Samedi dernier Pékin lançait son opération d’exercices militaires « Joint Sword » autour de Taïwan. L’objectif de ces manœuvres visait à simuler des frappes de précision ciblées ainsi que la capacité de l’armée chinoise à réaliser un encerclement de l’île.
Entre samedi et lundi, l’armée chinoise a ainsi déployé des dizaines d’avions et des navires de guerre autour de l’île dont plusieurs dizaines ont franchi la ligne médiane du détroit de Taïwan (frontière officieuse revendiquée par Taipei). Ce mardi, selon les autorités taïwanaises, des aéronefs et des navires de guerre ont été détectés à nouveau malgré l’annonce de Pékin lundi de la fin des opérations.
Ces importantes manœuvres militaires sont une réponse à la visite de la présidente de Taïwan Tsai Ing-wen en Californie mercredi dernier où elle a rencontré une délégation de parlementaires américains dont le président de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy. En réponse aux manœuvres chinoises, les américains ont déployé lundi le destroyer USS Milius (navire de guerre) dans une zone de la mer de Chine ouvertement revendiquée par le pouvoir chinois qui a tout de suite dénoncé une intrusion.
Ces démonstrations de force de la part de Pékin ne sont pas nouvelles et ne sont pas les plus imposantes, notamment en comparaison avec celles réalisées en août 2022 suite à la venue de Nancy Pelosi, parlementaire démocrate à l’époque présidente de la Chambre des représentants. Si elles sont importantes, ces manœuvres militaires ne représentent pas dans les faits une menace d’invasion immédiate ou même à court terme mais elles témoignent de l’intensification des tensions géopolitiques autour de Taïwan entre la Chine et les Etats-Unis.
Selon Mathieu Duchâtel chercheur et directeur des études internationales de l’Institut Montaigne cette simulation d’encerclement montre que Pékin pourrait opter à long terme pour un blocus de l’île plutôt qu’une « blitzkrieg » afin d’atteindre son objectif de réunification avec Taïwan. En effet, une guerre éclaire et une invasion de l’île pourrait être trop couteuse pour l’armée chinoise. Mais ces actions visent également selon le chercheur « d’influencer les élections et législatives qui auront lieu en janvier 2024 » et ainsi peser pour la mise en place d’un pouvoir taïwanais favorable aux négociations avec Pékin.
Pékin revendique Taïwan comme chinoise depuis 1949 à travers notamment sa « politique d’une seule Chine », véritable ligne rouge qui structure les relations diplomatiques et bilatérales de la Chine. Selon ce principe, Taïwan est chinoise et Pékin n’entretient aucune relation diplomatique et commerciale avec des États qui ne respecteraient pas cette politique de Chine unie et qui reconnaitrait Taïwan. Une écrasante majorité des États respecte ce principe, dont les États-Unis. Mais officieusement et depuis des décennies, les États-Unis mènent une politique « d’ambigüité stratégique » selon laquelle ils respectent officiellement la politique « d’une seule Chine » mais soutiennent dans les faits Taïwan et mènent de véritables relations diplomatiques et commerciales notamment de vente d’armes.
Depuis plusieurs années, dans le cadre du tournant stratégique du « pivot vers l’Asie » qui définit l’essor économique et géopolitique de la Chine comme la principale menace de l’hégémonie américaine, les Etats-Unis intensifient leurs relations avec Taïwan et leur présence militaire dans l’espace Indo-Pacifique. En septembre dernier, Joe Biden s’était ainsi engagé à défendre Taïwan en cas d’invasion chinoise.
La montée d’un potentiel scénario militaire dans la mer de Chine exprime à quel point la question Taïwanaise est devenue une question centrale dans la redéfinition des relations internationales dans le cadre du conflit qui oppose les Etats-Unis et la Chine. Alors que la Chine voit la réunification avec Taïwan comme une question incontournable pour son expansion en tant que puissance économique et maritime mondiale, les Etats-Unis y voient une menace à l’hégémonie mondiale de leur impérialisme et tout particulièrement dans l’Indo-Pacifique.
