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Paris Habitat

Grève du nettoyage. Interview de deux syndicalistes combatifs

Depuis le 21 septembre, 53 travailleurs du nettoyage du parc de logements sociaux géré par la mairie de Paris sont en grève pour demander l’amélioration de leurs conditions de travail. Face à la répression brutale de la direction et à la division syndicale, avec seulement Sud Nettoyage qui soutient la grève, le courage de ces travailleurs est exemplaire. Nous les avons rencontrés ce jeudi 29 octobre et nous retranscrivons ci-dessous l’interview de deux représentants syndicaux rencontrés sur place.

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Les grévistes tiennent tous les jours, 24h/24, un piquet de grève rue de Noisy-Le-Sec, dans le 20e arrondissement, au pied des logements sociaux qu’ils nettoient habituellement chaque jour. Munis d’une petite tonnelle placée au milieu d’un terre-plein, les grévistes se battent pour leurs conditions de travail dans une ambiance de solidarité et de convivialité réconfortante. Ceux-ci mangent ensemble tout au long de la journée et de nombreux habitants viennent à leur rencontre pour les soutenir.

L’année dernière, un appel d’offres lancé par Paris Habitat, l’office HLM géré par la mairie de Paris, a été remporté par une société de nettoyage (OMS Synergie) qui a alors réembauché les anciens travailleurs. Les conditions de travail déjà difficiles se sont alors fortement dégradées pour ces travailleurs. Et le mouvement de grève entamé depuis plus de six semaines est fortement réprimé par la direction qui enchaîne les procédures de licenciement, fait régulièrement appel à la police et a assigné en justice, le 2 novembre, les travailleurs qui tienne le piquet de grève sur un espace public.

Nous présentons ici l’interview de deux représentants syndicaux qui ont accepté de nous raconter leur grève. M. Tandjigora est chef d’équipe du lot 46, dans le 20e arrondissement, et représentant syndical de Sud Nettoyage. M. Diop est élu au Conseil d’Entreprise et au CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail). Il a quitté récemment le syndicat FO pour Sud Nettoyage, car le premier ne souhaitait pas soutenir le mouvement de grève, tout comme la CGT.

Pour commencer, pouvez-vous nous présenter le contexte de la mobilisation : vos conditions de travail, votre situation par rapport à votre employeur et Paris Habitat ?

M. Tandjigora : Nous sommes en grève depuis le 21 septembre pour réclamer nos droits et par rapport à tout ce que nous subissons de la part de notre société [OMS Synergie], par rapport aux manquements de sa part vis-à-vis du Code du travail. Donc la grève a été déclenchée le 21 septembre suite à beaucoup de réclamations de notre part. Moi-même et mon collègue M. Diop, qui est officier de nettoyage, délégué DP et CE, nous sommes affiliés à Sud Nettoyage qui est notre section syndicale. Depuis l’année dernière, notre entreprise a pris le marché suite à l’appel d’offres que Paris Habitat a lancé. À leur arrivée, nous avons déjà constaté le manque de produits, de matériel, des fiches de paye qui ne sont pas aux normes, à savoir le numéro de sécurité sociale des salariés, et il y a plusieurs salariés qui ont le même numéro URSSAF, le non-paiement de nos heures supplémentaires… Personnellement, en tant que chef d’équipe de mon groupe, le lot 46, il y a une vingtaine de personnes qui travaillent avec moi depuis 2008. Nous avons eu plusieurs entreprises différentes et on n’a jamais eu autant de problèmes que maintenant. Avant la grève, nous avons sollicité à plusieurs reprises notre responsable pour pouvoir améliorer les conditions de travail des salariés. On n’a jamais été entendu, on n’a jamais été respecté.

Quelles sont vos revendications ?

M. Tandjigora : Nous avons décidé avec l’accord de notre section syndicale Sud Nettoyage de lancer un mouvement de grève et nous avons envoyé nos revendications à l’employeur qui sont en six points :

  • La requalification des salariés : certains sont là depuis 10, 15, 20 ans voire 25 ans d’ancienneté et sont toujours au grade S1 [le plus bas].
  • Le changement de la date de versement du salaire : nous avons demandé que la date de paye soit avancée, car nous sommes payés aux alentours du 15 du mois, ce qui met en difficulté les salariés vis-à-vis de leur banque car les prélèvements sont en général effectués au début du mois. On se retrouve donc souvent à découvert le temps que notre paye arrive et nous devons payer des pénalités à la banque.
  • Nous avons demandé un 13e mois car on sait que notre employeur fait beaucoup de profits sur nous qui travaillons.
  • La prime de salissure : pour toute une année, nous avons une seule tenue par employé que nous devons laver nous-mêmes. C’est pourquoi nous demandons une prime de salissure.
  • Nous avons demandé que l’entreprise nous fournisse des équipements nécessaires pour pouvoir travailler : le chariot, le matériel, les gants, les produits.
  • Nous avons demandé la mise en place d’une subrogation de la part de l’entreprise. Actuellement, si nous sommes en congé maladie ou en congé parental et que le patron ne fait pas le nécessaire pour que le salarié, au niveau administratif, soit remboursé par la sécurité sociale, nous ne pouvons pas percevoir nos droits car la sécurité sociale ne dispose pas des éléments nécessaires pour pouvoir nous rembourser. La subrogation permet que le patron prenne en charge ces frais, en attendant que celui-ci fasse le nécessaire auprès de la sécurité sociale pour pouvoir récupérer son argent.

Quelle a été la réaction de votre patron au début du mouvement ?

Quand l’employeur a reçu nos revendications, il ne nous a pas contactés. C’est ce qui nous a amenés à déposer un préavis de grève. Le 21 septembre, nous avons arrêté le travail et l’employeur a alors contacté la police pour venir nous embarquer. Le lendemain, en étant avec tous les grévistes sur place, ils ont appelé la police qui nous a embarqués. Elle nous a questionnés car le patron nous accusait d’avoir brûlé et volé des choses. Après vérification, la police s’est rendu compte que ces accusations étaient fausses. Cela fait maintenant plusieurs semaines, et à chaque fois l’entreprise amène des gens de l’extérieur, en CDD, parfois sans contrat, et parfois même de la main d’œuvre sans-papiers pour faire notre boulot. Et nous, les grévistes, quand on leur dit qu’ils n’ont pas le droit de faire ça et qu’on s’oppose, ils appellent la police, qui vient nous observer. Au bout de 15 ou 20 minutes, la police voit qu’on ne fait rien de mal et les policiers repartent. Les deux premières semaines de la grève, la direction n’a pas cessé de menacer les grévistes de licenciement ! Et ils ont fait encore pire ! La troisième semaine, ils ont envoyé des lettres à certains grévistes pour un entretien préalable au licenciement. Notre syndicat Sud Nettoyage a fait le nécessaire pour que ces convocations soient annulées car elles sont illégales.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les conditions d’emploi et de travail, et aussi sur le sous-traitant qui vous emploie ?

M. Diop : Actuellement, au niveau de la situation, comme vous le voyez, il y a 53 salariés présents sur place ici. Nous sommes tous en CDI, la plupart ont entre 20 et 25 ans d’ancienneté sur le même lieu de travail. Nous sommes en grève par rapport à nos conditions de travail où il n’y a aucun respect. Nous demandons simplement le respect et que nous puissions travailler avec nos collègues en sécurité à l’intérieur comme à l’extérieur. Nous sortons les poubelles, nous lavons les escaliers. Pendant l’hiver, nous n’avons pas de parka, nous n’avons pas de chaussures de sécurité en sortant les poubelles, nous travaillons avec des produits un peu toxiques, un peu dangereux sans gants, sans masque, sans aucune protection. Souvent, il arrive que des choses soient jetées par les fenêtres qui peuvent nous tomber dessus et tout ça nous met en danger. Notre employeur est au courant de tout ça, nous n’avons pas arrêté de l’alerter à ce sujet mais nous n’avons jamais été entendus. C’est pourquoi nous sommes en grève, et depuis le début de la grève, le 21 septembre, l’employeur n’a toujours pas réagi, ce qui prouve une fois de plus que notre employeur n’a aucun respect pour nous et qu’il ne nous considère pas.

Selon notre patron, nous n’avons pas le droit d’être en grève, et il essaye de nous mettre devant le tribunal pour nous expulser d’ici. Nous avons reçu des courriers pour passer devant le tribunal le 2 novembre. Il ne veut pas nous recevoir pour négocier et il demande aux juges de nous expulser d’ici.

Est-ce la première grève que vous faites ? Comment fonctionne le piquet de grève ?

M. Diop : C’est la première mobilisation que nous connaissons. Nous sommes sur le piquet de grève 24h/24 et 7 j/7. D’après l’employeur, le piquet de grève est placé devant chaque entrée de bâtiment. Mais, comme vous pouvez le constater, il n’y en a qu’un seul, alors qu’il y a une quarantaine d’entrées de bâtiments ici. Une fois de plus, c’est des mensonges et des mensonges.

Pouvez-vous nous parler de la position des locataires vis-à-vis de la grève ?

M. Diop : Au jour d’aujourd’hui, nous avons le soutien d’environ 500 locataires de Paris Habitat, qui ont signé notre pétition. Sur le piquet de grève que nous tenons, les banderoles, les bâches et le reste nous ont été donnés par les habitants. Les locataires nous soutiennent vraiment, ils comprennent notre situation, ils voient tous les jours nos conditions de travail comme on travaille devant eux, donc ils savent pourquoi on est en grève.

Quelles suites pensez-vous donner à la mobilisation ?

M. Diop : Nous attendons que la direction se décide à négocier avec nous, mais nous n’en avons pas l’impression pour l’instant. Pour les suites, c’est notre syndicat qui organise. Nous avons une caisse de grève pour ceux qui veulent nous soutenir.

Face à l’isolement de leur grève, à la répression patronale et à la division des syndicats, il est crucial d’apporter tout notre soutien aux grévistes. Pour ce faire, vous pouvez leur rendre visite à tout moment sur leur piquet de grève, rue de Noisy-Le-Sec, où l’accueil est très chaleureux. Vous pouvez aussi envoyer vos soutiens à l’adresse suivante : à l’attention des travailleurs d’OMS Synergie, Syndicat Sud Nettoyage IDF, 144 boulevard de la Villette, 75019 Paris.


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