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Xénophobie d'Etat

Loi Immigration. Que contient la dernière version du projet qui sera discutée à l’Assemblée ?

Si certaines des mesures les plus dures introduites par le Sénat ont été retoquées, cette loi marque une offensive majeure contre les immigrés. Une offensive que la droite, l’extrême-droite ainsi que le gouvernement comptent renforcer lors du passage à l’Assemblée, dans un climat toujours plus réactionnaire.

Léo Stella

5 décembre 2023

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Loi Immigration. Que contient la dernière version du projet qui sera discutée à l'Assemblée ?

Crédits photo : Mathieu Delmestre

Dans la nuit de samedi à dimanche, la commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté la version du projet de loi qui arrivera dans l’hémicycle le 11 décembre. Alors que les chefs de la droite crient au scandale quant à la suppression de certaines des mesures les plus dures introduites par le Sénat, une partie de la gauche à l’image de Fabien Roussel se félicite de ce remaniement. Aucune raison de se réjouir pourtant. La dernière mouture reste bel et bien une offensive d’ampleur envers les immigrés qui risque de se renforcer au fil du débat à l’Assemblée. Du gouvernement jusqu’à l’extrême-droite, tous comptent surfer sur le climat réactionnaire pour faire de cette loi xénophobe la « réponse » à la « délinquance » et au prétendu « ensauvagement » de la société.

Un texte « remanié » pour une offensive historique contre les sans-papiers et les immigrés

Le texte qui passera à l’assemblée le 11 décembre sera donc (pour l’instant) amputé d’une partie des offensives les dures proposées par les sénateurs LR. Si l’ajout de ces mesures au Sénat visait pour Darmanin à trouver un accord avec la droite, à l’Assemblée leur suppression sert à rassurer la majorité, en contenant sa dite « aile gauche », en supprimant des mesures vouées de toute façon à être retoquées par le Conseil constitutionnel.

L’Aide médicale d’Etat (AME), permettant la prise en charge des soins pour les sans-papiers, qui avait été supprimée dans la version du Sénat, a été ainsi remise en place. De la même manière, le fameux article 3 autour de la pseudo-régularisation des « métiers en tension » a lui aussi été changé afin d’en faire selon les mots du gouvernement un « compromis » entre la version originale et celle du Sénat. La majorité sénatoriale de droite et du centre s’était accordée sur un nouvel article « 4 bis » qui prévoyait un titre de séjour « exceptionnel » pour les travailleurs des secteurs en pénurie de main d’œuvre.

Ce titre devait être délivré au bon vouloir du préfet et sur des critères renforcés. La nouvelle version du texte prévoit en effet un « encadrement » d’éventuelles régularisations par les préfets. Ils pourront ainsi s’opposer à la délivrance du titre de séjour, notamment en cas de menace à l’ordre public, non-respect des valeurs de la République ou de polygamie.

Enfin, les députés ont aussi retiré les mesures sur l’accès à l’hébergement d’urgence ou encore les conditions de déclenchement de certaines prestations sociales. Les chefs de la droite, Oliver Marleix et Eric Ciotti ont directement crié au scandale dénonçant le « laxisme » du gouvernement, afin de mettre en avant leur projet de loi constitutionnelle permettant d’organiser des référendums sur l’immigration, une revendication historique de l’extrême-droite, qu’ils proposent à l’Assemblée le 7 décembre. Une mise en scène politicienne, qui joue la surenchère face à un texte déjà ultra-xénophobe.

Darmanin annonce de nouvelles attaques après la loi immigration

Darmanin dans un entretien au Figaro a lui tenu à rappeler que la loi restait bien une offensive xénophobe d’ampleur. Il a souligné que la majorité des éléments enlevés étaient le fruit de « compromis », à l’image de l’article 3, et qu’il était ouvert au renforcement du texte. Le ministre se dit par ailleurs prêt à « une discussion sur l’AME dans un texte ultérieur ». Une perspective qui va dans le sens d’un récent rapport parlementaire qui préconise d’en restreindre l’accès.

Le ministre de l’Intérieur a par ailleurs rappelé toutes les mesures plus xénophobes les unes que les autres que les députés ont gardées dans le texte. Dans l’entretien au Figaro, le ministre revient de façon claire dessus : « Ce qui aurait pu être censuré par le Conseil constitutionnel a été écarté, mais beaucoup de dispositions défendues par les sénateurs demeurent : la restriction du regroupement familial, la fin de la gratuité dans les transports pour les personnes irrégulières, le retrait de titre de séjour pour les personnes qui ne respectent pas les valeurs de la République, les simplifications drastiques des recours ou encore le conditionnement de la délivrance des visas pour entrer en France à l’obtention des laissez-passer consulaires nécessaires pour renvoyer les illégaux. »

Des mesures auxquelles on peut aussi ajouter l’envoi massif de policiers et gendarmes aux frontières ou encore la fin de l’automaticité du droit du sol à Mayotte. Le texte prévu pour l’Assemblé reste à l’image des propos de Darmanin une surenchère xénophobe avec la droite. Malgré cela, Fabien Roussel du PCF n’a pas hésité à annoncer qu’il envisageait de ne plus voter « contre » et de s’abstenir sur la loi !

Une loi qui incarne le saut dans l’offensive xénophobe du régime

La discussion du texte est pour le gouvernement une manière de s’affirmer dans la course qu’il mène avec la droite et l’extrême-droite. C’est notamment sur cet argumentaire que Darmanin essaye de faire pression sur la droite pour éviter un nouveau 49.3 à l’Assemblée, insistant sur « la responsabilité immense de ceux qui, s’ils votaient contre pour empêcher son adoption, nous empêcheraient d’expulser des délinquants étrangers radicalisés ou de droit commun ».

Une rhétorique qui s’ancre dans la continuité du durcissement du régime de ces dernières semaines - dans le cadre des attaques contre les soutiens de la Palestine à coup d’interdictions de manifestations, de procès pour « apologie du terrorisme » et de menaces de dissolution – qui contribuent à renforcer le climat réactionnaire pesant dans le pays. De ce point de vue, la lutte contre la loi immigration, qui cristallise le durcissement du régime sur une question fondamentale pour l’extrême-droite, aussi bien parlementaire qu’extra-parlementaire, constitue un enjeu central des prochaines semaines.

C’est par la mobilisation de masse et une campagne contre la loi qu’il sera possible de faire entendre une voix alternative, et de construire l’opposition au projet, par-delà l’enceinte étroite de l’Assemblée nationale, où règne la xénophobie d’État. Le mouvement ouvrier doit se montrer à la hauteur de l’attaque que constitue la loi immigration, en employant ses méthodes pour arracher le retrait de la loi immigration et de toutes les lois racistes, ainsi que la régularisation de tous sans conditions !


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