sous prétexte qu’il n’y a pas assez de chiffre, donc la charge de travail augmente. Les rayons restent les mêmes et le nombre de salariés baisse. Sur mon rayon, on était trois on est plus que deux », témoigne Emi, 16 ans de boite sur le magasin de Saint-Denis. Son collègue Laurent abonde dans son sens : « on nous demande toujours plus et les salaires ne suivent pas : on doit faire les rayons, nettoyer le magasin, aller aux caisses. Ils nous demandent d’aller remplacer les postes supprimés, et pendant ce temps-là, c’est du retard qui s’accumule dans les rayons ».

Comme dans de nombreuses entreprises, la période du Covid est mal passée pour les salariés. L’enseigne, qui a réussi à être classée par les autorités comme « essentielle » a demandé aux salariés de venir travailler malgré le confinement : « depuis la covid, l’entreprise marche énormément. On nous a promis des primes pour ceux qui sont allés bosser pendant le confinement, finalement on n’a rien eu de plus que les primes habituelles » continue Emi, qui travaille au rayon aquariums. De plus, la société a supprimé la prime « graine d’or », une carte cadeau de 80€ (uniquement dépensable chez Truffaut) octroyé lorsque l’enseigne remporte ce trophée de satisfaction du public.

La politique de l’entreprise est simple : réduire au maximum l’effectif pour maximiser les profits, et surtout demander toujours plus aux salariés. A Saint-Denis, selon les salariés, aucun extra n’a été embauché pour la saison des sapins de Noël, où il y a une recrudescence d’activité importante. Résultat : les bénéfices s’envolent par rapport au chiffre d’affaires. D’un chiffre d’affaires de 418 millions d’euros en 2019 pour 3,2 millions de bénéfices, l’entreprise est passée à un chiffre d’affaires de 489 millions d’euros (+16%) pour un bénéfice de 22,5 millions d’euros en 2021 (+703%).

Face à cela, les salariés réclament un 13ème mois, une prime d’ancienneté, la prise en charge à 100% de leur mutuelle et une meilleure prise en charge de l’abonnement transports en commun. Peu de choses, mais qui restent importants pour des salaires qui sont en dessous du SMIC. « Pour une salariée qui fait 35h et deux dimanches travaillés, on tourne autour de 1200-1300€ maximum, y compris la majoration du dimanche » témoigne Corinne, sept ans de boîte. Si le salaire est en dessous du SMIC net (1353€ par mois), c’est que l’entreprise rémunère ses salariés au SMIC agricole (1150€ nets). « Sur cette année, on a vu avec l’inflation qui galope que les collègues se retrouvent pris à la gorge en termes de salaires parce que les augmentations ne suivent pas, explique Mickaël, représentant syndical. Ils avaient proposé 4% d’augmentation générale et 2% d’augmentation individuelles, mais on reste bien loin de l’inflation ».

Le syndicaliste de la CGT Truffaut conclut à notre micro : « les clients pensent que chez Truffaut c’est un peu Disneyland. Effectivement on travaille dans un très beau cadre, très végétal, mais à côté de ça, il y a beaucoup de manutention, du sous-effectif, et une charge de travail qu’il faut prendre en charge ». Un message qui semble passer chez les clients, dont certains ont même encouragé les grévistes à continuer leur action.