Dans de nombreuses villes, les manifestants sont sortis des clous posés par les parcours de manifestations déclarées préfecture. Un symptôme que la radicalisation du mouvement gagne de large masse et de la nécessité d’une stratégie alternative à celles des manifestations bien rangées et isolées de l’intersyndicale.

Au Havre, des milliers de travailleurs quittent la manifestation pour partir en manif sauvage

Après les réquisitions sur la plateforme Normandie et l’opération « ports morts » d’hier au Havre, la manifestation a vu un record de mobilisation dans la rue, avec 50 000 manifestants dénombrés par les syndicats. Dans ce contexte, des tensions ont commencé dès le début de la manifestation entre différents syndiqués. Alors que des feux de poubelles ont été allumés avant le début de la manifestation, celle-ci s’est scindée rapidement en deux, avec d’un côté le cortège de l’intersyndicale locale, et de l’autre un cortège de manifestants, composée notamment de grévistes de l’UL d’Harfleur et d’autres secteurs de la ville. Frédéric Bichot, cosecrétaire de l’UL, expliquait à notre micro « aujourd’hui suivre un tracé bien ordonné bien formaté pour déranger personne on voit que ça ne colle plus avec la réalité du combat, aujourd’hui on entre un combat plus dur ».

Par la suite, alors que la direction de l’UL du Havre a décidé d’éviter de passer devant l’hôtel de ville, plus de la moitié de la manifestation s’est détournée du tracé pour aller devant la mairie d’Edouard Philippe. Dans ces cortèges, une très grande majorité d’ouvriers, des raffineries, de la pétrochimie, de sous-traitants, de la métallurgie ou encore de la fonction publique. S’en est suivi une manifestation sur la rue Jules Lecesne, incendiant les poubelles et insultant les forces de l’ordres. « Ça fait du bien de manifester pour de vrai » nous a confié un de ces manifestant. A la fin de cette manifestation, la police a gazé les manifestant et arrêté deux jeunes manifestants.

Lyon, Chambéry, Calais, Metz : autoroutes et voies rapides envahies par les manifestants

A Lyon, ce sont les forces de l’ordre qui ont poussé la manifestation à sortir du son trajet : alors que la manifestation arrivait place Bellecour, la police a bloqué le trajet, selon des témoignages publiés sur twitter. Face à la répression, plusieurs centaines de manifestants ont envahi le périphérique de Lyon, bloquant la circulation pendant plus de 40 minutes.

Même dynamique du côté de Chambéry, où près d’un tiers de la manifestation s’est détournée du cortège pour aller bloquer la VRU (voie rapide urbaine) au niveau du tunnel des Monts.« Depuis le début du mouvement, tout le monde disait qu’il fallait aller bloquer la VRU, c’est l’axe majeur de la ville qui dessert toutes les vallées autour » explique notre correspondante sur place. Dans les manifestants, de nombreux syndiqués sont encore, à 16h45, sur place, bloquant la circulation, alors que des barricades de fortune sont érigées et un radar incendié.

A Calais, les manifestants ont aussi débordé le parcours déposé en préfecture pour aller, eux aussi, sur l’autoroute A16, bloquée dans les deux sens avant d’être débloquée par la police.

Enfin, à Metz, des ouvriers de l’énergie, du gaz ou de la métallurgie (PSA) sont partis en manif sauvage pour bloquer l’autoroute et ont fait reculer la police.

Dans de nombreuses villes, la volonté de dépasser la politique de l’intersyndicale, que ce soit dans ses modalités de grève, ses revendications, ou encore ses modes de manifestation, se fait sentir. Si les manifestations sauvages qui se déroulent à Paris en soirée sont souvent composées de nombreux étudiants et jeunes travailleurs, aujourd’hui, ce sont des groupes entiers d’ouvriers grévistes qui ont aussi voulu déborder les manifestations « plan-plan » déposées par les intersyndicales locales. Un signe de plus de la radicalisation du mouvement en cour dans tout le pays.