L’article 3 du projet de loi déposé le 3 mai dernier procède à un élargissement du cadre juridique destiné à localiser une personne dans le cadre d’une instruction. Ainsi, le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, ou le juge d’instruction pourraient désormais autoriser l’espionnage de tout appareil électronique.

Concrètement, le projet de loi prévoit « l’activation à distance d’un appareil électronique à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire ou possesseur aux seules fins de procéder à sa localisation en temps réel ». En pratique, les micros et caméras des téléphones portables pourront dès lors être mis sur écoute à l’aide d’un logiciel espion, dans le but de localiser l’appareil en question. L’utilisation du terme large appareil électronique permettrait également l’espionnage d’ordinateurs ou encore d’ordinateurs de bord de véhicules.

Une énorme offensive, qui s’inscrit dans le renforcement autoritaire organisé ces dernières années par le macronisme, et qui ouvrirait la voie à un espionnage massif dans le cadre d’instructions. La mesure a ainsi déjà été dénoncée par le Conseil de l’Ordre des Avocats du Barreau de Paris, pointant « une atteinte particulièrement grave au respect de la vie privée » et notant par ailleurs que celle-ci pourrait être utilisée pour espionner des échanges entre les avocats et leurs clients.

Volant au secours du gouvernement, BFM TV tient à nous rassurer. En réalité, comme souvent avec les lois de ce type, le gouvernement cherche à légaliser des pratiques déjà existantes mais qui font jusque-là l’objet d’un flou juridique. Rassurez-vous, vous pouvez déjà être espionnés ! La loi, déjà permissive en matière de localisation, autorise à l’heure actuelle dans le cadre de certaines enquêtes, instructions ou recherches, le recours à « tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel ». Mais sans loi, il est plus facile de contester de telles pratiques comme constituant une atteinte non proportionnelle au respect de la vie privée et aux droits de la défense par exemple. En inscrivant dans la loi une pratique déjà en vigueur, Dupont-Moretti entend faciliter la répression en la sécurisant juridiquement.

D’autres insistent que cette procédure légalisée ne serait applicable « que » à « la criminalité », « à la délinquance organisées et aux crimes ». Comme si le contexte justifiait des attaques liberticides, et comme si ces mesures ne pouvaient pas être mobilisées à terme « légalement » (car elles le sont probablement déjà) contre toutes les formes de contestation, que Macron cherche précisément à criminaliser.

Alors que le projet de loi sera débattu au Sénat à partir de début juin, c’est donc bien une nouvelle offensive liberticide que prépare le gouvernement Macron, dans la lignée de la loi sécurité globale ou de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, inscrivant de nombreuses dispositions de l’état d’urgence dans le droit commun. Face à un gouvernement qui ne tient que par ses offensives liberticides, il faut une lutte d’ensemble pour faire reculer Macron, dans laquelle le mouvement ouvrier doit jouer un rôle central.