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Amérique latine

« Il faut une force politique des travailleurs » : Bregman brille à nouveau dans le débat présidentiel argentin

Un second débat de la présidentielle argentine s’est tenu ce dimanche. Après sa prestation remarquée lors du premier débat et dans une campagne saturée de propositions réactionnaires, la candidate socialiste révolutionnaire Myriam Bregman s’est à nouveau distinguée en défendant un programme anti-austérité et anti-FMI face aux candidats de droite.

Antoine Weil

9 octobre 2023

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« Il faut une force politique des travailleurs » : Bregman brille à nouveau dans le débat présidentiel argentin

A deux semaines de l’élection, le second et ultime débat présidentiel en Argentine s’est tenu dimanche 8 octobre. Au cœur de l’élection la plus à droite depuis la fin de la dictature, Sergio Massa, ministre de l’économie sortant et organisateur de l’austérité, et Patricia Bullrich cheffe de file de la droite sécuritaire, ont joué leur va-tout pour bousculer le favori surprise et leader dans les sondages, le candidat d’extrême-droite libertarien Javier Milei.

Les enquêtes d’opinion donnent en effet un trio de tête inchangé, promettant à Milei une place quasi-assurée au second tour, même si le candidat de la coalition péroniste Massa, estimé second, semble réduire l’écart sans pour autant distancer Bullrich.

Dans ce contexte de compétition entre des candidats incarnant différentes nuances d’austérité, de politiques sécuritaires et de soutien au FMI, Myriam Bregman du Parti des Travailleurs Socialiste (PTS) s’est à nouveau distinguée en attaquant l’extrême-droite, pointant la responsabilité des gouvernements sortant dans la crise, et dessinant une alternative socialiste pour répondre à l’urgence de la situation en Argentine. Une prestation qu’une diversité de médias et éditorialistes, conservateurs comme progressistes, ont dû reconnaitre comme réussie.

Du côté des candidats de la bourgeoisie, les observateurs ont estimé que la candidate de droite traditionnelle Patricia Bullrich avait été la plus mordante, dans le but de rattraper son retard dans les sondages.

Quatre candidats austéritaires et droitiers contre une voix socialiste et anti-impérialiste

A l’image d’une campagne marquée à droite, les discours et thématiques réactionnaires ont occupé une large place dans le débat, dans une ambiance de tensions et d’attaques personnelles, comme le soulignent aussi bien l’AFP que El Pais. L’émission a par exemple accordé de longs moments à la délinquance et au narcotrafic, conduisant à une surenchère de propositions sécuritaires, sur lequel la candidate du PTS et de la coalition de partis d’extrême gauche (FIT-U) a ironisé - demandant ainsi à Bullrich : « Jusqu’où voulez-vous abaisser l’âge de la responsabilité pénale ? Jusqu’à la maternelle ? » - avant de pointer des positions qui refusent de soulever la question de la responsabilité de l’Etat dans le trafic.

Malgré l’animosité entre les trois favoris, Milei accusant par exemple Bullrich d’être une « tueuse d’extrême gauche » dans sa jeunesse du fait de sa participation à des groupes armés péronistes, leurs convergences sur des points fondamentaux est à souligner. De façon significative, alors que le débat s’est ouvert sur la question des récents affrontements en Palestine, cela a été l’occasion pour l’ensemble des candidats d’exprimer leur soutien à l’État d’Israël, en écho à leur fidélité avec l’impérialisme états-unien. Myriam Bregman a été la seule à défendre une voix alternative en dénonçant « un conflit qui a comme base la politique de l’État d’Israël d’occupation et d’apartheid contre le peuple palestinien ».

Dans ce cadre cependant, Bullrich est apparue à l’offensive, accusant Sergio Massa d’être un voleur et un corrompu, en écho aux attaques répétées de la droite contre l’ancienne présidente Cristina Kirchner. Dans le même temps, elle a ciblé Javier Milei, pointant le manque d’expérience de gouvernement de son équipe. Une manière pour la droite traditionnelle de montrer qu’elle sera la plus capable et sérieuse pour appliquer le programme sécuritaire qu’elle partage avec son voisin d’extrême-droite.

Sans présager des effets sur les enquêtes d’opinion et sur le résultat de l’élection le 22 octobre prochaine, le favori Milei a semblé chahuté, comme le souligne aussi bien le média conservateur La Nación que El País. Il a ainsi peiné à expliquer ses positions climatosceptiques et son refus d’admettre l’existence de féminicides, mis en difficulté sur ce point par Myriam Bregman.

Comme elle l’avait fait lors du premier débat, à l’aide d’une punchline qui a marqué les esprits décrivant Milei comme un « gentil petit chat » (« gatito mimoso ») soumis au pouvoir économique, elle a démonté l’hypocrisie de celui qui se présente comme un rebelle face à la caste et un défenseur de la liberté. S’adressant aux travailleurs pauvres, chômeurs et précarisés qui se multiplient dans une Argentine en proie à l’hyper-inflation, et qui constituent une frange de l’électorat de Milei elle a rappelé qu’« avec ce que propose Milei, vous ne serez pas mieux lotis, vous n’aurez pas les droits que vous n’avez déjà pas aujourd’hui. Car la seule liberté que Javier Milei défend, c’est la liberté d’être exploité sans limites ».

Une position frontale contre l’extrême-droite, qui n’oublie pas de s’en prendre au gouvernement actuel. Ainsi l’avocate des droits humains et candidate socialiste a interpellé le ministre de l’économie, responsable des politiques d’ajustement et de déflation : « (Vous-pourriez vivre vous avec 124 000 pesos comme le font les retraités ? (124 000 pesos équivalent à un revenu inférieure à 350 euros - ndlr). Une discours qui cherche à montrer l’impasse du vote d’extrême-droite tout en rappelant la responsabilité du péronisme au pouvoir dans la crise, qui semble récolter un soutien grandissant, notamment chez la jeunesse séduite par le vote Milei, et ce malgré la faiblesse à l’heure actuelle de l’extrême-gauche dans les sondages.

Dans le même sens, Bregman a dénoncé fortement la proposition de Sergio Massa d’intégrer des ministres venus de la droite et de l’extrême-droite dans son futur gouvernement, expliquant : « vous proposez un gouvernement national, avec Juntos por el Cambio, avec le parti d’extrême-droite de Milei et Villaruel, et en même temps vous dites « votez pour moi, pour vos droits ». C’est incompréhensible, vous comptez faire front contre l’extrême-droit en l’intégrant à votre gouvernement ? »

Myriam Bregman : pour un voie socialiste en réponse à la crise

Ce second débat intervient en effet après l’important succès de la candidate socialiste et révolutionnaire lors du premier affrontement télévisé. A nouveau, sa prestation lors du débat s’est accompagnée d’une avalanche de réactions positives, la plaçant au cœur des discussions sur les plateformes. Là encore, ses piques envers le candidat d’extrême-droite, défenseur de la violence machiste et de la dictature militaire ont marqué les esprits.

Attendue par ses adversaires suite à sa prestation lors du premier débat, elle a su répondre aux attaques de la droite en dessinant ce que serait un programme révolutionnaire en mesure de répondre aux problèmes urgents dont souffrent les argentins. Face à un Milei ironisant sur les entreprises qu’elle nationaliserait, elle a répondu « moi, individuellement, je ne vais rien faire. Parce que ce pourquoi je me bats, c’est un gouvernement des travailleurs. Je me bats pour que toute l’économie soit planifiée démocratiquement, à l’inverse de ce qui est fait actuellement, où tout s’organise en fonction d’un groupe d’entreprises, de quelques monopoles qui décident en fonction de leurs profits » A l’opposé du cadre imposé par l’élection présidentielle qui se focalise sur la figure d’une personne, elle a ainsi insisté sur l’enjeu de défendre une réponse collective décidée par en bas par les travailleurs.

Dans une contexte difficile marqué par la droitisation de la vie politique, ce discours se veut servir à la construction d’une alternative capable de résister contre l’austérité et l’inflation qui, quel que soit le vainqueur de l’élection, attendent les travailleurs argentins. Ainsi, la candidate socialiste a insisté sur l’enjeu de résister à la pression au vote utile, alors que le gouvernement péroniste « du centre » qui souhaite en profiter a appliqué les politiques austéritaires. Au contraire, contre l’impasse des propositions des différents candidats, qui promettent tous d’appliquer la crise en suivant les directives du FMI, Myriam Bregman a appelé à mettre sur pied nouvelle force politique, au service de ceux qui n’ont jamais gouverné le pays, à savoir les travailleurs et les travailleuses.


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