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Extrême droite

Harcèlement raciste : l’extrême-droite en campagne contre l’association de soutien aux exilés Utopia 56

En pleine affaire de Saint-Brévin où le maire a démissionné suite aux attaques de l’extrême droite, l’association Utopia 56 dénonce le harcèlement continu de la part de la droite et de l’extrême droite contre l’occupation d’une école désaffectée pour demander la prise en charge de 400 jeunes immigrés.

Raji Samuthiram

15 mai 2023

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Harcèlement raciste : l'extrême-droite en campagne contre l'association de soutien aux exilés Utopia 56

Alors que le maire de Saint-Brevin vient d’annoncer sa démission suite à la violente campagne de l’extrême droite à son encontre dans le cadre de l’installation d’un centre d’accueil pour réfugiés, plusieurs associations d’aides aux immigrés dont Utopia 56 dénoncent le harcèlement raciste qu’ils subissent depuis qu’ils hébergent 400 jeunes étrangers dans une école désaffectée à Paris.

Entamée le 4 avril, l’occupation de l’école dans le 16e arrondissement, portée par Utopia 56 et trois autres organisations, a pour but de visibiliser la situation dramatique de ces jeunes mineurs non accompagnés qui n’ont aucun endroit où vivre dignement, et d’exiger une mise à l’abris immédiate. Mais depuis le début de cette action, Charlotte Kwante, coordinatrice de Utopia 56, rapporte que les jeunes mineurs et les militants font objet d’un harcèlement raciste de la part d’une partie des riverains et de groupuscules d’extrême droite. De leurs côtés, la mairie et la préfecture se déresponsabilisent en se renvoyant la balle sur la prise en charge.

Ce harcèlement xénophobe a récemment pris une ampleur considérable avec un rassemblement du groupe femonationaliste Nemesis le 15 avril devant l’école, filmé et partagé en ligne. Durant ce rassemblement, les militantes d’extrême droite ont enchaîné les menaces violentes et racistes : « Votre association c’est de la merde, vous êtes la poubelle de la France. Honte à vous. Je vous souhaite le même destin que le petit Grégory », « Que de la sale racaille, nous vous trouverons et traquerons ».

La déferlante xénophobe et les menaces se sont ensuite enchaînées, visant des antennes d’Utopia 56 partout en France. Le 2 mai, l’antenne d’Utopia 56 à Tours reçoit un courrier plein d’excréments avec le sigle d’un parti belge d’extrême droite et un message : « Immigration, faux mineurs, vrais menteurs. Fermons nos frontières ». Trois jours plus tard, une journaliste de CNews passe devant l’école et filme la tirade xénophobe d’un riverain devant le portail de l’école, qui accuse un membre d’Utopia 56 d’héberger des immigrés qui ne seraient pas mineurs, qui seraient là pour profiter alors qu’ils « ne sont pas en guerre » chez eux…

Les menaces contre Utopia 56 vont même aller jusqu’à des demandes de « dissolution » de l’association par des élus et des figures de droite et d’extrême droite. Invité par Jean-Marc Morandini sur CNews, Othman Nasrou, vice-président LR d’Ile-de-France affirme qu’il faudrait dissoudre l’association, l’accusant de défendre « une vision de l’immigration, que n’importe qui peut venir s’installer en France ». Suite à ce passage, les accusations mensongères et scandaleuses contre l’association de faire du « trafic de jeunes hommes africains » seront relayées en ligne par d’autres élus de droite tel que Nadine Morano des LR et d’extrême droite comme Philippe Vardon de Reconquête.

Dans l’école du 16e, les près de 400 jeunes hébergés sont tous en recours de minorité, c’est-à-dire qu’ils ont été évalué majeurs et font appel. Ces évaluations de minorité sont souvent biaisés et se basent sur des critères subjectifs et souvent absurdes : pilosité, forme de visage, maturité constaté dans le rapport avec les autres… S’ils sont évalués majeurs, ces jeunes ne sont pas pris en charge par le département et se retrouvent sans logement. C’est le cas de dizaines de milliers de jeunes sur le territoire chaque année. Les mineurs isolés font ainsi souvent l’objet des attaques de l’extrême droite, qui les dépeignent comme des voyous ou de faux mineurs, afin d’exiger une approche encore plus dure aux frontières.

Depuis les passages sur CNews, « un afflux infame de commentaires haineux, d’appels à la haine, de menaces…  » se déverse sur l’association témoigne Charlotte Kwante. Un afflux qui vise particulièrement l’association à Paris, mais également les antennes à Tours, Toulouse, Grande Sainte… : « Tout le monde subit cette vague. Ils appellent à la dissolution de l’asso, sous-entendent qu’on met en danger les jeunes à cause de l’insalubrité, et nous tiennent responsables de faire venir les migrants en nous accusant d’être le relai des passeurs ». Il y a quelques jours, comme le rapporte Médiapart, un groupe de militants de Reconquête se sont rassemblés devant l’école, et l’élu Reconquête Philippe Vardon est venu le 9 mai intimider les membres de l’association.

Cette nouvelle campagne de l’extrême droite et de la droite contre des associations d’aide aux exilés comme Utopia 56 fait directement écho à celle menée à Saint-Brévin où le maire avait démissionné face aux attaques de l’extrême droite qui étaient allées jusqu’à l’incendie du domicile du maire dans le cadre d’une campagne xénophobe contre l’installation d’un centre d’accueil pour réfugiés. Face à cette décision célébrée par l’extrême droite, le gouvernement en avait profité pour fustiger « l’extrémisme » mais des « deux côtés » et avait refusé de désigner explicitement l’extrême droite pourtant directement responsable de ces attaques xénophobes.

Le faux soutien au maire de Saint-Brévin, puis les déclarations de Gérald Darmanin sur l’interdiction des manifestations « d’ultra-droite », montrent que la stratégie du gouvernement vise en réalité à profiter de ces attaques de l’extrême droite pour poursuivre l’offensive contre le mouvement social, en mettant dos à dos les « extrêmes » et en mettant dans le même sac des mobilisations progressistes et des mobilisations racistes d’extrême droite.

En ce qui concerne les attaques d’associations d’aide aux réfugiés par l’extrême droite, l’État avait lui-même montré la voix et n’avait pas attendu l’extrême droite pour instaurer un « délit de solidarité » pour attaquer toutes celles et ceux qui, à travers leur engagement associatif, viennent en aide et en soutien aux réfugiés. Le cas de Cédric Herrou arrêté par la police et accusé en 2016 pour être venu en aide à plus de 150 migrants à la frontière franco-italienne est emblématique. Malgré la relaxe de Cédric Herrou, et l’inscription de la « fraternité » comme principe constitutionnel par le Conseil Constitutionnel, le délit de solidarité est toujours d’actualité et l’État continue d’attaquer des personnes qui aident des exilés.

Les politique xénophobes et la chasse aux migrants menées par Macron et le gouvernement ont une responsabilité centrale dans la multiplication de ce genre de campagne par l’extrême droite. En effet, après des années à avoir menée des politiques migratoires qui n’ont pas grand-chose à envier au programme de l’extrême droite, après que Darmanin ait qualifié Marine Le Pen de « molle » sur la question de l’islamisme, après avoir mené des campagnes réactionnaires contre le « wokisme » et après avoir récemment menacé la ligue des droits de l’Homme, le gouvernement ne fait qu’ouvrir un boulevard à l’extrême droite et lui permet d’imposer ses thèmes.


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