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Depuis les attentats du 13 novembre à Paris et à Saint-Denis, et l’intensification de l’intervention militaire en Syrie, la Libye se trouve à nouveau dans le viseur des pays impérialistes européens. Le pays est désormais présenté comme une possible future base régionale de Daech, qui étend progressivement son influence à travers le pays et contrôle même la ville de Sytre.

Les avancées de Daech à l’intérieur du pays s’expliquent, tout comme en Syrie, par le chaos dans lequel est plongé le pays. En 2011, Mouammar Kadhafi s’est vu fortement contesté par un mouvement populaire dans le cadre des processus révolutionnaires qui ont touché l’ensemble de la région au début des années 2010. La France, les États-Unis et le Royaume-Uni ont alors formé une coalition internationale, sous la tutelle des Nations Unies, avec l’objectif de virer celui qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant 42 ans et d’encourager la reprise en main du pays par différentes fractions des classes dominantes.

La situation continue à se dégrader depuis. La « transition démocratique » tant revendiquée par les impérialistes n’a pas eu lieu. Le pays se retrouve actuellement divisé en deux camps rivaux. Le premier camp, issu du Parlement élu en juin 2014, reconnu par la communauté internationale et basé à Tobrouk, est composé de libéraux, de nationalistes et d’anciens cadres du régime sanglant de Kadhafi. Le second, communément appelé le Congrès Général National, est dominé par les islamistes. C’est dans ce vide politique et social, sur fond de guerre civile, que Daech et d’autres organisations djihadistes essaient de s’engouffrer.

Pour les pays impérialistes européens, ce chaos semble avoir assez duré. Dans le cadre de son offensive guerrière depuis novembre et après s’en être pris à la Syrie, Hollande s’apprête aujourd’hui à lancer une nouvelle intervention militaire en Libye. Dès la mi-novembre, des vols de reconnaissance ont été menés sur le pays par la France. Dans les médias, la caste politicienne commence à se demander si l’intervention de la France ne serait pas nécessaire afin de lutter contre le terrorisme.

Mais les projets de Hollande ne sont pas universellement partagés. L’Italie a récemment annoncé qu’elle ne comptait pas rejoindre la coalition internationale en Syrie et qu’elle souhaitait rapidement organiser une conférence internationale autour de la Libye. Celle-ci se tiendra finalement le 13 janvier à Rome sous l’égide des Nations Unies. Ainsi, les dirigeants italiens espèrent prôner une solution avant tout politique, qui semble par ailleurs se dessiner à l’horizon si l’entente trouvée le 6 décembre entre les différents partis du conflit armé mène comme prévu à la constitution d’un gouvernement d’union nationale.

Néanmoins, il serait naïf de croire que le regain d’intérêt des impérialistes pour la Libye, déchirée par des années de guerre, est motivé uniquement par la lutte contre le terrorisme ou par une volonté de rétablir la « démocratie ». Derrière ces discours sécuritaires ou prétendument « humanitaires » se cachent les intérêts des multinationales des principaux pays impérialistes d’Europe. En effet, la Libye représente une importante part du marché pétrolier, mais une bonne partie se retrouve actuellement en ruines.

La plupart des multinationales pétrolières implantées dans le pays, dont le groupe pétrolier français, ont dû cesser leur production, du moins terrestre. La seule qui continue à extraire considérablement du pétrole est la multinationale italienne Eni SpA. En 2014, elle a produit environ 240 000 barils de pétrole par jour ; en 2015, la production s’en est élevée à 300 000 par jour. A la chute de Kadhafi, elle représentait près d’un cinquième de la production pétrolière de la Libye. Aujourd’hui, elle représente un tiers de cette production. Fin août, Eni a même annoncé la découverte de l’un des plus gros puits de pétrole marins au large des côtes libyennes.

En proposant l’organisation d’une conférence internationale, la diplomatie italienne cherche aujourd’hui à renforcer la position des multinationales qu’elle représente dans le pays. L’impérialisme italien a occupé la Libye pendant trente ans au début du XXe siècle, développant d’innombrables relations commerciales et s’assurant une certaine mainmise sur les ressources du pays. Si Eni se porte bien, d’autres entreprises italiennes souffrent de l’instabilité de la situation libyenne. Le groupe industriel italien Salini Impregilo, spécialisé dans la construction, a dû abandonner sept commandes (autoroute, aéroport, centre de conférence), d’une valeur de 2 milliards d’euros, en raison des problèmes de sécurité. Le groupe industriel et aéronautique Finmeccanica s’est également vu obligé d’y arrêter ses affaires.

Refusant pour l’instant l’option militaire, la stratégie de l’Italie vise également à contenir les visées de la France qui veut elle aussi relancer l’activité de ses multinationales dans le pays. Toute la question est désormais de savoir quel impérialisme arrachera le plus beau morceau de sa nouvelle proie.