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Enquête

Islamophobie. Des étudiantes portant le foulard empêchées de suivre leurs cours à l’IUT de Montpellier

Depuis la rentrée, des étudiantes des départements de chimie et de génie biologique à l’IUT de Montpellier sont forcées de retirer leurs foulards afin de participer aux cours. Une mesure s’inscrivant dans l’offensive islamophobe et sexiste de l’interdiction des abayas à l’école. Face à cette attaque, Le Poing Levé Montpellier effectue un recours auprès de la direction de l’IUT et de la présidence de l’Université.

Natacha Lubin

13 septembre 2023

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Islamophobie. Des étudiantes portant le foulard empêchées de suivre leurs cours à l'IUT de Montpellier

Crédits photo : Wikipedia Comons

C’est d’abord via un mail puis lors de sa réunion de rentrée que Caroline*, étudiante au sein d’une promo du département de génie biologique à l’IUT de Montpellier, a appris qu’elle ne pourra plus porter son foulard lors de ses travaux pratiques : « A la rentrée, ils nous ont expliqué qu’on avait l’obligation de signer ce nouveau règlement interdisant les couvre-chefs, sous peine d’être exclus de l’IUT. » Une mesure visant évidemment les femmes portant un foulard qui, mises au pied du mur, ont été contraintes de signer le nouveau règlement du département, comme nous le confirme l’étudiante : « J’ai signé le règlement pour ne pas avoir de problèmes et par peur de l’administration ». Cette interdiction de couvre-chefs au sein d’un établissement supérieur s’inscrit dans le contexte de l’offensive islamophobe et sexiste du gouvernement Macron, avec l’annonce de l’interdiction de l’abaya à l’école faite la veille de la rentrée par Gabriel Attal.

Si la direction du département invoque la question de « l’hygiène et la sécurité », les étudiantes concernées ne sont pas dupes, cette mesure vise spécifiquement les étudiantes portant le foulard : « Pour moi, c’est de la discrimination car ils savent que beaucoup d’étudiantes portent le voile et on ne peut pas le retirer juste comme ça », nous confirme Caroline, qui depuis la rentrée n’a pas pu se rendre à ses TP à cause de cette interdiction. Comme le prouve d’autres règlements intérieurs de filières similaires, il existe d’autres solutions pour assurer la sécurité des élèves lors des travaux pratiques, comme le port d’un foulard en coton glissé à l’intérieur d’une blouse.

Inaya*, étudiante au sein du département de chimie, rapporte les difficultés à suivre ses cours avec cette règle que ses camarades de classe et elle-même subissent déjà depuis l’année dernière : « Nous n’avons pas eu le choix que de respecter cette interdiction pour suivre nos TP. On a un emploi du temps chargé, on ne peut pas se permettre de rater nos cours, mais quand on les enlève [les foulards], on est extrêmement mal à l’aise. Même les premières années étaient choquées en découvrant cette règle. » Cette année, le règlement du département de chimie s’est encore durci : les couvre-chefs de toutes sortes sont bannis des cours, empêchant les élèves qui le souhaitent de dissimuler leurs cheveux par d’autres moyens.

Face à cette situation, les étudiantes de ces deux départements d’études ont décidé de s’organiser et protester contre cette mesure portant atteinte à leur droit à disposer de leurs corps : « L’année dernière, on a laissé couler par peur de représailles même si on était pas trop à l’aise car le voile, ça fait partie de nous. Mais quand nous avons discuté avec les étudiantes du département de génie biologique, on a décidé de contester », nous explique Inaya. Elles ont alors contacté Le Poing Levé Montpellier, qui effectue actuellement un recours gracieux auprès du directeur de l’IUT et du président de l’Université de Montpellier afin que l’interdiction des couvre-chefs soit abrogée.

Depuis l’annonce de l’interdiction des abayas à l’école faite par Gabriel Attal, nouveau ministre de l’éducation recruté par Macron pour mettre au pas la jeunesse, les témoignages de jeunes filles exclues de leurs établissements se multiplient : au nom de la « laicité » et d’une soi-disant véritable liberté que seul l’état patriarcal et raciste pourrait leur conférer, leurs habits et leurs corps sont scrutés et hypersexualisés, comme l’illustre l’injonction à « montrer leurs formes » faites par des hommes adultes à des adolescentes.

La croisade islamophobe et sexiste menée par Attal dans l’enseignement secondaire à travers l’interdiction des abayas ouvre des brèches aux autres relais institutionnels de l’État, qui en profitent pour instaurer des mesures visant les femmes musulmanes ou perçues comme tel : c’est notamment le cas de la mairie PS-PCF de Sarcelles qui a ordonné au personnel de ménage et de cantine des écoles, à majorité féminin, de ne plus porter des « foulards, robes ou boubous ». Chassées des lieux d’études, de travail et de loisirs à travers des règles et lois portant atteinte à leur droit de disposer de leurs corps, les femmes musulmanes ou perçues comme telles sont ainsi marginalisées de l’espace public, et, à leur entrée sur le marché du travail, souvent contraintes d’accepter les emplois les plus précaires.

Alors que la macronie tente de se relever tant bien que mal d’une année politique explosive, entre la grève des raffineurs à l’automne dernier, la bataille contre la réforme des retraites durant l’hiver et les révoltes des quartiers populaires cet été, la tentative de résolution de cette crise de la gouvernance passe pour Macron par une offensive raciste et islamophobe. L’interdiction des abayas à l’école et les mesures telles que l’interdiction de couvre-chefs dans les écoles à Sarcelles, dans une école d’infirmières à Epinay-sur-Orge ou à l’IUT de Montpellier s’inscrivent dans la lignée de la violente répression contre les quartiers populaires suite aux révoltes provoquées par le meutre de Nahel. Cette politique se déroule sous fond d’aggravation de la pauvreté en France, et sert aussi au gouvernement Macron non seulement construire de toute pièces un “ennemi intérieur” qui serait la figure de l’habitant-e des quartiers populaires de confession musulmane, mais aussi à discipliner un secteur de notre classe qui, en plus d’être opprimé, occupe les emplois aux conditions les plus difficiles et aux salaires les plus bas.

Face aux attaques islamophobes et sexistes de l’État et de ses relais contre les étudiantes musulmanes ou perçues comme telles, aux violences de ce même État contre les habitants des quartiers populaires, et à la précarité étudiante grandissante, il est nécessaire de lier ces luttes, de s’organiser sur nos lieux d’études et de revendiquer :

• L’abrogation de toutes les dispositions racistes, à commencer par la loi de 2004 portant interdiction du foulard dans les établissements scolaires
• L’amnistie de tous les jeunes condamnés suite aux révoltes pour Nahel
• La mise en place d’un revenu étudiant à hauteur du smic et indexé sur l’inflation
• Pour une université ouverte à tous et à toutes, sans condition de nationalité ou de diplôme : l’abrogation de toutes les réformes sélectives.


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